§ 2 - L’emprise du pouvoir sur le jeu au Moyen âge

Il faut attendre l’avènement de la dynastie carolingienne et son alliance avec l’Eglise chrétienne pour voir réitérées les défenses contre le jeu, principalement par l’entremise des conciles et synodes provinciaux. Ainsi les conciles de Mayence (813) et d’Augsbourg (952) se préoccupent-ils des questions de jeu 116 , tel est encore le cas d’Yves de Chartres (autour de 1095) et surtout de Gratien dont la synthèse, publiée vers 1140, marque, selon J-M. Mehl 117  « l’aboutissement juridique de cet ensemble romano-canonique ». En effet, la pratique du jeu sera plus ou moins condamnable selon la qualité de la personne qui s’y livre, à savoir si elle appartient à la tranche supérieure ou inférieure de la hiérarchie ecclésiastique, ou encore si elle est extérieure à la société cléricale. Une liaison entre la boisson et le jeu est clairement établie et c’est la répétition de l’acte délictueux qui rend ce dernier vraiment condamnable. L’Eglise saura néanmoins se montrer pragmatique et permettra de jouer « pour l’amour de Dieu », c’est-à-dire pour la réparation des églises, l’entretien des monastères ou plus généralement des œuvres de bienfaisance, mais elle ne proposait généralement que des lots en nature et de faible valeur 118 .

Logiquement, c’est avec l’avènement du pouvoir royal que ressurgissent les défenses édictées par le pouvoir temporel. Mais comme toujours sa réaction est ambivalente, le pouvoir n’intervient pas que pour réprimer le jeu (A), il l’organise aussi (B).

Notes
116.

S. Teodoresco, Du jeu et du pari en droit privé français, op. cit., p. 40 ; M. Neveux, « Jeux de hasard », art . cit., p. 494. Ces textes punissaient d’excommunication quiconque s’adonne aux jeux de hasard.

117.

J-M. Mehl, Les jeux au Royaume de France…, op. cit., p. 344.

118.

G. Mouquin, La notion de jeu de hasard en droit public, op. cit., p. 8.