§ 2 - L’autorisation des paris sur les courses

En matière de courses de chevaux (A) comme en matière de courses de lévriers (B), l’autorisation des paris est étroitement liée à cette autre autorisation qui est celle d’organiser les courses.

A - L’autorisation des paris sur les courses de chevaux

Aux termes des articles 1er, 2 et 5 de la loi du 2 juin 1891 : « aucun champ de courses ne peut être ouvert sans l’autorisation préalable du ministre de l’Intérieur » (article 1er), « sont seules autorisées les courses de chevaux ayant pour objet exclusif l’amélioration de la race chevaline et organisées par des sociétés dont les statuts sociaux auront été approuvés par le ministre de l’agriculture, après avis du conseil supérieur des haras » (article 2), « les sociétés remplissant les conditions prescrites par l’article 2 pourront, en vertu d’une autorisation spéciale et toujours révocable du ministre de l’agriculture, (…) organiser le pari mutuel » (article 5).

Comme ce fut le cas en matière de casinos, les éléments jurisprudentiels dont nous disposons pour apprécier l’étendue des pouvoirs du ministre de l’Agriculture quant à la délivrance de ces autorisations sont quasi-inexistants.

Il résulte de la loi que l’autorisation d’exploiter les paris sur les courses de chevaux est étroitement liée à la délivrance de deux autres autorisations d’importance : celle d’ouvrir un champ de courses et celle d’organiser des courses de chevaux. Le décret du 5 mai 1997 est assez elliptique sur la manière dont sont concrètement accordées ces autorisations : il évoque seulement la délivrance de l’autorisation d’organiser les courses et la manière dont est préparé chaque année le calendrier des réunions de courses servant de support au pari mutuel (adopté par arrêté du ministre de l’Agriculture sur proposition de la Fédération nationale des courses françaises). En réalité, le préfet, sur délégation du ministre de l’Agriculture, délivre chaque année – et par un seul acte – aux sociétés en ayant fait la demande l’autorisation d’ouvrir leur hippodrome, d’organiser les courses ainsi que les paris les accompagnant. A cette autorisation est annexée le calendrier des réunions pour lesquelles la société a reçu cette habilitation. Autrement dit, cette (triple) autorisation n’est délivrée qu’après que le ministre de l’Agriculture ait adopté, en partenariat avec l’institution des courses, le calendrier des réunions servant de support au pari mutuel 1343 .

Les propositions en ce sens sont d’abord formulées par les sociétés elles-mêmes au sein des instances locales que sont les conseils régionaux par spécialité et les fédérations régionales des courses. Rappelons que ces organes sont constitués des sociétés de province et des conseils régionaux des membres socioprofessionnels des sociétés mères. On constate alors que toutes les sociétés membres des fédérations régionales sont habilitées à organiser des courses et des paris, ou l’ont été dans les trois dernières années. Ensuite, les fédérations régionales transmettent « aux sociétés mères, en tenant compte des orientations définies par celles-ci, le calendrier des réunions de courses de leur région » 1344 . A leur suite, les sociétés mères « établissent, en vue de leur transmission à la Fédération nationale des courses françaises, le projet de calendrier des réunions de courses de leur spécialité servant de support aux opérations de pari mutuel hors les hippodromes ainsi que celui des réunions de courses organisées sur les hippodromes dont elles ont l'exploitation » et « transmettent, après concertation mutuelle, à la Fédération nationale des courses françaises le projet de calendrier des réunions de courses établi par les fédérations régionales des courses » 1345 . Puis, la Fédération nationale des courses propose « à l’approbation du ministre chargé de l’agriculture les projets de calendriers des réunions de courses transmis par les sociétés mères » 1346 .

Dans un arrêt Syndicat national des propriétaires de trotteurs et autres du 12 juin 1981, le Conseil d’Etat a considéré que si « la juridiction administrative est compétente pour connaître de la légalité des décisions par lesquelles le ministre de l’agriculture arrête ou modifie le calendrier des courses de chevaux et, par suite, pour se prononcer, le cas échéant, sur la régularité des propositions soumises à l’approbation du ministre », ces dernières, « n’ont pas le caractère de décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir » 1347 . En l’espèce, l’organe de proposition était le président de la Fédération nationale des sociétés de courses 1348 . Or, les sociétés de courses, même les sociétés mères, ont toujours été vues par le Conseil d’Etat comme n’étant pas investies d’une mission de service public 1349 , dès lors, les décisions de leurs représentants ne peuvent être vues comme des décisions administratives susceptibles de recours pour excès de pouvoir. Toutefois, la précision apportée par l’arrêt dans le premier membre de phrase, que nous avons mise en valeur, n’exclut pas que, à l’occasion d’un recours dirigé contre la décision d’approbation elle-même, les juges ne se livrent à un contrôle « par transparence » des propositions faites au ministre, selon une technique déjà mise en œuvre 1350 . Enfin, il résulte de ces dispositions que le ministre reste libre d’accepter ou non le calendrier proposé et peut demander à la Fédération nationale d’y apporter des modifications. Ce faisant, il détermine annuellement le volume des paris sur les courses de chevaux offerts sur le territoire national.

Enfin, après le calendrier des réunions, le programme des courses doit encore être arrêté. Ainsi, les société mères « établissent, en concertation avec les conseils régionaux de leur spécialité (…), les programmes des courses de leur spécialité avant qu'ils soient soumis pour approbation au ministre chargé de l'agriculture » 1351 . Une fois déterminé le calendrier des réunions et les programmes de chacune d’entre elles, le préfet peut alors, sur délégation du ministre, autoriser chaque société de courses à ouvrir son hippodrome, organiser les courses figurant au calendrier ainsi que les paris sur et/ou hors hippodrome les accompagnant.

Comme nous l’avons relevé plus haut, le décret du 5 mai 1997 n’évoque précisément, en son article 3, que la délivrance de l’autorisation d’organiser les courses, mais dans la mesure où cette autorisation est matériellement couplée avec celle d’ouvrir un hippodrome et d’organiser les paris, on peut supposer que les dispositions de cet article sont valables pour l’arrêté d’autorisation dans son ensemble. Aux termes de cet article : « l'autorisation d'organiser des courses de chevaux est accordée pour un an, après avis du préfet, par le ministre chargé de l'agriculture ; elle peut être retirée, avant son terme normal, aux sociétés qui auraient méconnu des dispositions législatives ou réglementaires ou manqué aux obligations résultant de leurs statuts. Les statuts doivent prévoir qu’une société de courses à laquelle l'autorisation d'organiser des courses de chevaux n'a pas été accordée trois années de suite est dissoute de plein droit ». Le ministre de l’Agriculture dispose d’un assez large pouvoir d’appréciation en ce domaine. En effet, dans un arrêt Ministre de l’agriculture et de la pêche c/ Société des courses de Vannes, rendu le 26 juin 1996, le Conseil d’Etat a rejeté un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le refus du ministre d’autoriser l’organisation de courses par cette société. Se penchant sur les motifs avancés par l’autorité réglementaire, il a considéré que celui tiré de « l’intérêt qui s’attache à une bonne répartition des hippodromes et des courses » était légalement fondé 1352 . Dès lors, si aux termes du décret une autorisation de ce genre ne peut être retirée, avant son terme, qu’aux sociétés ayant méconnu les dispositions légales ou statutaires au respect desquelles elles sont astreintes, il semble bien que le refus de délivrer ou de renouveler ces autorisations puisse s’appuyer sur de simples motifs d’opportunité et que le contrôle du juge sur ces décisions sera quasi-inexistant (tandis que l’acceptation du ministre donnera lieu à un ensemble de vérifications de la part du juge).

Cette liberté du ministre paraît assez logique dans la mesure où l’article 5 de la loi du 2 juin 1891 dispose que l’autorisation d’organiser les paris, à laquelle est couplée celle d’organiser les courses, est « spéciale et toujours révocable » 1353 . La formule n’est pas sans rappeler celle usitée par la loi du 30 juin 1923 relative aux cercles de jeux et à propos de laquelle nous avions suggéré, pour les organismes bénéficiaires, l’hypothèse d’une absence de droit acquis à l’obtention et au renouvellement de ces autorisations. Logiquement, et toujours en l’absence de jurisprudence, nous renouvelons notre hypothèse dans ce domaine-ci.

Une fois délivrée cette autorisation, le groupement d’intérêt économique regroupant les 71 sociétés de courses préalablement autorisées à organiser le pari mutuel hors hippodromes pourra alors exploiter le Pari mutuel urbain 1354 . Concernant les paris sur hippodromes, le décret du 5 mai 1997 est définitivement muet. Les sociétés de courses autorisées à les organiser appliqueront dans ce cadre le règlement du pari mutuel arrêté par le ministre de l’Agriculture sur proposition du PMU 1355 . En pratique, cependant, les sociétés de courses confient la gestion des paris sur hippodromes à quatre organismes spécialisés, totalement ignorés par les textes. Le premier est un groupement d’intérêt économique créé par les sociétés de courses parisiennes pour la gestion de leurs paris sur hippodrome : le GTHP (Groupement technique des hippodromes parisiens également appelé GIE PMH). La société PMC (Périphériques et matériels de contrôle, héritière de la société Carus, spécialisée dans la prise de paris depuis 1887) et la société Autotote France interviennent quant à elles sur l’ensemble des hippodromes de province, à l’exception de ceux de la région angevine où les paris sont collectés par la société du Pari mutuel angevin. Dans la mesure où les paris collectés sont également susceptibles de faire l’objet d’une réception hors hippodrome, ces sociétés sont reliées informatiquement au réseau PMU. Enfin, si ces sociétés sont contrôlées par des agents des Renseignements généraux lorsqu’elles organisent les paris, elles ne font en revanche l’objet d’aucun contrôle en amont : leurs statuts n’ont pas à être approuvés et elles ne font l’objet d’aucune forme d’habilitation (autorisation ou agrément).

Relevons encore à propos du PMU que, d’après l’article 27 alinéa 2 du décret du 5 mai 1997, « lorsque ce groupement d’intérêt économique autorise des personnes privées à exploiter des postes d’enregistrement des paris, cette autorisation doit intervenir après enquête et avis favorable du ministre de l’intérieur ». Ainsi, dans un arrêt Ministre de l’agriculture 1356 c/ Abbad du 7 octobre 1987, le Conseil d’Etat a confirmé un jugement du tribunal administratif de Strasbourg ayant annulé le refus du ministre d’agréer la licence d’exploitation d’un poste d’enregistrement du PMU. En effet, la Haute assemblée voit dans cette décision une mesure de police qui aurait du être motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979. Or, le ministre s’étant borné à informer l’intéressé du « résultat défavorable de l’enquête menée (…) sans donner aucune précision sur les faits » ayant fondé son refus, elle considère que sa décision est intervenue en violation de la loi 1357 .

Enfin, pas moins de 17 sortes de paris différents peuvent être engagés sur les courses. Le classement de ces paris fait l’objet d’un arrêté particulier 1358 , et leur règlement est déterminé par l’arrêté du 13 septembre 1985 modifié portant règlement du pari mutuel 1359 .

Notes
1343.

Les modalités concrètes de délivrance de cette autorisation à chaque société de courses nous ont été décrites par le capitaine de police Patrick Rodrigues, agent de la section lyonnaise des Renseignements généraux.

1344.

Article 18 alinéa 2 du décret du 5 mai 1997.

1345.

Article 12-II alinéas 8 et 9 du décret du 5 mai 1997.

1346.

Article 22 alinéa 5 du décret du 5 mai 1997. Cette approbation est réputée acquise en cas de silence du ministre pendant un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.

1347.

CE 12 juin 1981 [Syndicat national des propriétaires de trotteurs et autre], Rec. 261 (c’est nous qui soulignons).

1348.

Ancêtre de la Fédération nationale des courses françaises créée par le décret du 5 mai 1997.

1349.

CE 25 sept. 1996 [Bellenger], Rec. 1178 ; CE 24 févr. 1999 [Wildenstein et autre], Rec. 712.

1350.

J-P. Négrin, L’intervention des personnes morales de droit privé dans l’action administrative, op. cit., p. 185 ; voir notamment CE 8 janvier 1954 [Romme, Ménard], RDP 1954.791, note Waline.

1351.

Article 12-II alinéa 10 du décret du 5 mai 1997. Cette approbation est réputée acquise en cas de silence du ministre chargé de l'agriculture pendant un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.

1352.

CE 26 juin 1996 [Ministre de l’Agriculture et de la Pêche c/ Société des courses de Vannes], Rec. 1178.

1353.

Article 5 de la loi du 2 juin 1891.

1354.

Article 27 du décret du 5 mai 1997.

1355.

Article 39 du décret du 5 mai 1997.

1356.

C’est lui qui, à l’époque des faits, délivrait encore l’autorisation.

1357.

CE 7 octobre 1987 [Ministre de l’Agriculture c/ Abbad], Rec. 303.

1358.

Arrêté du 28 décembre 2004 portant classement des paris susceptibles d’être engagés au pari mutuel (JO 5 janvier 2005, p. 230).

1359.

JO 18 sept. 1985, p. 10714.  Pour un aperçu des nombreuses modifications apportées à ce texte, voir, en annexe, le Tableau de législation et de jurisprudence sur le jeu.