§ 2 - La fiscalité des cercles

La fiscalité des cercles constitués sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 est bien plus simple que celle des casinos, encore qu’elle ait connu, elle aussi, de notables évolutions. Aux termes de l’article 47 de la loi de finances du 30 juin 1923 916 les jeux de hasard peuvent y être pratiqués en vertu d’une autorisation du ministre de l’Intérieur. En revanche, ils peuvent, à certaines conditions et sur simple déclaration au préfet, pratiquer des jeux de commerce, caractère reconnu exceptionnellement à certains jeux 917 .

Le PBJ est ici aussi au cœur du système de prélèvements. Initialement, il était constitué par le montant intégral de la cagnotte des jeux de hasard 918 et le comité d’administration du cercle disposait de différentes options concernant le mode de perception sur les jeux opéré au profit de celle-ci 919 . En vertu de l’article 48 de la loi de finances du 30 juin 1923, le montant de l’impôt dû par les cercles autorisés à pratiquer des jeux de hasard représentait le total obtenu par application d’un taux progressif au PBJ 920 diminué du montant des taxes sur les cercles acquittés, tant au profit de l’Etat que de la commune, au titre de l’année précédente 921 . Le produit de l’impôt était ensuite réparti entre l’Etat (40 %), les œuvres désignées à l’article 4 de la loi du 15 juin 1907 (20 %), les dispensaires d’hygiène sociale et de préservation antituberculeuse, les sanatoriums, les préventoriums et les organismes de lutte anticancéreuse et antisyphilitique (20 %). Ce système perdura jusqu’en 1947 en connaissant bien sûr quelques aménagements, ainsi le législateur et le pouvoir réglementaire modifieront-ils les règles relatives aux perceptions au profit de la cagnotte 922 , au barème de l’impôt 923 ainsi qu’à sa répartition 924 .

Les articles 45 et 47 de la loi n° 47-520 du 21 mars 1947 remplacent l’impôt sur le produit des jeux de hasard dans les cercles par l’impôt sur les spectacles, jeux et divertissements 925 . Celui-ci frappe désormais l’ensemble des jeux pratiqués, y compris les jeux de commerce 926 et son produit revient intégralement à la commune d’implantation du cercle 927 . Les règles de constitution de la cagnotte ont été définitivement arrêtées par l’article 3 du décret n° 47-798 du 5 mai 1947 928 et le barème de l’impôt, initialement composé de sept tranches assorties de taux allant de 5 à 60 % 929 , s’établit désormais comme suit : 10 % sur la part du PBJ allant jusqu’à 30 490 €, 40 % de 30 490 à 228 700 € et 70 % au-delà de 228 700 € 930 . Notons aussi que les cercles, constitués en principe dans un but social, sportif, artistique ou littéraire, doivent chaque année justifier de l’aide réelle qu’ils apportent à l’objet social de leurs statuts 931 .

Enfin, le résultat d’exploitation des cercles (somme du produit net des jeux et des autres recettes du cercle : cotisations des membres, bar et restauration) est lui aussi soumis à un certain nombre d’impositions de droit commun : TVA 932 et impôt sur les sociétés 933 au profit de l’Etat, taxe d’habitation et taxe sur le foncier bâti au profit des collectivités locales.

Notes
916.

JO 1er juillet 1923, p. 6166.

917.

Article 2 du décret n° 47-798 du 5 mai 1947 portant réglementation de la police des jeux dans les cercles (JO 7 mai 1947, p. 4241) et article 126 Annexe IV du CGI.

918.

Article 4 du décret du 12 novembre 1923 (JO 12-13 novembre 1923). Les cercles pratiquant seulement des jeux de commerce n’étaient donc pas assujettis à cet impôt.

919.

Concernant les jeux de hasard où il n’y a pas de banque, il pouvait choisir entre trois modes de perception dont il fixait librement le taux : 1° Prélèvement sur le montant soit des enjeux, soit du bénéfice réalisé, d’une somme fixée d’après un tarif progressif ou proportionnel ; 2° Paiement par chaque joueur d’un droit variable selon l’importance des enjeux ou la durée de la partie ; 3° Paiement par chaque joueur d’un droit fixe par séance (seul mode admis pour les jeux de commerce). En revanche le pouvoir réglementaire avait fixé un mode de perception particulier (acquitté par le banquier) assorti d’un taux minimum (sauf, jusqu’en 1926, pour les cercles constitués avant le 1er juillet 1921) concernant le baccara à deux tableaux et tous les jeux de hasard où un seul joueur tient la banque ainsi que pour le baccara chemin de fer et tous les jeux où la banque est tenue par tous les joueurs à tour de rôle (article 3 du décret du 22 juillet 1923, JO 24 juillet 1923).

920.

Le barème de l’impôt comprenait alors cinq tranches assorties de taux variant de 20 à 60 %.

921.

Exclusif de la taxe sur le chiffre d’affaire, cet impôt supportait, à titre de frais de contrôle et d’encaissement, une majoration de 5 % de son montant net.

922.

L’article 14 de la loi du 19 décembre 1926 uniformise le taux minimum de perception sur les jeux où la banque est tenue par un ou plusieurs joueurs, supprimant ainsi la dérogation accordée aux cercles constitués avant le 1er juillet 1921 (JO 19 décembre 1926). Le décret du 3 mai 1929 fixe le taux et le mode de perception sur le jeu, fraîchement autorisé, du multicolore (JO 5 mai 1929). Enfin, le décret du 12 décembre 1932 détermine le montant maximum du droit fixe par séance qui peut seul être admis concernant les jeux de commerce, le montant de ce droit variant avec la valeur locative du cercle (JO 15 décembre 1932).

923.

L’article 95 du décret du 28 décembre 1926 (JO 2-3-4 janvier 1927) et l’article 34 du décret du 19 juillet 1934 (JO 25 juillet 1934) augmentent sensiblement le taux d’imposition de chaque tranche.

924.

L’article 14 de la loi du 19 décembre 1926 remplace l’expression « organismes de lutte anticancéreuse et antisyphilitique » par celle, plus large, d’« organisme de lutte anticancéreuse et antivénérienne ». L’article 34 du décret du 19 juillet 1934 affecte une fraction de la part de l’Etat sur le produit des jeux à la caisse de crédit aux départements et aux communes pour le perfectionnement de l’outillage national, départemental et communal institué par l’article 8 de la loi du 20 décembre 1931 et ajoute les école d’infirmières à la liste des établissements de soins bénéficiant d’une part du produit de l’impôt.

925.

JO 25 mars 1947, p. 2767. D’après l’article 47 de la loi, « les arrêtés ministériels fixent les conditions d’assiette et de perception de la taxe sur les jeux ».

926.

Article 1er de l’arrêté du 1er avril 1947 (JO 2 avril 1947, p. 3107) devenu l’article 147 Annexe IV du CGI.

927.

Article 1566 du CGI.

928.

Celle-ci est constituée : 1° Aux jeux de commerce par un droit fixe obligatoire par séance déterminé par le conseil d’administration et approuvé par le préfet ; 2° Au baccara chemin de fer, ainsi qu’aux jeux où la banque est tenue par tous les joueurs à tour de rôle, par un prélèvement de 5 % des sommes gagnées à chaque coup par le joueur tenant les cartes ; 3° Au baccara à deux tableaux comme à tous les jeux où un seul joueur tient la banque contre tous les autres, par un prélèvement égal à 5 % du montant de la banque primitive, des arrosages et des sommes tenues en dehors si la banque est limitée et à 2 % des sommes que le banquier est dans l’obligation d’exposer pour tenir les enjeux si la banque est ouverte ; 4° Au multicolore, par un prélèvement de 10%, tant sur le montant de la banque adjugée que sur les arrosages successifs que le banquier pourra avoir à faire au cours des huit coups au maximum auxquels lui donne droit le paiement de la banque primitive (JO 7 mai 1947, p. 4241).

929.

Modifié par l’article 46 de la loi n° 53-79 du 7 février 1953, qui multiplie en moyenne par 2,5 le seuil de chacune des sept tranches, et l’article 33 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 qui convertit l’ancien barème en nouveaux francs (JO 7 janvier 1966, p. 163).

930.

Article 52 de la loi n° 90-1169 du 29 décembre 1990 (JO 30 décembre 1990, p. 16423) actualisé par l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 (JO 22 septembre 2000, p. 14877).

931.

Article 6 de l’arrêté du 15 juillet 1947 portant instruction de la réglementation des jeux dans les cercles (JO 19 juillet 1947, p. 6921). Cependant, d’après le rapport du sénateur Trucy, une contribution de 10 % sur les PBJ (diminué du montant de l’impôt sur les spectacles) serait prévue par les textes (« Rapport d’information fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la mission sur les jeux de hasard et d’argent en France », op. cit., p. 155), textes dont nous n’avons trouvé aucune trace.

932.

Celle-ci ne frappe cependant pas l’ensemble du résultat d’exploitation. L’article 261 E du CGI exonère de la TVA l’organisation de jeux de hasard ou d’argent soumis à l’impôt sur les spectacles, jeux et divertissements. Dans un arrêt du 10 mai 1999 [Association du cercle Eldo] (Rec. 771), le Conseil d’Etat a jugé que l’exonération de la TVA s’applique à l’ensemble des recettes perçues par un cercle en contrepartie de l’organisation de jeux de hasard et d’argent, y compris celles qui, ne faisant pas partie de la cagnotte, ne sont pas retenues dans le calcul de l’impôt sur les spectacles. Ainsi en est-il des cotisations annuelles ouvrant le droit aux adhérents d’accéder aux salles de jeux.

933.

L’impôt sur les sociétés affecte en principe toutes les personnes morales se livrant à des opérations de caractère lucratif (article 206-1 du CGI). Ainsi le Conseil d’Etat a-t-il considéré, dans un arrêt du 13 juillet 1968 [Société X] (Rec. 456), qu’une association ayant pour activité principale la gestion d’un cercle de jeux de hasard exerce une activité lucrative passible de cet impôt.