§ 7 - La fiscalité des loteries locales

La présente section a pour vocation de retracer l’ensembles des mécanismes tendant à faire profiter la collectivité nationale du produit de l’exploitation des jeux. Les prélèvements publics sont au cœur de ce système de redistribution, toutefois, cette présentation serait incomplète si nous laissions de côté les dispositions légales permettant d’affecter le produit des jeux à des œuvres d’intérêt général en se dispensant de la médiation des prélèvements publics. En l’occurrence, il s’agit de l’ensemble des dérogations comprises dans la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries . Leur analyse présente, d’abord, un intérêt actuel dans la mesure où elles participent elles aussi du processus de moralisation du jeu, mais elle présente également un intérêt historique car l’une de ces exceptions a, un temps, été utilisée par les collectivités décentralisées pour financer certains investissements lourds. Enfin, nous rappellerons l’existence de « loteries privées » autorisées par les pouvoirs publics dans les années 1930 pour financer la réparation de dommages causés par la guerre de 1914.

Dès l’origine la loi du 21 mai 1836 prévoyait, en son article 5, que pourraient être autorisées « les loteries d’objets mobiliers exclusivement destinés à des actes de bienfaisance ou à l’encouragement des arts », la finalité du « financement d’activités sportives à but non lucratif » ayant été rajouté par une loi de 1986 1014 . Par la suite, deux autres dérogations furent introduites par la loi n° 86-1019 du 9 septembre 1986, devenues respectivement les articles 6 et 7 de la loi du 21 mai 1836. Son article 15-II autorise l’organisation de « lotos traditionnels, également appelés "poules au gibier", "rifles" ou "quines", lorsqu’ils sont organisés dans un cercle restreint, dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d’animation locale et se caractérisent par des mises de faible valeur, inférieures à 20 € » 1015 . Son article 15-III encadre quant à lui une pratique qui faisait, depuis très longtemps, l’objet d’une large tolérance en autorisant « les loteries proposées au public à l’occasion, pendant la durée et dans l’enceinte des fêtes foraines » 1016 .

La dérogation prévue à l’article 5 de la loi du 21 mai 1836 n’a pas seulement bénéficié aux organismes privés à but non lucratif, elle fut un temps utilisée au profit des collectivités locales. En effet une loi du 29 avril 1930 étend cette exception « aux communes désirant, soit acquérir du matériel d’incendie, tuyaux, casques, tenues de feu, etc., soit organiser des concours ou des manœuvres cantonales d’extinction d’incendie, soit procéder à des travaux ayant pour objet l’installation de points d’eau ou de bouches spéciales sur les canalisations ou les conduites d’eau » 1017 . Deux autres loteries ont également vu le jour à cette époque. L’article unique de la loi du 15 mars 1934 dispose que, dans le cadre de la réparation des dommages de guerre, le ministre des Finances pourra autoriser l’organisation d’une « loterie privée » dont le produit sera versé à un « compte spécial de compensation des frais supplémentaires pour produits finis de l’industrie » 1018 . Enfin, le décret-loi du 4 octobre 1935 autorise l’organisation d’une « loterie privée dont le produit sera consacré à l’exécution de travaux publics destinés à lutter contre le chômage dans les départements dont le territoire ou une partie du territoire a été occupé par les armées ennemies au cours de la guerre de 1914-1918, ainsi que dans les départements recouvrés » 1019 . Reconduite deux fois puis supprimée par un décret du 24 mai 1938 1020 , cette loterie ne faisait pas, contrairement on ce qu’on pourrait croire, appel à la solidarité nationale : la vente des billes était strictement limitée aux départements qui bénéficiaient de son produit.

Notes
1014.

Article 15-I de la loi n° 86-1019 du 9 septembre 1986 (JO 10 septembre 1986, p. 10954). Pour les modalités particulières d’application de cet article, voir le décret n° 87-430 du 19 juin 1987 (JO 21 juin 1987, p. 6712) et l’arrêté du 19 juin 1987 modifié (JO 21 juin 1987, p. 6712). Pour une analyse de l’évolution de l’ensemble des dispositions de la loi du 21 mai 1836, voir en annexe les Tables de législation et de jurisprudence sur le jeu.

1015.

A l’origine les lots ne pouvaient être composés que de produits d’alimentation. C’est l’article 56 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 (JO 6 janvier 1988, p. 208) et l’article 23-IV de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 qui donnent à cet article sa nouvelle physionomie. Pour les modalités d’application de cette disposition, voir le décret n° 87-265 du 13 avril 1987 (JO 16 avril 1987, p. 4315) et l’arrêté du 27 janvier 1988 modifié (JO 7 février 1988, p. 1860).

1016.

Initialement cet article prévoyait également d’autoriser les « appareils distributeurs de confiseries » mais ces termes furent supprimés par l’article 34 de la loi n° 95-73 de la loi du 21 janvier 1995 (JO 24 janvier 1995, p. 1249) parce qu’ils offraient aux débitants de boisson un moyen de contourner la prohibition des machines à sous posée par l’article 2 de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard . Pour les modalités d’application de cette disposition, voir le décret n° 87-264 du 13 avril 1987 modifié (JO 16 avril 1987, p. 4315).

1017.

JO 4 mai 1930, p. 5002. Tout porte à croire que cette disposition est, encore aujourd’hui, en vigueur.

1018.

JO 16 mars 1934.

1019.

JO 5 octobre 1935.

1020.

JO 25 mai 1938. Le décret prévoit qu’une part du produit de la Loterie nationale viendra compenser la suppression de la loterie privée, c’est l’objet du décret-loi du 17 juin 1938 cité plus haut.