I.2.2.1. Les effets d’AdA, de l’approche traditionnelle aux conceptions modernes.

I.2.2.1.1. L’hypothèse de phonological completeness (Brown et Watson, 1987)

L’hypothèse de phonological completeness élaborée par Brown et Watson (1987) est l’approche théorique qui a connu le plus grand retentissement sur les travaux concernés par l’AdA. Ces auteurs défendent une position relativement radicale selon laquelle la facilité avec laquelle un mot est produit dépend du moment de son acquisition plutôt que de ses propriétés intrinsèques :

‘Il semble peu probable, en conclusion, que les mots soient appris tôt parce qu’ils sont faciles à prononcer, plutôt que l’inverse. […] Nous privilégions l’hypothèse plus prometteuse du point de vue psychologique que les mots appris précocement soient plus facile à prononcer parce qu’ils ont été appris tôt. (Brown et Watson, 1987, p.214)’

Brown et Watson (1987) ont construit leur argumentaire autour des limites des capacités mnésiques, sources d’une dégradation progressive de la qualité de stockage des informations phonologiques relatives aux mots. En conséquence, seuls les mots acquis tôt dans la vie bénéficieraient durablement de représentations intègres, les mots acquis plus tardivement étant pour leur part encodés sous une forme plus fragmentée. Pour ces mots « tardifs », la pression exercée par les connaissances accumulées encouragerait l’utilisation plus systématique des redondances linguistiques, aboutissant au codage des séquences récurrentes sous forme de symboles abstraits. Chaque fois que les circonstances l’exigeraient, les représentations phonologiques complètes pourraient alors être reconstituées à partir de ces briques éparses, grâce à l’intervention de procédures spécifiques. L’engagement de ces mécanismes serait à l’origine de l’allongement du délai de traitement des mots tardifs. En dépit de son caractère attractif, cette théorie n’est toutefois que partiellement cohérente avec les approches développementales, qui, si elles envisagent bien une acquisition globale des premières formes phonologiques, ne soutiennent pas la survivance de ces représentations holistiques dans le réseau mature (Monaghan et Ellis, 2002a). Une adaptation plus réaliste de l’hypothèse de phonological completeness reviendrait à considérer que si l’apprentissage implique un remodelage général du lexique phonologique, l’engagement précoce de la restructuration segmentale sur les premiers mots acquis leur assurerait un niveau de représentation plus fin, facilitant leurs traitements ultérieurs (Metsala et Walley, 1998).

Le point le plus important concernant l’hypothèse de Brown et Watson (1987) - formulée en référence aux principes d’acquisition du discours oral - reste son application exclusive à l’organisation du lexique de sortie phonologique. Sur le plan expérimental, il en découle que l’effet d’AdA devrait être supprimé dans les tâches autorisant un recours insuffisant au code phonologique.