5.6.5.3.1. Processus d’apprentissage et d’accumulation de connaissance: l’interaction entre idées et capacités

Les nouvelles théories de croissance suivent la formalisation du processus de développement économique originalement proposé par Arrow (1962). Contrairement à ce qui arrivait à l’époque, Arrow, au lieu d’attribuer la partie de croissance non explicable par l’accumulation des facteurs traditionnels, travail et capital, au changement technologique, a soutenu que l’expérience dans l’utilisation du capital 19 faisait apparaître une augmentation de connaissance utilisée dans la production. Il a formalisé l’idée que les travailleurs d’une entreprise apprenaient avec l’utilisation des moyens de production et, de cette forme, augmentaient la productivité de l’entreprise. Ainsi, l’apprentissage, c’est-à-dire l’accumulation de connaissance, surgit comme le facteur fondamental des augmentations de l’efficacité qui conduisent à la croissance économique.

La contribution des nouvelles théories de croissance a développé ce raisonnement à d’autres types d’apprentissage, à partir du moment où Romer (1986) a démontré la généralité des arguments d’Arrow. Deux autres types de nouvelles théories ont mis l’accent sur les mécanismes formels institutionnels qui existent dans notre société pour développer le processus d’apprentissage, comme l’éducation et la recherche.

Les modèles qui ont souligné le rôle de l’éducation suivent le travail de fond de Lucas (1988). À leur tour, Romer (1990), et Grossman et Helpman (1991), sont les références fondamentales soulignant comme sources de la croissance endogène la recherche et l’innovation. La Figure 5.2 établit la relation entre l’apprentissage, la croissance et les facteurs relatifs à l’enseignement, en même temps qu’elle indique les références fondamentales associées à chacune des perspectives.

Figure 5.2 Les nouvelles théories de croissance économique
Figure 5.2 Les nouvelles théories de croissance économique

Source : Le Bas (2004).

Cette analyse révèle qu’un groupe d’auteurs connus pour leurs travaux sur les nouvelles théories de croissance économique ont étudié l’accumulation de connaissance sous la forme de capacités (Lucas, 1988), l’éducation apparaissant comme moyen formel d’apprentissage. D’autres ont perfectionné des modèles où l’accumulation d’idées résulte d’un effort de recherche.

Le Tableau 5.6 synthétise la façon dont les contributions des auteurs déjà notés se situent en croisant l’accumulation de connaissance avec plusieurs types d’apprentissage. Comme on peut observer, il y a encore quelques aspects vides. D’un autre côté, on vérifie qu’au début de la décennie 90, l’accent a été mis sur l’analyse de l’accumulation d’idées à travers la R&D. Ce versant s’accentue dans des études récentes (Romer 1993a, 1993b, 1994). Les raisons pour cela résident dans le fait que les processus d’apprentissage informels sont plus compliqués, difficiles à analyser et moins capables d’être l’objet d’observation empirique, ce qui laisse comme terrain d’étude l’accumulation d’idées au travers de la R&D. La recherche du rôle de l’éducation, a longtemps été étudiée (voir le rôle des théories du capital humain qui datent des années 60).

Tableau 5.6 Accumulation de connaissance et processus d’apprentissage: les nouvelles théories de la croissance
Accumulation de :
Apprentissage par Processus
Formelles Informelles
Education R&D Expérience Interaction
Idées   Romer (1990)
Grossman et Helpman (1991)
   
Capacités Lucas (1988)   Arrow (1962)
Romer (1986)
Lundvall
(1992)

Source: LeBas (2004).

Un autre aspect à souligner est celui de l’intérêt qu’il y a à examiner l’impact économique des processus d’apprentissage résultant des l’interactions, spécifiquement dans le domaine de ce que l’on appelle la «société de l’information». Cela a des implications profondes sur le rôle de l’université, laquelle doit passer de l’enseignement magistral à un processus d’apprentissage plus participé, intimement associé à la formation continue (au long de la vie).

Notes
19.

« Learning by doing ».