Chapitre I : La protection de l’ordre public

Pour les Professeurs Rivero et Waline l’expression « ordre public » utilisée par l’article 6 du Code civil 757 et celle employée en matière de police administrative renvoient à des notions qui n’ont aucun rapport. La notion d’ordre public en matière de police administrative est relative à la prévention de troubles visibles, extérieurs et matériels de nature à troubler la sécurité, la tranquillité, la salubrité, la moralité publiques et, éventuellement, le respect de la dignité de la personne humaine 758 . C’est en ce sens que le doyen Cornu y voit un « état social dans lequel la paix, la tranquillité et la sécurité publique ne sont pas troublés » 759 . En revanche, l’ordre public en droit civil est doté d’une dimension plus technique puisque c’est un « attribut » dont sont dotées les règles dites impératives et qui leur permet de s’imposer dans les rapports sociaux. Ainsi le doyen Cornu y voit-il un « terme servant à caractériser certaines règles qui s’imposent avec une force particulière (…) et par extension à désigner l’ensemble des règles qui présentent ce caractère » 760 .

Néanmoins, au-delà des multiples visages que cette notion présente, ne conserve-t-elle pas une certaine unité ? C’est la thèse que soutient Marie-Caroline Vincent-Legoux lorsqu’elle affirme qu’« en droit administratif comme en droit privé, l’ordre public désigne les valeurs sociales les plus importantes pour la société : bien entendu celles qui sont nécessaires au maintien de l’organisation sociale étatique et, au-delà, à la sauvegarde de la paix sociale, mais aussi, plus largement encore, celles qui définissent un projet d’harmonie sociale inspiré en grande partie par la recherche d’équilibres » 761 . Ainsi montre-t-elle que la notion d’ordre public est simultanément un ordre de limitation des libertés, un ordre de protection des libertés et un ordre de fondation de valeurs.

En ce dernier sens, l’ordre public apparaît comme le fondement premier du régime des jeux, lui seul pouvant justifier les profondes atteintes à la liberté dont ce droit est porteur (section 1). Support d’une idée de l’homme faite de morale sociale et économique, l’ordre public semble aussi commander une certaine forme d’équilibre, car si l’organisation du jeu apparaît comme une activité fortement criminogène, elle l’est d’autant plus lorsqu’elle s’inscrit dans un contexte de prohibition (section 2).

Notes
757.

« On ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public ».

758.

J. Rivero et J. Waline, Droit administratif, 20ème éd., Paris, Dalloz, Précis, 2004, n° 349s.

759.

G. Cornu, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 619.

760.

Ibid.

761.

M-C. Vincent-Legoux, L’ordre public . Etude de droit comparé interne, Paris, PUF, coll. Les grandes thèses du droit français, 2001, p. 525.