Section 3 - Les Loteries royale, impériale et nationale : un succès populaire

« Pour se pénétrer des abus révoltants des loteries, pour bien concevoir à la fois les ruses qu’elles ont inventées, tous les pièges qu’elles tendent à la crédulité du peuple et tous les désordres qu’elles traînent à la suite, il faut attacher ses regards sur la Loterie Royale de France. Jamais peut-être aucune institution n’a présenté au législateur autant de signes de réprobation que cette Loterie qui, sous l’abri de son nom auguste, semble braver la censure publique » 336 . Ces lignes de Talleyrand (1754-1838) 337 écrites dans son ouvrage Les loteries publié en 1789 marquent les débuts d’une campagne pour la suppression de cette institution et nous rappelle que cette dernière n’a pas disparu avec les premiers jours de la Révolution : « la prise de la Bastille n’avait en effet pas empêché le public de se montrer empressé au tirage du 16 juillet, qui avait lieu, comme à l’accoutumée, à l’Hôtel de Ville » 338 .

Le 3 juillet 1790 s’ouvre à l’Assemblée nationale un grand débat sur les dépenses, à vrai dire somptuaires, occasionnées par le fonctionnement de la Loterie. Robespierre (1758-1794) 339 est parmi les plus modérés et en appelle moins à de prétendus impératifs de moralité publique qu’à la nécessité d’une bonne gestion. Mirabeau (1749-1791) 340 est indigné par ce que beaucoup considèrent comme un impôt : « quel impôt qui fonde son plus grand produit sur le délire ou le désespoir ! ». Ainsi fut adoptée la suppression, le 25 Brumaire an II, de la « ci-devant Loterie Royale » dont un arrêté du 27 Frimaire fixe les modalités et ordonne notamment que l’imprimerie de la Loterie soit conservée sous le nom d’imprimerie des administrations nationales afin d’assurer la publication des documents d’ordre administratif, sous le contrôle du ministre de l’Intérieur 341 .

Cependant, avec la situation financière désastreuse de la France, la loterie n’allait pas tarder à s’inviter aux débats des chambres : il manquait vingt millions de francs pour équilibrer le budget de l’Etat or la loterie rapportait à la fin de l’Ancien Régime plus de 10 millions. La question vint pour la première fois devant le Conseil de Cinq-Cents le 13 Germinal an IV, mais elle fut plusieurs fois rejetée, sous l’influence, notamment, de Dupont de Nemours (1739-1817) 342 . Son rétablissement fut finalement prononcé avec le titre 3 de la loi du 9 Vendémiaire an VI 343 et le 17 Vendémiaire an VI, La Révellière-Lépeaux (1753-1824) 344 , président du Directoire, fixait par décret les principes fondamentaux de cette nouvelle institution : le système inspiré des propositions de Casanova fut rétabli et l’administration simplifiée, mais les loteries clandestines avaient eu le temps de s’installer et les premières recettes annuelles atteignirent à peine 8 millions de francs.

Avec Napoléon, la Loterie connaîtra une période de prospérité sans précédent. Pour l’historien Jean Léonnet cet homme « a très vite compris l’importance du jeu dans la vie des peuples. Il a essayé de canaliser au profit de l’Etat une force qui, sans cela, aurait joué à son encontre » 345 . A la suite du coup d’Etat du 18 Brumaire, Bonaparte plaça aux postes d’administrateurs des personnes de confiance qui feront de la Loterie une administration simple et efficace. A son apogée la Loterie impériale comportait 10 secteurs territoriaux (Paris, Bordeaux, Strasbourg, Lyon, Bruxelles, Turin, Gênes, Hambourg, Florence et Rome) tous dépendants de l’administration centrale et organisant chacun une loterie. C’est qu’en effet elle a un peu débordé sur les pays voisins. En 1810, année record, elle rapporta plus de 24 millions de francs à l’Etat et, durant la période napoléonienne, elle ramenait environ 13 millions par an, soit un cinquantième du budget de l’Etat 346 .

La Loterie fonctionna plus modestement sous la Restauration et la transition avec la Monarchie de Juillet lui fut fatale. La raison même qui avait poussé à son rétablissement justifiait sa suppression : le budget de l’Etat s’équilibrant, la voix des moralistes se fit mieux entendre et elle fut supprimée par deux ordonnances royales du 22 février 1829 et du 21 avril 1832 347 . Il est d’ailleurs notable que la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries , qui parachève le processus, ait été votée peu après la loi du 5 juin 1835 relative aux caisses d’épargne 348 et fut présentée comme un complément de celle-ci 349 . En effet, le premier détracteur de la Loterie à l’origine de cette suppression fut le baron Benjamin Delessert (1773-1847) 350 , fondateur de la caisse d’épargne en 1818, dont le Guide du Bonheur, qui privilégiait le travail, laissait peu de place au jeu.

Au delà de leur prohibition, la loi du 21 mai 1836 donne pour la première fois des loteries une définition, mais elle le fait en des termes si larges qu’on a pu également y voir la définition des jeux de hasard : « toutes opérations offertes au public pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait acquis par la voie du sort » (article 2), et l’absence de référence à un quelconque sacrifice pécuniaire des participants soulèvera plus tard quelques problèmes d’interprétation. La loi punit les contrevenants des peines inscrites à l’article 410 du Code pénal et condamne également les actes de complicité, permettant ainsi de poursuivre les relais des loteries étrangères. Enfin, elle établit comme nous l’avons vu une exception en faveur des « loteries d’objets mobiliers exclusivement destinées à des actes de bienfaisance ou à l’encouragement des arts » (article 5).

La loterie d’Etat disparut alors jusqu’en 1933. Seules furent organisées des loteries de charité ainsi que, de manière ponctuelle, des opérations rendues nécessaires par « l’intérêt général » et bénéficiant du « patronage » de l’Etat. La plus importante fut la « Loterie des Lingots d’Or » en 1850-1851 dans laquelle beaucoup verront une véritable escroquerie 351 . L’article 136 de la loi du 31 mai 1933 p ortant fixation du budget général de l’exercice 1933 ressuscitera la Loterie nationale : « dans le délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement fixera par décret les conditions et les modalités d’une loterie dont le produit sera, après prélèvement d’une somme de 100 millions de francs, affecté à la Caisse de solidarité contre les calamités agricoles, rattachée selon la procédure du fonds de concours au chapitre 14 du budget des pensions (retraite du combattant) dont le crédit sera réduit à due concurrence ». Les discussions portèrent plus sur la question de l’affectation du produit que sur le principe même du rétablissement de la loterie et, connaissant la grand avenir auquel allait être appelé ce discret article, on sourit à la lecture de cette phrase de Joseph Caillaux (1863-1944) 352 , président de la commission des finances du Sénat : « Je ne me dissimule pas toutes les objections que peut rencontrer l’institution d’une loterie, surtout si elle devait être permanente ; mais ce qu’on vous propose est une mesure accidentelle...» 353 . Ministre des Finances en 1907, il déclarait déjà, à propos de la loi autorisant les casinos, que son objet était de « régler des situations locales suivant une formule qui n’aura qu’une valeur temporaire et transitoire » 354 .

Notes
336.

Cité par J. Léonnet, Les loteries d’Etat en France aux XVIII ème et XIX ème siècles, op. cit., p. 26.

337.

Evêque d’Autun (1788), prince de Bénévent (1806), Talleyrand est élu en 1789 député du clergé du bailliage d’Autun aux Etats Généraux mais rejoint vite les députés du Tiers. Membre du comité de Constitution puis président de la Constituante (1790), il propose d’appliquer les biens du clergé aux besoins de l’Etat, fait adopter un plan d’instruction publique et prête serment à la constitution civile du clergé, qu’il considérera plus tard comme une erreur et qui lui valut l’excommunication. Accusé en 1792 de défendre les intérêts du roi, il part aux Etats-Unis où il s’occupe d’affaires financières et industrielles. De retour en France il devient, avec l’appui de Barras, ministre des Relations extérieures (1797) et s’applique à être l’agent de Bonaparte au Directoire. Aidant au renversement du pape, à la révolution de Suisse, il négocie avec les Etats-Unis, Hambourg et Lisbonne et, déjà, on l’accuse de vénalité et de corruption. Démissionnaire en 1799, il est rapidement rappelé par Bonaparte et commence à œuvrer pour la paix, notamment pour une alliance avec l’Angleterre, en vain. Ayant démissionné en 1807, il s’oppose à la guerre d’Espagne, plus encore à la campagne de Russie et peu à peu se rapproche des Bourbons. Président du gouvernement provisoire puis nommé ministre des Affaires étrangères et pair de France par Louis XVIII, il parvint à éviter le dépeçage de la France au congrès de Vienne en signant un traité secret le 3 janvier 1815 avec l’Angleterre et l’Autriche. Devenu symboliquement grand chambellan, il se montra assidu à la Chambre des pairs. Avec l’avènement du duc d’Orléans, il obtint l’ambassade de Londres (1830) et remporta son ultime succès diplomatique avec le traité du 22 avril 1834 grâce auquel l’Espagne et le Portugal accédaient à l’alliance franco-anglaise. Il demanda alors son rappel, siégea à l’Académie des sciences morales et politiques et prépara sa réconciliation avec l’Eglise qu’il obtint deux mois avant sa mort. Dictionnaire des parlementaires français (1789-1889), t. V, op. cit., pp. 357-360.

338.

J. Léonnet, Les loteries d’Etat en France aux XVIII ème et XIX ème siècles, op. cit., pp. 33.

339.

Maximilien-François de Robespierre étudia le droit à Paris avant de devenir avocat dans sa ville natale, Arras. Préoccupé de littérature et de poésie, auteur de plusieurs études témoignant de son adhésion aux idées nouvelles, il fut élu représentant du Tiers Etat le 26 avril 1789. Siégeant dès le début parmi les réformateurs, il ne tarda pas à devenir célèbre par la fréquence et l’éloquence de ses discours. Son influence se révéla lors du débat sur l’organisation de la police nationale où il défendit vainement le droit de chaque citoyen domicilié d’en être membre, puis dans son opposition au projet de réforme de Le Chapelier qui entendait réserver le droit de pétition au gouvernement, enfin, le 15 mai 1791, il remporta l’un de ses plus grands succès en persuadant l’Assemblée de voter la non-éligibilité de ses membres à la prochaine législature. Après l’évasion du roi, il s’attaque au dogme de l’inviolabilité du monarque en même temps qu’aux Feuillants, jusque là ménagés, et peu à peu la confiance qu’il inspire aux jacobins tourne à l’idolâtrie. Accusateur public du tribunal criminel de Paris jusqu’en avril 1792, membre de la municipalité insurrectionnelle du 10 août et élu député de Paris à la Convention nationale le 5 septembre 1792, il s’oppose à la démocratie directe, défend le droit des minorités et, alors même qu’il avait demandé l’abolition de la peine capitale à la Constituante, vote la mort du roi. Début 1793, ses luttes personnelles avec les girondins s’enveniment à tous propos : sur la propriété, la loi agraire, la culpabilité de Dumouriez ou encore l’équilibre des pouvoirs constitutionnels, auquel il s’oppose. Le gouvernement révolutionnaire une fois en place, Robespierre, nommé au Comité de salut public, s’allie avec Danton pour se débarrasser des anarchistes mais l’abandonne lorsqu’il est accusé de concussion. Défenseur d’une sorte de tolérance religieuse mais ennemi du « modérantisme », il perd peu à peu de son autorité et voit le Comité de sûreté générale et le Comité de salut public se retourner contre lui jusqu’à ce que les thermidoriens, par d’habiles manœuvres, amènent la Convention à voter son accusation avec celle de son frère ainsi que Couthon, Saint-Just et Le Bas. A 35 ans, le 10 thermidor, il monte sur l’échafaud. Dictionnaire des parlementaires français (1789-1889), t. V, op. cit., pp. 161-166.

340.

Ecrivain, un temps diplomate, la marquis de Mirabeau était d’une insatiable curiosité mais aussi fort dépensier, ce qui lui valut quelques séjours en prison. Député du Tiers Etat aux Etats Généraux (la noblesse du bailliage d’Aix l’ayant repoussé) il prit une part des plus actives aux débats de la Constituante, empruntant habilement les pensées des autres et en y ajoutant l’éloquence. « Tribun par calcul et aristocrate par goût », selon le mot de Necker, ses préférences allaient à une monarchie constitutionnelle, il combattit fermement la loi contre les émigrés aux côtés du parti de la résistance et son ardeur faisait taire ses plus dignes adversaires tels Barnave. Ruiné par son travail et les excès d’une vie de plaisirs, il succomba à 42 ans alors qu’il était président de l’Assemblée. Son corps fut déposé à Sainte-Geneviève érigée en Panthéon, mais lorsqu’on découvrit quelques années plus tard qu’il avait touché quelques subsides de la reine, son cercueil fut chassé pour faire place à celui de Marat. Dictionnaire des parlementaires français (1789-1889), t. IV, op. cit., pp. 380-381.

341.

J. Léonnet, Les loteries d’Etat en France aux XVIII ème et XIX ème siècles, op. cit., pp. 37-39.

342.

Economiste renommé, conseiller d’Etat, Dupont de Nemours soutint, dit-on, une thèse publique à douze ans et fut très vite admis à la société des économistes aux côtés de Turgot et Malesherbes. Le succès retentissant de son ouvrage la Physiocratie eut pour effet de vulgariser les idées des économistes, dès lors appelés « physiocrates ». Sollicité dans toute l’Europe, il revint en France pour collaborer au travaux de son ami Turgot, un temps contrôleur général des finances, mais aussi partager sa disgrâce. En 1789 il est élu par le bailliage de Nemours député du Tiers Etat aux Etats Généraux, sa participation aux travaux de l’Assemblée constituante (dont il fut désigné président le 16 août 1790) est impressionnante : il s’intéresse à tout (il défend vigoureusement le suffrage censitaire, « ceux qui n’ont pas encore de propriété n’étant pas encore de la société », soutient que les biens du clergé sont la propriété de la nation, propose la suppression des ordres religieux et s’oppose à l’émission des assignats) et pas une question financière ne lui échappe. Mais ses positions politiques et sa fidélité à Louis XVI le rendent impopulaire : ayant perdu son siège de représentant, il fonde un journal destiné à promouvoir les idées de modération, il s’oppose à la journée du 20 juin et accompagne lui-même le roi à l’Assemblée accompagné de son fils aîné et d’un fusil. Poursuivi, dénoncé, écroué à la Force, il est remis en liberté et élu au Conseil des Anciens (dont il sera le président) : il se montre à nouveau très actif et à cette occasion s’oppose au rétablissement de la loterie d’Etat. Très hostile au Directoire, il faillit être déporté mais n’échappa pas aux vexations. Le 20 septembre 1799 il s’embarqua avec ses fils pour les Etats-Unis où il devint enseignant. En 1802 il revint en France et y poursuivit ses travaux scientifiques, appelé à des brèves fonctions par Louis XVIII, il repartit à nouveau pour l’Amérique lors des Cent Jours. Dictionnaire des parlementaires français (1789-1889), t. II, op. cit., pp. 504-505.

343.

« La ci-devant Loterie Nationale de France est rétablie sur les bases et combinaisons qu’elle avait à l’époque de la suppression. Le Directoire est chargé d’en organiser provisoirement l’administration sans retard, en faisant toutes les réductions d’agents qu’il sera possible », J. Léonnet, Les loteries d’Etat en France aux XVIII ème et XIX ème siècles, op. cit., p. 46.

344.

Avocat, représentant du Tiers Etat en 1789, membre de la Convention en 1792, il s’opposa avec vigueur à Robespierre et Danton et dut se cacher durant un an. Il revint à la Convention en l’an III, en devint président, siégea au Conseil des Anciens puis devint président du Directoire en l’an IV. Face au danger royaliste, il fut un des instigateurs du coup d’Etat de fructidor an V, de même s’intéressa-t-il à la Théophilanthropie, religion simple destinée à remplacer l’ancien culte. Démissionnaire en l’an VII, il se retira et refusa systématiquement de solliciter les faveurs de l’Empereur. Dictionnaire des parlementaires français (1789-1889), t. III, op. cit., pp. 594-596.

345.

J. Léonnet, Les loteries d’Etat en France aux XVIII ème et XIX ème siècles, op. cit., p. 51.

346.

Ibid., p. 58. Voir les pages suivantes pour plus de renseignements sur l’administration de la Loterie impériale.

347.

L’ordonnance du 22 février 1829 empêche l’organisation de la Loterie dans huit départements où elle n’est pas encore présente et la supprime définitivement dans vingt-huit départements où elle fonctionne déjà (Duv., t. XXIX, p. 19). L’article 48 de l’ordonnance du 21 avril 1832 dispose quant à lui que « le ministre des finances procèdera à l’abolition de la loterie graduellement, et de manière qu’elle ait complètement cessé d’exister au 1er janvier 1836 » (Duv., t. XXXII, p. 240).

348.

S. 1835.II.338.

349.

Rapport de M. de Ricard, Le Moniteur universel du 28 avril 1836, n° 119.

350.

Fils d’un banquier suisse et protestant, Benjamin Delessert reçoit les leçons de Jean-Jacques Rousseau et suit les cours d’Adam Smith à l’Université d’Edimbourg. Lorsque la Révolution éclate il s’engage, à dix-sept ans, dans la garde nationale parisienne et y fait la campagne de Belgique avec le grade de capitaine commandant d’une compagnie de canonniers montagnards. Ayant quitté l’armée en 1795, il devient maire du 3ème arrondissement de Paris en 1800 puis créé successivement une filature de coton (1801) et une raffinerie de sucre (1802) d’autant plus appréciées par l’Empereur lorsque l’Angleterre coupe nos communications avec les colonies en 1806. En 1817, élu député du département de la Seine, il siège dans l’opposition constitutionnelle et milite déjà pour l’abolition de la loterie (1818). Parallèlement, il importe d’Angleterre l’idée des caisses d’épargne et popularise en France cette institution. Réélu, sauf en 1824, jusqu’en 1846, il est membre de toutes les commissions financières et combat encore, cette fois-ci avec succès, la loterie. Il prit part, en 1830, à la commission de révision de la Charte de 1814 et fut longtemps vice-président de la chambre. Dictionnaire des parlementaires français (1789-1889), t. IV, op. cit., pp. 134-135.

351.

L’emploi national en crise, le gouvernement décide d’organiser une loterie dont le bénéfice serait affecté au transport de 5 000 hommes en Californie pour y chercher de l’or. Soixante-dix lingots d’or massif servent de lot, mais avec la spéculation dont font l’objet les billets, le scandale éclate : les organisateurs eux-mêmes vendent des billets au-dessus du prix d’émission ainsi que plusieurs billets portant le même numéro. « Sept millions de billets à un franc, dont le bénéfice était prétendument destiné à payer le transport en Californie des vagabonds de Paris. On voulait tout d’abord remplacer par des rêves dorés les songes socialistes du prolétariat parisien et par le mirage du gros lot le droit doctrinal au travail. Les ouvriers parisiens ne reconnurent naturellement pas, sous l’éclat des lingots d’or californiens, les francs ternis qu’on leur soutirait de la poche. Il s’agissait, en somme, d’une escroquerie pure et simple » (K. Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1ère éd. 1869), Paris, éd. Sociales, 1976, pp. 85-86).

352.

C’est l’un des hommes politiques les plus controversés de la IIIème République. Inspecteur des finances, député de la Sarthe (1898-1919) et sénateur (1925-1944), il fut l’un des plus jeunes ministres des Finances de la République, poste qu’il occupa à sept reprises (1899-1902, 1906-1909, 1911, 1913-1914, 1925, 1926 et 1935), et fut président du Conseil et ministre de l’Intérieur de juin 1911 à janvier 1912. Il siégea d’abord à la Chambre des députés dans le groupe des Républicains progressistes (modérés) puis se rapprocha du parti radical dont il devint le chef en 1912 pour, plus tard, en devenir l’un des éléments conservateurs au sein de la Haute assemblée. On retient surtout de lui ses idées en matière financière (il fut le premier ministre des Finances à proposer la réforme de l’impôt sur le revenu en 1909), ses prises de position en politique étrangère, qui lui coûteront très cher, et…un geste malheureux de sa femme : exaspérée par une violente campagne de presse orchestrée par les adversaires de son époux qui touche jusqu’à leur vie intime, Mme Caillaux se rend, début 1914, dans les bureaux du directeur du Figaro, Gaston Galmette, et le tue d’un coup de revolver. Plus tard, en 1917, Joseph Caillaux se vit reprocher une entente franco-allemande qu’il préconisa toute sa vie, si bien que la Sénat, réuni en Haute Cour de Justice, le condamna en février 1920 à trois ans d’emprisonnement et à la privation de ses droits politiques pour « correspondance avec l’ennemi ». Défendu par une grande partie de la classe politique, indignée, et par la Ligue des droits de l’homme, il fut amnistié en 1925. Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), t. III, op. cit., pp. 834-840. Pour plus de renseignements : J-D. Bredin, Joseph Caillaux, Paris, Gallimard, 1985, 505 p.

353.

JO 20 mai 1933, Débats-Sénat, pp. 1197-1198.

354.

JO 19 mars 1907, Débats-Chambre des députés, p. 687.