Section 2 - La répression des jeux populaires à l’Epoque moderne

L’histoire de la réglementation des jeux se complique considérablement à partir de l’Epoque moderne. D’abord en raison de la prolifération des textes réprimant la pratique des jeux d’argent, notamment à partir du règne de Louis XIII (1601-1643). Ensuite parce que la question du jeu ne concerne plus seulement ceux qui se déroulent dans la rue ou dans les maisons de jeu, clandestines ou tolérées. La loterie se développe en France au XVIème pour devenir ensuite un véritable outil fiscal. Les courses de chevaux, quant à elles, font leurs premières apparitions, mais contrairement à l’Angleterre, la France ne mettra pas en œuvre de véritable « politique du cheval » avant le XIXème siècle 150 . C’est également à cette époque que le calcul des probabilités fait son apparition lorsqu’en 1654 Blaise Pascal (1623-1662) entreprend de répondre à un problème de dés que lui soumet le chevalier de Méré et découvre que les évènements aléatoires ne sont pas totalement rebelles aux lois de la nature 151 .

Les sources relatives à cette période sont plus nombreuses que celles concernant le Moyen âge, mais la plupart ne s’intéressent qu’au jeu à Paris au XVIIIème siècle. Si les recherches en droit rapportent généralement le contenu de certains textes dans une perspective plus illustrative qu’analytique 152 , il y a des exceptions : tel est le cas de deux articles de l’historien du droit Jean-Louis Harouel 153 . Quant aux études purement historiques, deux d’entre elles, qui là encore ne concernent que Paris, sont particulièrement riches : la première couvre la période 1667-1789 154 et la seconde la période 1715-1800 155 . Sans viser l’exhaustivité, l’ensemble de ces écrits nous permet de poursuivre une esquisse des rapports de l’Etat au jeu à travers l’histoire. Ainsi l’Epoque moderne voit-elle voir se poursuivre à un rythme encore plus effréné l’empilement des textes relatifs au jeu (§ 1), elle assiste également à la naissance d’une politique réaliste vis-à-vis des maisons de jeu (§ 2) et voit émerger les premières utilisations de la loterie comme substitut à l’impôt, ou plutôt comme « impôt volontaire » (§ 3).

Notes
150.

Jusqu’au milieu du XVIIIème siècle les français ne considéraient les courses de chevaux que comme un amusement. Si l’on peut penser que la pratique des courses était assez répandue au XIIème siècle, on ne trouve plus aucune trace de telles compétitions à partir de 1200. Sous le règne de Louis XIV, quelques courses furent organisées mais ce n’est qu’avec Louis XVI que certains membres de la cour, dont les frères du roi et le duc de Chartres, décidèrent d’organiser des courses à la mode anglaise. Un hippodrome fut inauguré dans la plaine des Sablons en 1776 et quelques années plus tard le roi accepta de doter certaines courses de prix et fit publier, en 1780, un règlement complet les concernant. De 1781 à 1790 auront lieu, dans le Parc de Vincennes, les premières réunions hippiques auxquelles même les anglais enverront leurs chevaux.

151.

G. Mouquin, La notion de jeu de hasard en droit public, op. cit., pp. 193-195.

152.

D’un écrit à l’autre les textes évoqués ne sont pas toujours les mêmes, l’analyse de ces derniers ne fait que rapporter les grandes lignes du régime juridique des jeux et on ne trouve rien sur l’organisation de la police des jeux ni sur le contrôle ou l’organisation de certains d’entre eux.

153.

J-L. Harouel, « La police, le Parlement et les jeux de hasard à Paris à la fin de l’Ancien Régime » in Etat et société en France aux XVII ème et XVIII ème siècles, Mélanges offerts à Y. Durand, sous la direction de J-P. Bardet, D. Dinet, J-P. Poussou et M-C. Vignal, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2000, pp. 301-315 ; « Les pouvoirs publics face au problème des jeux de hasard à Paris à la fin de l’Ancien Régime » in Etudes offertes à Pierre Jaubert, Presses universitaires de Bordeaux, 1992, pp. 367-376.

154.

O. Grussi, Le jeu d’argent à Paris et à la cour de 1667 à 1789, op. cit. L’auteur a recensé 61 textes (1 édit, 10 ordonnances royales, 3 déclarations royales, 3 arrêts du Conseil du roi, 23 arrêts du Parlement de Paris, 19 ordonnances de police et 2 sentences de police) dont il est impossible de savoir quelle proportion ils représentent de l’ensemble de la législation ludique concernant la période étudiée.

155.

F. Freundlich, Le monde du jeu à paris 1715-1800, op. cit.