§ 1 - La reconnaissance progressive de l’activité de service public des casinos

Le droit des contrats publics recèle plusieurs critères susceptibles de déterminer la nature administrative d’un contrat à partir notamment de son objet ou de son contenu. Certains de ces critères sont de nature légale, ainsi les marchés de travaux public (loi du 28 pluviôse an VIII) et les contrats comportant occupation du domaine public (décret-loi du 17 juin 1938) 1696 sont-ils des contrats administratifs. D’autres critères sont d’origine jurisprudentielle. Ainsi, pour le Conseil d’Etat et le Tribunal des conflits, un contrat est administratif dès lors que l’une des parties au moins est une personne publique 1697 et dans la mesure où le contrat, soit a pour objet l’exécution même du service public 1698 , soit contient une clause exorbitante du droit commun, c’est-à-dire insusceptible de s’inscrire dans un contrat de droit privé, ou qui y serait très inhabituelle 1699 .

Le critère légal de l’occupation du domaine public 1700 n’a jamais été retenu par le juge pour emporter la qualification administrative d’une concession de casino. La question ne se pose évidemment pas lorsque le casino est lui-même propriétaire du terrain et des locaux à partir desquels il déploie son activité, ou encore lorsque le contrat ne prévoit pas le transfert de propriété de l’établissement au profit de la municipalité à l’issue de la période contractuelle. Dans les autres cas, lorsque les casinos sont dits « municipaux », l’établissement est généralement édifié sur le domaine privé de la commune, ce qu’à l’occasion le juge souligne 1701 . « En vain, nous dit le Professeur Moderne, tenterait-on de faire jouer les solutions (…) selon lesquelles les parcs et jardins publics sont rangés parmi les dépendances du domaine public des communes » 1702 . Par deux fois, en effet, le Conseil d’Etat s’est déclaré compétent pour prononcer l’expulsion du concessionnaire des jeux d’un kiosque édifié par lui en bordure du terrain concédé par la commune. Voyant dans l’espace d’implantation du kiosque un lieu affecté à l’usage du public et aménagé à cette fin, les juges en firent une parcelle du domaine public, mais cette qualification ne concernait pas le casino en lui-même 1703 .

La reconnaissance de la nature administrative des concessions de casinos s’est faite en deux étapes aux fondements juridiques distincts. La première correspond à l’identification de travaux publics dont l’exécution est prévue par le contrat (A). La seconde correspond soit à l’identification de clauses exorbitantes du droit commun soit au constat de la participation du concessionnaire à une activité de service public (B).

Notes
1696.

Devenu l’article L. 84 du Code du domaine de l’Etat.

1697.

Sauf application de la théorie du mandat tacite, CE 30 mai 1975 [Société d’équipement de la région montpelliéraine], Rec. 326.

1698.

CE Sect. 20 avril 1956 [Epoux Bertin], préc.

1699.

CE 31 juillet 1912 [Société des granits porphyroïdes des Vosges], Rec. 909. Voir G. Vedel, « Remarques sur la notion de clause exorbitante » in L’évolution du droit public (Mélanges dédiés à A. Mestre), Paris, Sirey, 1956, pp. 527-561.

1700.

Font partie du domaine public les biens immobiliers affectés à l’usage du public ou spécialement aménagés pour l’exploitation d’un service public, CE Sect. 19 octobre 1956 [Société « le Béton »], Rec. 375 ; Civ. 7 novembre 1950, S. 1952.I.173.

1701.

Cass. req. 18 juin 1912 [Sté du Casino de Biarritz c/ Ville de Biarritz], Gaz. Pal. 1912.II.71, conclusions Feuilloley ; Cass. req. 29 novembre 1932 [Société foncière du Nord de la France c/ Ville de Pau], Gaz. Pal. 1933.I.296.

1702.

F. Moderne, « Les concessions de casinos municipaux », art. cit., p. 101.

1703.

CE Sect. 13 juillet 1961 [Compagnie fermière du casino municipal de Constantine c/ Ville de Constantine], Rec. 487, RDP 1961.1087 conclusions Bernard ; CE 3 décembre 1965 [Ville de Nice], Rec. 941.