Titre II : Les objectifs de la réglementation des jeux, de l’ordre public à l’intérêt financier

La « réglementation des jeux » – expression proche de la notion de police et correspondant à l’ensemble des règles de droit relatives à l’encadrement des jeux autorisés par la loi de manière dérogatoire 755 – constitue l’autre pan du droit ludique que l’on peut opposer au « droit commun des jeux », principalement composé de leurs régimes civil et pénal. Car même s’il est stigmatisé par l’Etat, le jeu n’en est pas moins maîtrisé par lui : celui-ci l’organise, en principe pour des raisons d’ordre public et certainement pour des raisons financières.

Notion juridique polymorphe véhiculant un projet d’harmonie sociale bâti sur un système de valeurs, l’ordre public apparaît comme le fondement premier du droit des jeux. Dans la mesure où sa sauvegarde implique sans cesse la recherche d’un juste équilibre, elle exige la soumission du jeu à un régime civil particulier et l’encadrement de son exploitation dans un tissu d’autorisations préalables. Mais tout comme il semble abusif de réduire à la simple hypocrisie l’attitude de l’Etat vis-à-vis du jeu, on ne saurait nier que l’intérêt financier de la collectivité – celui des budgets publics mais encore l’intérêt économique national – a toujours accompagné les motivations d’ordre public, voire les a précédées.

Ordre public (chapitre I) et intérêt financier (chapitre II) sont donc les mamelles de la réglementation des jeux. Mais seul le premier constitue un objectif légitime de la législation ludique et lui seul peut justifier les entorses au principe communautaire de libre circulation dont ce droit est porteur. L’intérêt financier, lui, ne peut être qu’une « conséquence bénéfique accessoire, et non la justification réelle, de la politique restrictive mise en place » 756 . Ainsi le juge doit-il veiller par son contrôle à ce que la maîtrise étatique du jeu tende véritablement à la limitation de l’offre de jeu dispensée sur le territoire (chapitre III).

Notes
755.

Si la base de ce droit est logiquement légale, son contenu est principalement l’œuvre du pouvoir réglementaire, tant concernant le contrôle des opérations de jeu que l’aménagement de la fiscalité des jeux, ce qui explique l’emploi de l’expression « réglementation des jeux ».

756.

CJCE 21 octobre 1999 [C-67/98, Zenatti], Rec. I-7291, point 36.