Conclusion du titre II

Une fois opérée la définition du jeu, c’est un autre obstacle auquel est confronté le droit : la complexité et l’universalité du phénomène ludique interdisent toute attitude tranchée à son égard. Si l’organisation du jeu est une activité fortement criminogène, sa prohibition absolue l’est plus encore. C’est pourquoi l’Etat, seul à bénéficier de la légitimité suffisante, se trouve dans l’obligation de garantir une offre de jeu régulière et moralisée, unique rempart aux atteintes à l’ordre public que peut occasionner le goût inné de l’homme pour le jeu.

Ainsi, depuis la fin du XIXème siècle, le nombre de jeux autorisés, dont l’exploitation est contrôlée et moralisée par les pouvoirs publics, n’a cessé de croître, à tel point que, en droit civil, on observe une sorte de « normalisation » du régime des jeux : le retour vers un régime de droit commun d’un grand nombre de conventions de jeu et de contrats qui leur sont connexes feraient presque apparaître le régime de l’exception de jeu comme…l’exception. De son côté l’Etat est volontiers assimilé à un Grand casinotier, témoin ce sous titre du Rapport d’information sur les jeux de hasard et d’argent en France rendu par le sénateur François Trucy : « L’Etat croupier, le Parlement croupion ? » 1165 .

Cet accent toujours mis sur l’intérêt financier que représente l’autorisation des jeux tend à faire oublier que c’est avant tout la sauvegarde de l’ordre public qui impose cette forme de tolérance, quand bien même l’Etat tirerait paradoxalement profit de cette situation pour alimenter son budget en accordant des autorisations de jeu que la sauvegarde de l’ordre public n’imposerait pas. C’est ce qu’a justement compris le juge communautaire qui, tout en acceptant que les législations ludiques nationales fassent obstacle à la libre circulation des prestations de jeu, vérifie que les Etats poursuivent effectivement l’objectif affiché de limitation des jeux au moyen d’un contrôle effectif sur la manière dont ils sont organisés et offerts au public.

Notes
1165.

F. Trucy, « Rapport d’information fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la mission sur les jeux de hasard et d’argent en France », op. cit., pp. 1 et 336.