6. Les ressources humaines dans la recherche et le développement technique

6.1. Considérations générales

En 1995, fut publié le "Livre Vert Sur l'Innovation", dont l'objectif a été de lancer un ample débat sur les questions de l`innovation, auprès des agents locaux, dans les régions et dans les États- membres. Dans cette publication, on disait que:" l’objectif du Livre Vert est celui d'identifier les différents éléments, positifs ou négatifs, dont dépend l'innovation en Europe, et formuler des suggestions qui permettent d’augmenter la capacité de l'innovation de l’Union Européenne." Là on affirmait qu'en vertu de la globalisation des marchés, l'augmentation des alliances stratégiques et le surgissement des nouveaux pays concurrents dans le plan technologique, l'internationalisation des entreprises et des activités de R&D, l'interpénétration des sciences et des technologies, l'augmentation des coûts de l'investigation, la montée de chômage et les facteurs sociaux comme l'ambiance, sont des phénomènes qui sont venus altérer et compliquer les conditions de la production et de la diffusion des innovations, ainsi que les raisons inhérentes à l'intervention des pouvoirs publics dans ce domaine.

L'Europe doit se mobiliser rapidement dans un court délai et avoir une perspective à moyen et long terme en matière d’innovation. Cette mobilisation est d'autant plus urgente que l'Europe souffre d'un paradoxe. Comparés à ses principaux concurrents, les résultats scientifiques de l'Union Européenne sont très bons, mais pendant les quinze dernières années ses résultats technologiques se sont détériorés ; il existe, de cette façon, une importance stratégique pour transformer le potentiel scientifique et technologique en innovations rentables.

Un des principaux défauts de l'Europe est sa relative incapacité à transformer les résultats de recherche et de la compétence technologique en innovations et avantages concurrentiels.

Relativement aux ressources humaines, le diagnostique est synthétiquement le suivant:

  • Systèmes d'éducation et de formation bien qu’inadéquats ;
  • Mobilité excessivement fragile (Voir Livre Vert, 1995, p. 37 - 43).

Au Sommet de Lisbonne, fut établi un objectif nouveau stratégique à long terme: « un objectif nouveau stratégique doit être défini pour les dix prochaines années, faire de l'Union Européenne, à l'échelle mondiale l'espace économique basé sur l'innovation et la connaissance plus dynamique et compétitive, capable d'élever les niveaux de la croissance économique, avec plus et de meilleurs emplois, et plus de cohésion sociale ».

Au Sommet de Barcelone, en 2002, on a recommandé: "que la dépense globale en R&D et l'innovation dans l'Union Européenne (UE) devait être augmentée avec l'objectif d'atteindre 3% du Produit National Brut (PNB). Deux tiers de ce nouveau investissement devraient provenir du secteur privé".

Avec les déclarations de Lisbonne et Barcelone, l’UE s'est donné l'objectif de devenir la plus compétitive et dynamique économie du monde, basée sur la connaissance. Dans ce contexte, les ressources humaines acquièrent un rôle très important. Comme nous l'avons déjà observé, le capital humain spécialement dans la science et la technologie est de plus en plus important pour la croissance économique. Dans la nouvelle économie, où la connaissance est la source de la création du bien-être, le capital humain devient aussi essentiel que le capital physique.

Les ressources humaines pour la science et la technologie sont distinguées pour des raisons diverses:

  • L'investissement dans le capital humain est crucial pour l'innovation et la croissance. Les bénéfices publics, en termes d'externalités, engendrés par le capital humain, sont le principal motif pour que les gouvernements investissent dans l'éducation publique et dans la formation pour la recherche;
  • La proportion des travailleurs de la science et technologie dans les entreprises a un impact dans l'introduction de nouveaux processus et produits;
  • La mobilité des ressources humaines dans la science et technologie entre les petites, moyennes et grandes entreprises, l'extérieur étant un véhicule important pour le changement de la technologie;
  • Des décalages dans la recherche et dans l'offre des ressources humaines en science et technologie peuvent avoir des effets sur l'économie globale. Des carences de personnel peuvent contribuer au chômage et à la fuite des cerveaux internationaux (brain drain);
  • Les ressources humaines dans la science et la technologie sont également importantes, parce que, normalement, elles donnent suite à un grand nombre d'entreprenants.

Or, comme nous le savons, l’Union Européenne se débat aujourd’hui avec un manque de ressources humaines, dans divers domaines de R&D. En outre, l'expansion de l'économie s’appuie de plus en plus sur la connaissance et tend à aggraver ce besoin. On pourrait concevoir une solution du problème qui passerait par exporter les tâches qui ne pourraient pas être faites internement, ou importer plus de ressources humaines pour résoudre ces tâches. Toutefois, aucune de ces alternatives ne sont compatible avec l'objectif que l'Union Européenne s'est donné à elle-même. Comment la nation contrôle et forme ses propres ressources humaines, c’est la question que l'on doit se poser. Comme nous prétendons aborder la situation des ressources humaines dans une perspective européenne, on met l'accent sur les ressources humaines au niveau européen. La perspective nationale n'est pas, toutefois, négligée. Elle sera abordée plus loin, en détail. De toute façon, les deux perspectives sont imbriquées, et cela sera visible au long du texte. Les éclaircissements étant faits, on peut affirmer que le diagnostic de la situation européenne, fait en 1995, reste encore pertinent.

Quand elle est comparée avec les autres nations – États-Unis et Japon – l'Union Européenne met en évidence un plus grand manque de coordination des activités dans ces domaines, malgré un vaste ensemble d'expériences qui apportent une variété d'aides en faveur des ressources humaines. Si on prétend élever cet avantage de diversités et de richesse d'expériences existantes dans les divers pays européens, alors on peut demander que l'Union Européenne soit capable de comparer les résultats des politiques nationales dans cette matière et d’effectuer le développement des politiques plus intégrées et flexibles.