II.2.2.2. Matériel.

II.2.2.2.1. Sélection des mots..

La liste expérimentale comprenait 160 items, dont 80 mots, 40 pseudo homophones et 40 pseudo mots non homophones permettant de contrôler la similarité autre que phonologique avec les mots de base.

Les mots inclus dans l’expérience se répartissaient en 4 groupes de 20 items, respectivement acquis aux âges de 6-8 ans (liste 1), à partir de 8 ans (liste 2), à partir de 9 ans (liste 3) et à partir de 10 ans (liste 4), conformément aux normes objectives de l’« Echelle Dubois-Buyse d’Orthographe Usuelle Française » (Reichenbach & Mayer, 1977). Cette base de donnée a été construite à partir de l’analyse des performances en dictée de 59469 élèves de primaire, interrogés en fin d’année scolaire. Les quelques 3787 items utilisés dans cette épreuve étaient extraits des 4329 mots dits d’usage fréquent dans les écrits courants, isolés par Aristizabal en 1938 à la suite de ses travaux de dépouillement de 1400 lettres d’adultes et 4100 rédactions spontanées d’élèves. Lambert et Pirenne, à sa suite, ont répertorié les erreurs communes commises par les élèves (i.e. les formes erronées se retrouvant le plus souvent dans les productions) sur les 3723 mots dictés et ont calculé un indice de difficulté pour chaque mot, correspondant au rapport entre du nombre d’erreurs communes et le nombre total de fautes relevées pour un mot donné. Les mots ont alors été classés en 43 échelons de difficulté croissante, la complexité orthographique des mots contenus dans chaque niveau étant supposée exactement comprise entre celle des échelons immédiatement voisins. Le décours de l’acquisition du vocabulaire écrit a alors été prévu en rattachant une partie des échelons à chaque niveau scolaire d’après la difficulté estimée des mots contenus et en recommandant que 75% de ces mots au moins aient été assimilés à la fin de l’année scolaire concernée. Les deux échelons immédiatement supérieurs devant parallèlement être maîtrisés à 71% et 67%, respectivement. Bien que l’Echelle de Dubois-Buyse ait aujourd’hui beaucoup perdu du caractère strict de son usage dans l’enseignement, cet outil compte encore parmi les principales références pour l’élaboration des listes de « mots à apprendre » des manuels scolaires ou pour le choix du vocabulaire d’usage des albums de jeunesse, bien qu’il ne soit que rarement citée explicitement (Deleuze, 1995, mémoire de licence de science de l’éducation). Ces considérations portent donc à conclure à la fiabilité de l’Echelle Dubois Buyse comme indice des acquis orthographiques des apprentis lecteurs contemporains, en dépit de sa parution déjà ancienne.

Les mots sélectionnés satisfaisaient en outre à un appariement rigoureux sur le plan de la fréquence lexicale, de la fréquence des digrammes, de la longueur des mots et de leur catégorie grammaticale (tous les mots sélectionnés étaient des noms) et du nombre de voisins orthographiques. L’ensemble des mesures utilisées ont été extraites de la base de donnée lexicale BRULEX 16 (Content, Mousty & Radeau, 1990). Des informations supplémentaires relatives à ces mesures figurent dans l’Annexe 3. Des estimations subjectives de l'imageabilité des mots ont été obtenues grâce aux jugements rendus par 34 participants adultes volontaires d’âge compris entre 20 et 30 ans, différents de ceux ayant participé à l’expérience proprement dite. Conformément à la démarche préconisée par Gilhooly et Logie (1980) et utilisée dans la plupart des études anglo-saxonnes (ex. Barry et al., 1997 ; Turner, Valentine & Ellis, 1998), les juges ont été priés d’évaluer la facilité avec laquelle les 80 mots de la liste expérimentale, auxquels ils étaient confrontés dans un ordre aléatoire, permettaient de générer une image mentale. Les estimations étaient effectuées sur la base d’une échelle en 6 points, où 1=impossible de générer une image mentale et 6=très facile de générer une image mentale. Une valeur d'imageabilité moyenne a ensuite été calculée pour chaque item, à partir des notes assignées.

Le détail des valeurs moyennes prises par chaque facteur lexical pour chacune des 4 listes expérimentales figure dans le Tableau 12.

Tableau 12.
  LISTES  
  L1 L2 L3 L4 MOYENNE STATISTIQUES
FREQ 3847.00 2673.15 3264.84 3717.50 3375.62 ns F(3,74)=.586, p=6262
LOG FREQ 3.475 3.308 3.390 3.385 3.39 ns F(3,74)=.728, p=.5386
DIGR 2.689 2.676 2.649 2.602 2.65 ns F(3,76)=.145, p=.9326
PHON 3.850 3.950 3.650 3.800 3.81 ns F(3,76)=.300, p=.8255
LETTRE 5.000 5.050 5.050 5.050 5.04 ns F(3,76=.018, p=.9967
SYLLABE 1.500 1.500 1.400 1.500 1.48 ns F(3,76)=.192, p=.9016
V. ORTH 3.250 2.800 2.100 2.200 2.59 ns F(3,76)=.973, p=.4100
IMA 4.853 4.774 4.773 4.571 4.74 ns F(3,76)=.983, p=.4054
Le tableau présente, pour chacune des 4 listes valeurs moyennes de fréquence lexicale (FREQ et LOG FREQ), de fréquence des digrammes (DIGR), de nombre de phonèmes (PHON), de lettres (LETTRE) et de syllabes (SYLLABE), de voisins orthographiques (V.ORTH) et d'imageabilité (IMA). Les résultats des différentes analyses par items réalisées sur la base de ces données sont présentés dans la dernière colonne du tableau .

Considérant finalement que les normes de l’Echelle Dubois-Buyse (Reichenbach & Mayer, 1977), sur lesquelles reposent la sélection des stimuli ont été réactualisées vers la fin des années 70 alors que l’apprentissage des participants les plus âgés était depuis longtemps achevé, des estimations subjectives de l’AdAortho ont été établies a posteriori pour les 80 mots inclus dans la liste expérimentale. Vingt et un juges ont ainsi été priés d’évaluer l’âge auquel ils pensaient avoir assimilé les formes orthographiques présentées à partir d’une échelle en 5 points où 1 désignait les mots acquis en CP et 5 les mots appris en CM2. Une corrélation satisfaisante a pu être établie entre ces mesures et celles de l’Echelle Dubois-Buyse (r2=.8891), justifiant de la validité de ces normes pour l’examen des effets d’AdAortho auprès des adultes âgés.

Notes
16.

Au moment de la construction de la présente expérience, la base de données informatisée Lexique (New, Pallier, Ferrand & Matos, 2001) n'avait pas encore été publiée, pas davantage d’ailleurs que la base lexicale adressée aux enfants Manulex (Lété, Spenger-Charolles & Colé, 2004). L’appariement des stimuli sur la base des informations fournies par ces deux bases de données s’est néanmoins révélé satisfaisant à l’issue d’une vérification a posteriori. Le détail de ces analyses figure également dans l’Annexe 3.