Conclusion du titre préliminaire

Bien qu’elle soit jalonnée de lacunes et se nourrisse trop souvent de sources uniques et de seconde main, cette histoire de la réglementation des jeux constitue une introduction indispensable à l’étude des fondements juridiques de la maîtrise étatique du jeu. Elle seule pouvait permettre d’établir la permanence du phénomène ludique à travers les âges et l’ambivalence du pouvoir à son égard, à la fois tenté d’en repousser les effets néfastes et de s’en assurer la maîtrise.

Il est en effet remarquable de constater que deux millénaires durant, l’Etat, tout en soumettant les contrats ludiques à un régime civil proche de la nullité (à l’exception du pari à l’époque romaine), s’est lui-même chargé – directement ou indirectement – de l’organisation du jeu, le plus souvent pour en affecter le produit à des œuvres d’intérêt général. Même si la prohibition et l’encadrement du jeu s’est parfois confondu avec une politique des jeux en général, notamment parce que, quelle que fut la nature de ces derniers, les enjeux financiers y étaient omniprésents, la législation ludique a peu à peu conquis son autonomie à travers les catégories juridiques de « jeux de hasard » et de « loterie » en faisant du hasard et du sort des critères déterminants de l’application du dispositif répressif.

L’utilisation, par le gouvernement et le juge, de l’article 410 du Code pénal relatif à la tenue de maisons de jeux de hasard et de la loi du 21 mai 1836 relative aux loteries, à la fois pour réprimer et encadrer certaines formes de paris hippiques, semble bien montrer que ces textes portent, malgré leurs nuances, sur le même objet. Mais l’existence d’un droit des jeux ne saurait être rapportée sur la base de simples indices. Encore convient-il de démontrer que le jeu est une notion juridique dotée de caractères propres qui seraient également partagés par toutes les catégories juridiques particulières qui nous souhaitons le voir recouvrir. Il s’agit également de rechercher si les règles associées à chacune de ces catégories se révèlent homogènes et poursuivent des objectifs communs, bref, s’il existe un régime des jeux.