§ 2 - L’agrément en matière de paris sur les courses

Les éléments, notamment jurisprudentiels, dont nous disposons en ce domaine sont très limités. Encore une fois, il convient de distinguer le domaine des courses de chevaux (A) de celui des courses de lévriers (B).

A - L’agrément en matière de paris sur les courses de chevaux

D’abord, l’article 2 du décret du 5 mai 1997 dispose que « dans chacune des deux spécialités, courses au galop et courses au trot, une société est agréée par le ministre chargé de l’agriculture comme société mère de courses de chevaux ». Nous avons vu le rôle central que jouent ces sociétés au sein de l’institution des courses et la formulation de cet article semble suggérer que c’est l’agrément qui est à l’origine de leurs pouvoirs. Certes, d’un point de vue strictement juridique, c’est effectivement le cas, et le ministre dispose toujours de la faculté de révoquer cet agrément si leur gestion ne lui semble pas satisfaisante. Mais en pratique la chose ne semble pas si évidente, et dans une perspective historique, cet agrément illustre plutôt la reconnaissance, par le pouvoir, du rôle incontournable de ces sociétés.

On peut en effet rappeler que la Société d’Encouragement pour l’amélioration des races de chevaux en France et la Société générale des Steeple-chases (qui sont à l’origine de la société mère France Galop) d’une part, et la Société pour l’amélioration du cheval français de demi-sang (à l’origine de la société mère du Cheval Français) d’autre part, se sont vues confier dès 1866 la direction technique des courses de leur spécialité (arrêté Vaillant des 16 et 17 mars, première étape dans l’édification du système actuel de gestion des courses et paris). Bien qu’elles soient uniquement composées de personnes privées, l’intervention du pouvoir dans la composition des sociétés mères, qui se veut paritaire et représentative de leur filière, ainsi que de leur missions, considérables, tend à leur donner une couleur semi-publique, un peu à la manière des ordres professionnels. Dès lors, quel intérêt y aurait-il à abroger l’agrément d’une société mère pour l’octroyer à une autre société, dont la composition devrait à nouveau être déterminée par la puissance publique de sorte que, finalement, on y retrouve tous les membres de la société sanctionnée ? Bref, cet agrément nous semble relativement formel et d’une nature tout à fait particulière.

Aux termes de l’article 12-III alinéa 2 du décret du 5 mai 1997, « les commissaires et les juges des courses sont agréés, dans des conditions fixées par arrêté, par le ministre chargé de l’agriculture après enquête du service de police chargé des courses de chevaux au ministère de l’intérieur. Seules les personnes âgées de moins de soixante-quinze ans peuvent exercer les fonctions de commissaire et de juge des courses » 1447 . Concernant les commissaires, c’est l’arrêté du 26 décembre 1997 modifié qui précise les conditions d’agrément 1448 . Pour l’essentiel, la personne proposée à l’agrément est désignée par le conseil d’administration de la société demanderesse 1449 . Elle aura suivi une formation et doit pouvoir attester d’une expérience préalable. Ses fonctions sont gratuites et incompatibles avec les qualités d’entraîneur, jockey ou driver jusqu’à un an après la cessation de ces activités 1450 . L’agrément peut être suspendu ou révoqué « pour infraction grave ou pour manquement aux règles de la bienséance et de l’honneur » 1451 .

Seul un arrêt du Conseil d’Etat du 26 novembre 1982 est, à notre connaissance, intervenu en cette matière. A cette occasion, le Conseil a exercé un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur le refus du ministre d’agréer un commissaire. En l’espèce, les juges ont validé la décision du ministre dont la motivation était fondée sur l’âge du demandeur (né en 1901) ainsi que sur « l’inopportunité du cumul de ses fonctions avec celles qu’il exerçait dans l’administration d’une importante société de courses avec le titre de président honoraire » 1452 .

Enfin, l’article 29 du décret du 5 mai 1997 prévoit que le président-directeur général du PMU, qui est présenté par les sociétés qui en sont membres, et le directeur général délégué, proposé par le président, sont agréés par le ministre de l’Agriculture et le ministre du Budget.

Notes
1447.

Cet agrément est réputé acquis en cas de silence gardé par le ministre de l’Agriculture pendant un délai de deux mois à compter de la réception de la demande présentée par une société de courses en ce qui concerne les commissaires et par une fédération régionale en ce qui concerne les juges. Là encore, en l’absence de précision, la sanction de l’inobservation de cette règle réside logiquement dans la révocation de l’autorisation d’organiser des courses et des paris.

1448.

JO 4 janvier 1998, p. 215 ; modifié par les arrêtés du 17 décembre 1998 (JO 6 janv. 1999, p. 290) et du 25 juin 2001 (JO 7 juill. 2001, p. 10855). Concernant les juges de courses, aucun texte n’a semble-t-il été adopté.

1449.

Un même commissaire peut être agréé dans plusieurs sociétés (jusqu’à six). Il ne peut exercer dans plus de 80 réunions par an (article 6 de l’arrêté du 26 décembre 1997).

1450.

Rien n’exclut en revanche qu’ils soient propriétaires de chevaux. Bien entendu, ils ne pourront exercer leurs fonctions dès lors qu’un de leurs chevaux participe à la course, de même ne peuvent-ils pas déposer d’enjeux sur les hippodromes où ils exercent leurs fonctions.

1451.

Article 9 de l’arrêté du 26 décembre 1997.

1452.

CE 26 novembre 1982 [Malan Roger], req. n° 30623. Le décret n° 74-954 du 14 novembre 1974 (JO 17 novembre 1974, p. 11556), applicable à l’époque, ne prévoyait aucune limite d’âge à l’exercice de ces fonctions. Peut-être cet arrêt est-il à l’origine de cette condition nouvelle, apparue avec le décret du 5 mai 1997. Bien qu’il faille les prendre avec précaution, les critiques extrêmement sévères formulées par un journaliste du Canard enchaîné envers l’ensemble des commissaires et juges aux courses de la filière « trot » méritent d’être ici reproduites : « ces bénévoles rétribués sous forme de notes de frais grassouillettes, se recrutent par cooptation. Le problème, c’est que ces commissaires chargés de surveiller les courses sont, pour la plupart, des professionnels qui n’ont pas réussi. Ce sont donc les "mauvais" qui jugent les "bons". De surcroît, ils sont tous apparentés ou en cheville avec les entraîneurs et les jockeys…Et lorsque ces commissaires n’appartiennent pas à la famille, ils sont eux-mêmes éleveurs et vendent des chevaux qu’ils seront chargés de juger. La garantie d’un jugement impartial ! Pas étonnant si c’est sur les courses de trot qu’il y a le plus de contestations. Itou pour les juges dits "aux allures", qui suivent la course depuis une "estafette", et sont censés assurer que les foulées des compétiteurs sont conformes au trot académique et ne tournent pas au galop. Autrefois, à l’époque où il y avait des spectateurs, les turfistes descendaient sur la piste quand ils n’étaient pas d’accord avec la décision des édiles. Ceux qui ont survécu sont anesthésiés. Aujourd’hui, ils jouent aux courses comme à la roulette » (Roc Epine, « Le trot boîte bas sur l’hippodrome de Vincennes », Le Canard enchaîné, n° 4350, 10 mars 2004, p. 4).