b) Données économiques sur le jeu en France

Les Japonais sont les plus grands joueurs de la planète 60 . Avec des mises annuelles moyennes par habitant de 4 020 € par an, ce qui correspond à 11,1 % du Produit intérieur brut du pays (PIB), ils se disputent la première place avec les Australiens, chez qui le jeu correspond à 12,5 % du PIB pour des mises annuelles moyennes par habitant de 3 178 €. Viennent ensuite les Etats-uniens (1 811 € par habitant pour 4,6 % du PIB), les Canadiens (1 356 € par habitant pour 5,2 % du PIB), les Anglais (1 161 € par habitant pour 4,2 % du PIB), les Espagnols (1 043 € par habitant pour 6,2 % du PIB), les Italiens (844 € par habitant pour 3,4 % du PIB), les Allemands (480 € pour 1,5 % du PIB), enfin, les Français (421 € par habitant pour 1,5 % du PIB) 61 .

Quelques chiffres permettent de saisir l’importance de chacun des trois grands secteurs de jeu dans lesquels les jeux de casino, les paris sur les courses de chevaux et les jeux de la Française des jeux occupent une place sans partage. Sur un marché français du jeu qui ne tiendrait pas compte des autres types de jeux autorisés, qu’on peut en effet tenir pour quantité négligeable, on peut estimer à 27,8 % la part de marché de La Française des jeux, à 25,2 % celle des paris sur les courses de chevaux et à 47 % celle des casinos 62 .

Avec 188 casinos ouverts en 2005 (192 l’an prochain), dont 181 répartis sur 56 départements métropolitains et 7 Outre-mer, la France est le pays européen qui compte le plus grand nombre de ces établissements. Ceux-ci ont connu dans les vingt dernières années une mutation sans précédent : d’abord, avec l’arrivée des machines à sous (1987), dont l’exploitation représente désormais plus de 90 % de leur chiffre d’affaire (on en compte 17 500 en France), ensuite avec l’implantation des premiers casinos à proximité des grands centres urbains (conséquence d’un amendement parlementaire voté en 1988), enfin avec la concentration exponentielle du secteur, dont 74 % du chiffre d’affaires était, en 2001, réalisée par les huit plus grands groupes du marché 63 . De 1986 à 2000, le produit des jeux des casinos a, sous l’impact de l’arrivée des machines à sous, cru de 988 %. Il était en 2000 de 13,49 milliards F (soit environ 2,1 milliards €) 64 . En 2000, les prélèvements publics sur les casinos se sont élevés à 7 milliards F (environ 1,1 milliard €) 65 , quant à la loi de finances pour 2005, elle prévoit que les divers prélèvements étatiques sur le produit des jeux des casinos s’élèveront à 1,048 milliard € 66 . Enfin, à la fin de l’année 1998, les casinos français employaient 12 600 salariés 67 .

Portant sur environ 2 250 réunions annuelles (17 200 courses auxquelles ont participé plus de 27 000 chevaux) disputées sur 252 hippodromes 68 , les paris sur les courses de chevaux organisées en France sont quant à eux exploités par les 247 sociétés de courses de province 69 et les deux sociétés mères de courses de chevaux spécialement habilitées à cet effet. Chacune d’elles gère sur son hippodrome, directement ou indirectement, le Pari mutuel sur hippodrome (PMH) alors que les paris hors hippodromes sont gérés par un groupement d’intérêt économique dont le nom se confond avec la dénomination de ces jeux : le Pari mutuel urbain (PMU). Les données économiques relatives au PMH sont assez rares. On sait seulement qu’en 1999, les sommes qui y ont été engagées par les parieurs se sont élevés à 1,58 milliard F (environ 250 millions €) 70 . En revanche, les données relatives au PMU sont nombreuses.

Premier opérateur de pari mutuel européen, deuxième mondial, le PMU compte, avec son chiffre d’affaires, parmi les 50 plus grandes entreprises françaises. Son réseau de détaillants s’appuie sur 8 530 points de vente et compte 6,5 millions de clients. En 2004, celui-ci a recueilli environ 7,5 milliards € d’enjeux dont 72,5 % sont revenus aux parieurs sous formes de gains (5,5 milliards €) et 27,5 % ont été retenus (2,1 milliard €). En effet, 12,9 % des enjeux sont revenus aux sociétés de courses (975 millions €) et 14,3 % à l’Etat (1,1 milliard €) 71 . Toutefois ce dernier, comme les sociétés de courses, finance très largement la « filière cheval » via un compte spécial du Trésor : le Fonds national des courses et de l’élevage. Dans la loi de finances pour 2005, le produit des prélèvements publics sur ces paris tombant directement dans le budget général est estimé à 446 millions €, quant au produit des prélèvements affecté au Fonds national des courses et de l’élevage, il est estimé à 90 millions €. En outre, l’activité internationale du PMU, loin d’être négligeable, se développe autour de deux axes : la vente d’images et de données sur les courses françaises à des opérateurs étrangers à des fins de prises de paris en masse séparée 72 et la prise de paris en masse commune sur les courses françaises avec d’autres opérateurs étrangers 73 . Enfin, on peut lire dans le rapport du sénateur Trucy qu’en 2000 l’organisation des courses de chevaux, entièrement financée par les prélèvements publics sur les paris, suscitait plus de 50 000 emplois directs et 120 000 emplois indirects 74 .

Avec ses 42 000 point de vente (1 pour 1430 habitants), le réseau commercial de La Française des jeux constitue le premier réseau de distribution en France en même temps que le réseau le plus dense du secteur public français après celui de l’Education nationale 75 . Au premier rang mondial des opérateurs de loteries d’Etat pour les jeux de grattage, son activité classe la France au cinquième rang mondial des pays opérateurs de loterie (après les Etats-unis, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne). Ce seraient ainsi près de 28,8 millions de joueurs qui, au moins une fois dans l’année, tenteraient leur chance à l’un de ses jeux. En 2004, le chiffre d’affaires de La Française des jeux s’est élevé à 8,5 milliards €. Sur cette somme, correspondant à la masse annuelle des mises des joueurs, 60,3 % leur reviennent, sous forme de gains, 27,2 % vont à l’Etat, 5,6 % à La Française des jeux, 5 % vont aux détaillants et 1,8 % reviennent aux courtiers mandataires de la société. Les prélèvements publics sur les enjeux ont donc atteint en 2004 la somme de 2,3 milliards € 76 . Dans la loi de finances pour 2005, le produit des prélèvements publics opérés sur les sommes engagées aux jeux de La Française des jeux revenant au budget général est estimé à 1,576 milliards €, quant au produit revenant au Fonds national pour le développement du sport, il est estimé à 239,5 millions €.

En somme, la masse des prélèvements publics sur le jeu, qui alimente principalement le budget général de l’Etat, certains comptes spéciaux du Trésor, le budget des communes d’accueil des casinos et les organismes de sécurité sociale, atteindrait chaque année environ 5 milliards €.

Ce rapide portrait du jeu en France est cependant loin d’épuiser le sujet. La sphère ludique apparaît comme un objet de connaissance très riche dont l’étude semble d’autant plus opportune que les rapports juridiques de l’Etat français au jeu n’ont jamais été étudiés dans leur globalité.

Notes
60.

Les données suivantes ne concernent bien sûr que le jeu institutionnalisé, le poids économique du jeu libre et du jeu clandestin ne pouvant être précisément évalué.

61.

F. Trucy, « Rapport d’information fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la mission sur les jeux de hasard et d’argent en France », op. cit., p. 306.

62.

Ibid., p. 307.

63.

Ils s’agit des groupes Partouche (19.1 %), Barrière (16.7 %), Accor (10.1 %), Européenne des casinos (8.8 %), Tranchant (8.5 %), Didot Bottin (4.5 %), Moliflor (4.5 %) et Emeraude (2.2 %). Ibid., p. 139s.

64.

Ibid., p. 147.

65.

Ibid., p. 310.

66.

Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004, JO 31 décembre 2004.

67.

F. Trucy, « Rapport d’information fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la mission sur les jeux de hasard et d’argent en France », op. cit., p. 148.

68.

On en comptait 450 en 1900. Ibid., pp. 30 et 324.

69.

Cour des comptes, « L’Etat et les courses de chevaux » in Rapport au président de la République 2003, Paris, Les éditions des Journaux officiels, 2004, p. 536.

70.

F. Trucy, « Rapport d’information fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la mission sur les jeux de hasard et d’argent en France », op. cit., p. 324.

71.

Voir les dossiers de presse sur le site Internet du PMU (www.pmu.fr).

72.

Cela signifie que les enjeux ne sont pas mélangés à la masse de ceux recueillis en France par le PMU. Ses partenaires son installés dans 19 pays différents : Allemagne, Autriche, Belgique, Italie, Pays-bas, Pologne ainsi que 13 pays d’Afrique (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo Brazzaville, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Conakry, Madagascar, Mali, Niger, République Centrafricaine, Sénégal et Togo).

73.

Ainsi parie-t-on sur les courses françaises, en masse commune avec les turfistes hexagonaux, en Suisse (depuis 1987), à Monaco (depuis 1990), ainsi qu’en Autriche, Allemagne, Pologne et Grande-Bretagne (depuis 2003). Source : site Internet du PMU (www.pmu.fr).

74.

F. Trucy, « Rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la mission sur les jeux de hasard et d’argent en France », op. cit., pp. 57-66.

75.

Société d’économie mixte dont le capital est détenu à 72 % par l’Etat, La Française des jeux est une entreprise du secteur public. A titre de comparaison, le réseau de La Poste comprend 17 000 points de contact avec ses clients (www.laposte.fr), quant à l’Education nationale, elle compte 60 081 écoles, collèges et lycées publics (www.education.gouv.fr).

76.

Tous ces renseignements sont issus du site Internet de La Française des jeux (www.fdjeux.com).