II.2.2.2.2. Construction des pseudo mots.

Tous les pseudo mots introduits dans les listes étaient prononçables. Cent soixante-six noms acquis entre l'année scolaire de CP et de CM2 ont été extraits de l'échelle Dubois-Buyse (Reichenbach & Mayer, 1977), permettant la construction d'un nombre équivalent de pseudo homophones. Les pseudo homophones, tout comme les contrôles correspondant, ont été crées par modification d'une ou deux lettres, situées en position initiale, médiane ou finale des mots de base. Les lettres substituées ont été choisies de manière à préserver autant que possible la légalité des séquences orthographiques, d’après les normes de Content et Radeau (1988) 17 .

L'adéquation sonore et la légalité orthographique des 166 items de la liste initiale ont été évaluées de manière subjective, au travers de jugements réalisés par 21 participants adultes, différents de ceux ayant pris part à l'expérience. Ces derniers étaient priés de noter sur 10 points la similitude acoustique et visuelle de chaque pseudo homophone par rapport à d'éventuels mots existant dans la langue, puis, le cas échéant, d'écrire en toutes lettres le mot de base pouvant, selon eux, être rapproché du pseudo homophone considéré. A partir de ces évaluations, chaque item s'est vu attribuer une valeur moyenne d'adéquation phonologique et orthographique. Les estimations obtenues ont abouti à la pré-sélection de 90 stimuli de niveau d’adéquation sonore compris entre 8/10 et 10/10. Ces items ont alors été inclus dans une tâche de lecture orale proposée aux 23 élèves d’une classe de CM2 autre que celle fréquentée par les enfants confrontés à la tâche de décision lexicale. Les productions des enfants ont été enregistrées sur un magnétophone, puis retranscrites en tenant compte des substitutions (ex. "maigre" pour "naige"), des prononciations erronées non corrigées (ex. "meige" pour "naige"), et des hésitations (découpages syllabiques, correction des erreurs de prononciation initiales, allongement du temps de réponse par rapport au rythme de lecture moyen). Les seuls pseudo mots considérés comme véritables homophones étaient ceux que 75% des enfants au minimum (soit 17 enfants sur les 23 interrogés) avaient spontanément prononcés de manière identique au mot de base correspondant dans la langue.

Finalement, la similitude des items de chaque liste expérimentale a été vérifiée sur les axes de la fréquence des digrammes (d) et de la densité du voisinage (v), tant entre pseudo-mots homophones et non homophones ([Fd (7,72)=.650, p=.7131], [Fv (7,72)=.069, p=.9995]) qu’entre mots et pseudo-mots ([Fd (7,152)=.696, p=.6753], [Fv (7,152)=.880, p=.5237]).

Les valeurs moyennes prises par les variables lexicales contrôlées pour les non-mots sont présentées séparément pour chaque type de stimulus et chaque liste dans le Tableau 13.

Tableau 13.
    LISTES    
    L1 L2 L3 L4 MOYENNE STATISTIQUES
Adeq. Phono PH 8.74 8.69 8.65 8.61 8.67 ns F(3,36)=.102, p=.9583
Adeq. Ortho. PH 7.48 7.67 7.92 7.55 7.66 ns F(3,36)=.454, p=.7159
DIGR
PC 2.48 2.52 2.71 2.57 2.57 ns F(3,36)=.659, p=.5828
PH 2.51 2.55 2.72 2.70 2.62 ns F(3,36)=.737, p=.5371
V. ORTH.
PC 2.90 2.70 2.60 2.40 2.65 ns F(3,36)=.086, p=.9674
PH 2.90 2.60 2.50 2.90 2.73 ns F(3,36)=.069, p=.9759
Le tableau présente, pour chacune des listes les valeurs moyennes d'adéquation sonore (Adeq. Phono) et orthographique (Adeq. Ortho), calculées à partir des notes sur 10 points attribuées à chaque pseudo homophones par 21 juges adultes, de fréquence des digrammes (DIGR), et du voisinage orthographique (V. ORTH). Quelle que soit la variable considérée, aucune différence significative n'a été observée entre les différentes listes.

Remarque  : l'adéquation phonologique des pseudo homophones a été évaluée a posteriori dans les classes de CE2, CM1 et 6ème via une épreuve de lecture orale des pseudo mots introduits dans les listes expérimentales cibles proposée aux enfants à l'issue de la tâche de décision lexicale. Cette tâche a également été complétée, dans les classes de CE2, CM1 et CM2 par une épreuve de dictée, visant à évaluer la connaissance orthographique des mots de base. Les productions obtenues ont été analysées suivant une procédure identique à celle utilisée lors du pré-test. Les résultats ont démontré que seule une très faible proportion des items donnaient lieu à une prononciation (7,8% en moyenne) ou à une transcription graphique (10% en moyenne) erronée.

Notes
17.

On notera toutefois que la priorité accordée aux critères d’adéquation sonore entre pseudo homophones et mots nous a contraint à conserver une faible proportion de pseudo mots contenant des suites de lettres illégales en Français (environ 5/20 dans chaque liste expérimentale), suivant les normes de Content et Radeau (1988 ; ex : le digramme "ka" au début du pseudo homophone "kave").