§ 1 - Propositions de politique juridique

Lorsque, dans ses conclusions sur l’arrêt Rolin, le commissaire du gouvernement Daussun a refusé de voir dans l’activité de La Française des jeux une mission de service public, c’est uniquement parce que cette société ne poursuit, selon elle, aucun but d’intérêt général 1961 . Bien que ce constat nous paraisse peu logique au regard des prérogative dont elle dispose, il nous faut reconnaître que la mission d’intérêt général de La Française des jeux n’apparaît pas avec éclat, aussi comprend-on que le juge ait quelque embarras à qualifier l’organisation du jeu de service public.

Par conséquent, soit le droit positif s’oriente vers une reconnaissance de la mission de service public des opérateurs de jeu que sont La Française des jeux et les sociétés de courses 1962 , soit il s’inscrit résolument dans la solution opposée en en tirant les conséquences, c’est-à-dire en retirant aux opérateurs de jeu leurs pouvoirs exorbitants. Quelle que soit la voie empruntée, elle passe par une évolution de la position du juge administratif et/ou une évolution des textes.

En l’état actuel des choses, la solution la plus simple pour rétablir l’harmonie du système résiderait sans doute dans la reconnaissance, par le Conseil d’Etat, de la mission de service public de La Française des jeux et des sociétés de courses 1963 . Alors pourrait-on affirmer qu’il existe en France un service public de l’organisation des jeux. Mais la chose nous semble hautement improbable. En revanche, si le législateur et le pouvoir réglementaire s’emparaient de la question et renforçaient les obligations pesant sur les opérateurs de jeu, notamment en matière de protection des joueurs, alors, l’association jeu / service public paraîtrait-elle « politiquement plus correcte » et peut-être le juge administratif réviserait-il son jugement.

C’est donc plutôt dans une évolution de la loi et du règlement que la solution à notre problème pourrait se trouver. Trois voies peuvent être envisagées, dont la combinaison est là aussi envisageable : renforcer le volet social de la réglementation des jeux et, partant, la mission sociale des opérateurs (A), supprimer les pouvoirs exorbitants de ces derniers (B), enfin, créer une autorité de régulation du jeu (C).

Notes
1961.

Conclusions Daussun sur CE 27 oct. 1999 [Rolin], art. cit., p. 1851s.

1962.

En tant qu’ils sont chargés d’organiser le jeu, l’exclusion des casinos du champ des services publics ne nous semble pas incohérente, sauf à considérer que l’organisation du jeu ou les pouvoirs de constatation des employés de jeu apparaissent comme des prérogatives de puissance publique.

1963.

Les organismes communs de ces sociétés, tels le PMU ou la Fédération nationale des sociétés de courses de lévriers, se verraient également confier une telle mission.