8.4. Faiblesses du SNI

La première des faiblesses est l’insuffisante liaison entre les entreprises et les institutions qui font de la recherche et promeuvent l'innovation. Ainsi, l'innovation incrémentale devrait être faite essentiellement dans les entreprises en relations fréquentes avec les institutions de recherche et d’innovation pour que celles-ci puissent aider à résoudre les problèmes qui quotidiennement se présentent aux entreprises. Quant aux innovations radicales, celles-ci requièrent un effort plus grand et de longue durée, qui peut être fait dans les entreprises que si celles-ci sont de grande dimension, ou en collaboration avec les institutions d'investigation. Or, quelques-uns unes de ces formes de coopération requièrent l'existence de la connaissance mutuelle et de la confiance entre les entrepreneurs et les investigateurs. Les entreprises doivent commencer à mettre en œuvre un management de la technologie, qui se rapporte à tous les versants de gestion associés à la recherche, à l'estimation de la technologie et le développement technologique, à l'adaptation et à la profonde formation des technologies et à l'exploitation de technologies dans la production des biens et services. Une autre faiblesse du système d'innovation se réfère à la difficulté à que chacun puisse acter dans le domaine où il est excellent. Les exigences en matière d'investissement et la grande complexité de la recherche "nous oblige" à abandonner notre individualisme et notre méfiance traditionnels et à apprendre.

Il faut constituer des réseaux aussi bien au niveau national qu'au niveau international englobant des institutions de recherche et des entreprises. Les réseaux doivent avoir comme exigence l'excellence de la contribution de chacun et doivent être flexibles. Le fonctionnement en chaîne doit inclure tous les éléments du système d'innovation. Dans chaque élément du système, doivent exister aussi des chaînes spécifiques dont les vertus doivent être exploitées. Pour cela, il est nécessaire, cependant, de développer une nouvelle compétence: la capacité de gestion des réseaux (Mendonça 2001).

Nous avons au Portugal un Parc de la Science et de la Technologie qui a du succès – Le TAGUSPARK , mais d'autres tardent à démarrer. Les «parcs» de la science et de la technologie sont importants comme interface de promotion, de contact et d'aide dans la résolution des problèmes. Les parcs de science et technologie ont besoin d'être spécialisés. Ces parcs doivent être associés au tissu enveloppant de l'entreprise. Une des plus grandes faiblesses de notre système d'innovation vient du système éducatif. En effet, ce système a un enseignement « dogmatique » qui ne stimule pas l'initiative personnelle, la curiosité, la créativité et la rigueur. Pour qu'il y ait innovation continue, il est indispensable qu'il existe des personnes bien formées, curieuses, entreprenantes. Cette tâche appartient, en grande partie, au système éducatif.

Pour que le système national d'innovation soit efficace, le système éducatif doit l'être aussi. On doit commencer par le primaire et le secondaire. Comme ceci prend du temps, on doit dès maintenant intervenir dans le système éducatif, en privilégiant les domaines technologiques et la réalisation de stages obligatoires dans les entreprises.

L'autre faiblesse importante du système national d’innovation, qui existe aussi dans toute Administration, est la coordination. En effet, on doit procéder à la «dé bureaucratisation» des relations entre les entreprises comme dans l'État. Comme on l'a déjà vu, le système national de l'innovation a au moins six types d'acteurs. Ainsi, le système nécessite de la coordination, mais pas d'un grand coordinateur, car sa tâche serait impossible. Ce que l'on conseille, c'est qu'il existe une grande décentralisation des compétences.

Un autre point faible dans le système national de l'innovation réside dans le système financier. Ce système, en matière de gestion des risques dans les secteurs innovateurs, est caractérisé par un excès de conservatisme. Les entreprises de capital de risque n'ont pas rempli adéquatement leur fonction, de même que les « business angels ». De cette manière, le système financier n'a pas de méthodologies d'analyse des innovations propres. La manière de faire face à ces projets innovateurs doit être différente de celle qui est utilisée pour des projets communs, soit, pour des demandes de crédit courant. Quant aux centres technologiques, ceux-ci ne peuvent pas seulement se limiter à résoudre les problèmes posés aux entreprises. Ils doivent aussi avoir un rôle de diffusion de nouvelles connaissances et de nouvelles techniques qui ont de l'intérêt pour les entreprises. Ils doivent, également, avoir des compétences de surveillance et prospectives technologiques dans les secteurs dans lesquels ils se sont spécialisés.

Quant aux réseaux, qu’elles soient régionales ou bien locales, elles doivent saisir l'innovation comme prioritaire. Ces réseaux doivent travailler avec les centres de recherche et de diffusion de connaissances qui sont spécialisés dans les domaines qui les intéressent le plus. En résumé, les réseaux d'entreprises doivent considérer comme leur tâche, la promotion et la diffusion des innovations qui intéressent une région ou un secteur. Ce qui, jusqu'à maintenant, n'a pas été fait, à quelques rares exceptions. Ainsi, il serait intéressant de généraliser les pratiques d'audits technologiques aux entreprises, de façon à les aider et les sensibiliser à l'innovation. La discussion sur la meilleure manière de le faire aura lieu plus tard. Très souvent, les entreprises ne savent pas où elles peuvent obtenir de l'information ou acquérir de nouveaux équipements.

Comme on l'a déjà rapporté abondamment, les entreprises sont au cœur du système de l'innovation, mais le processus de l'innovation, comme on l'a vu, est multiforme et englobe divers secteurs. Donc, avec le secteur privé, le secteur public doit aussi innover, de là l'introduction dans le système de l'innovation d'un élément au sujet de l'Administration Centrale, Régionale, et Locale. Les bonnes pratiques (benchmarking) doivent être généralisées dans les relations entre les entreprises et les citoyens avec l'Administration Publique. Nous devons avoir de l'ambition dans cette matière, les bonnes pratiques impliquent que nous comparions avec les meilleurs et non seulement avec la moyenne. Les associations de consommateurs ont ici aussi un rôle important, en veillant sur la qualité des produits et des services et, à son tour, l'État doit avoir une politique d'appui à la qualité. Effectivement, la qualité et l'innovation marchent ensemble.

Quant au registre des brevets, il est au Portugal, ainsi que dans l'Union Européenne (UE), plus lent qu'aux USA et au Japon. Les résultats de la recherche et de l'innovation doivent être dûment protégés, de manière à stimuler les brevets déposés par les entreprises.

Une autre facette du système de l'innovation est la sélection. Pour les entreprises, la sélection est faite par le marché. Les bonnes continuent et les mauvaises normalement échouent. Ainsi, on doit encourager la culture de la sélection à tous les niveaux, depuis l'Administration Publique jusqu’au système d’éducation. Notre système d'innovation est peu internationalisé. Nous avons besoin de changer le profil de nos importations et exportations, parce qu’elles ne sont pas les plus adéquates. Nous importons des produits avec une valeur ajoutée élevée et exportons des biens avec une valeur ajoutée faible. Nous devons nous efforcer de capter l'investissement direct étranger (IDE), parce que celui-ci peut être un bon instrument d'innovation. L’IDE qui nous intéresse est celui lié aux activités qui produisent des biens avec une valeur ajoutée élevée. De cette façon, les équipes qui font la prospection et la négociation de l'IDE doivent avoir des compétences en innovation.

L'autre grand talon d'Achille de notre système national d'innovation est la faible recherche menée par les entreprises ; or, pour qu'il y ait de l'incorporation des innovations dans la chaîne de valeur des entreprises, cette situation doit être changée. Le traitement fiscal des investissements en activités innovatrices doit aussi être un aspect à privilégier comme façon de contribuer à l’augmentation du rythme de modernisation des entreprises. Comme nous l'avons déjà distingué à diverses reprises, l'aspect le plus important dans le processus de l'innovation, sont les personnes et la qualité de la formation et de l’éducation. Or, au Portugal, la qualité de l’éducation est faible, comme l’attestent les statistiques. Les programmes PISA (Programme for International Student Assessment) font apparaître les faibles performances des élèves portugais, par exemple, en mathématiques, qui est une discipline essentielle pour bien penser et qui sert d’instrument pour beaucoup de professions. On doit donner une attention particulière à ce problème, ce que nous ferons plus loin.

En conclusion de cette présentation, on doit souligner que le gouvernement devrait adopter une politique à ce sujet, c’est-à-dire qu'on ne peut pas mettre de côté l'innovation et ne pas la considérer comme une priorité politique, comme elle doit l’être, à notre avis, dans les pays comme le nôtre. Une synthèse statistique comparative de certains de ces aspects, entre le Portugal et l’UE, est présentée dans le Tableau 8.1 suivant :

Tableau 8.1 Portugal vs UE
         
INDICATEUR        
  UE 15 P
O
R
T
U
G
A
L
C
l
a
s
s
e
m
e
n
t
1. Ressources Humaines        
1.1 Nouveaux de diplômés en sciences et ingénierie (‰ des 20- 29 ans) 11,3 6,4 11 14
1.2 Population ayant suivi des études supérieures (% des 25– 64 ans) 21,5 9,4 15 15
1.3 Participation à la formation tout au long de la vie (% des 25– 64 ans) 8,4 2,9 13 1 5
1.4 Emploi dans l'industrie manufacturière de moyenne- haute et haute technologie (% de la population active totale) 7,41 3,33 13 15
1.5 Emploi dans les services de haute technologie
(% de la population active totale)
3,57 1,45 15 15
2. Création de Connaissances        
2.1 Dépenses publiques de R& D (DIRD - DRDE) (% du PIB) 0,69 0,57 9 15
2.2 Dépenses de R& D des entreprises (DRDE) (% du PIB) 1,3 0,27 14 15
2.3.1 Demandes de brevets de haute technologie déposée auprès de l'OEB (par million d´habitants) 31,6 0,7 15 15
2.4.1 Brevets EPO 161,1 5,5 15 15
3. Transmission et Application des Connaissances        
3.1 PME faisant de l'innovation en interne (% des PME manufacturières) 37,4 35,5 8 14
3.2 PME faisant de l'innovation en coopération avec d'autres entités
(% des PME manufacturiers)
9,4 6,1 9 13
3.3 Dépenses consacrées à l'innovation
(% du chiffre d'affaires total de l'industrie manufacturière)
3,45 2,86 9 14
4. Financement, production et marchés de l'innovation        
4.1 Investissements de capital- risque dans la haute technologie
(% du PIB)
45,4 45,9 7 13
Capitaux levés sur les marchés parallèles, ainsi que par des sociétés nouvelles sur les marchés principaux 0,037 0,01 14 14
4.3.1 Ventes de produits "nouveaux sur le marché"
(% du chiffre d'affaires total de l'industrie manufacturière)
10,5 16 3 12
4. 4 Accès Internet à domicile (% de l'ensemble des ménages) 0,51 0,25 14 15
4. 5 Dépenses consacrées aux TIC (% du PIB) 7 5,4 11 15
4. 6 Part de la valeur ajoutée manufacturière dans les secteurs
de haute technologie
14,1 6,5 13 15

Source: European Innovation Scoreboard, 2003

Le Tableau 8.1 indique, dans la première colonne, la moyenne de l’UE pour les 15 pays, pour chacun des items soulignés. Dans la deuxième colonne est indiquée la position du Portugal pour les mêmes items. Dans la troisième colonne, le classement indique la position relative du Portugal entre le numéro de pays qui ont indiqué statistiques pour chaque item. La dernière colonne montre le numéro total de pays avec statistiques pour chaque item.

On peut observer dans le Tableau 0.1 que le Portugal occupe une position très modeste entre les quinze pays de l’UE relativement aux items indiqués. Une analyse plus précise montre que le Portugal occupe les dernières positions, surtout, en ce qui concerne les ressources humaines. Le pays est dans la dernière position en ce qui concerne les études supérieures et l’emploi dans les services de haute technologie. Nous prétendons démontrer que les ressources humaines sont fondamentales dans le processus d’innovation, - ça c’est notre principal préoccupation! En ce qui concerne la création de connaissances, le pays se trouve aussi dans une position très faible. Les dépenses de R&D des entreprises sont trop réduites. Le pays est également à la dernière position en ce qui concerne aux brevets. Cela fait dégager les faiblesses des ressources humaines déjà notées. Relativement à la transmission et application des connaissances, le positionnement du Portugal occupe le milieu du tableau. En effet, les PME font quelque innovation interne, notamment innovation de processus, et développe quelque coopération avec d’autres entités. Quant au financement, production et marchés de l’innovation le pays est en très bonne position en ce qui concerne aux ventes de produits « nouveaux sur le marché » Cela se doit au fait des portugais exhiber une très grande propension pour absorber les nouveautés du marché, à savoir, le cas des mobiles. Le pays est aussi en bonne position dans les investissements de capital-risque. Le Portugal est mal positionné en ce qui concerne les dépenses consacrées aux TIC, notamment l’accès Internet au domicile.

En somme, la situation de l’innovation au Portugal par rapport à l’UE est préoccupante. La situation est même très inquiétante au sujet de la création de connaissances et des ressources humaines – l’objet de notre étude.