III.2.2.1.3. Procédure.

Le script de l’expérience a été réalisé grâce au logiciel Psyscope 1.1.2.PPC (Cohen et al., 1993), et l’expérience elle-même a été présentée à partir d’un Power Macintosh 6500/250. Les participants étaient installés dans une pièce calme, les yeux approximativement à 30 cm de l’écran d’ordinateur. Les stimuli s’affichaient en minuscules, dans la police Courier de taille 24 points, de sorte que chaque lettre se trouvait inscrite dans une matrice de pixels de dimension fixe (0.4 cm x 0.6 cm), indépendamment de ses caractéristiques propres. Une lettre correspondait ainsi à 0.764 degrés d’angle visuel, un mot de 5 lettres à 3.82 degrés d’angle visuel et un mot de 7 lettres à 5.35 degrés d’angle visuel.

Les mots étaient présentés suivant la technique de position variable du regard dont le principe est résumé par le schéma de la Figure 38 (et voir également la Figure 33, p. 107).

Figure 38. Le schéma illustre les positions de fixations potentielles d’un mot de 5 lettres suivant les modalités de la technique d’orientation préférentielle du regard dans le mot.

Les items sont déplacés latéralement par rapport au point de fixation central de manière à ce que l’œil se pose sur l’une des positions de fixation prédéfinies. La limitation du temps de présentation des stimuli assure que les performances mesurées soient fonction des informations extraites au cours d’une fixation unique de la cible, au niveau de la zone choisie. Ce format de présentation permet de construire une courbe d’EPR, qui associe à chaque fixation un pourcentage de reconnaissance correcte des stimuli.

Chaque mot était divisé en 5 zones de taille identique, correspondant à 1/5 de la longueur totale du mot. Chaque portion comprenait donc exactement 1 lettre pour les mots de 5 lettres et 1.4 lettres pour les mots de 7 lettres. Le centre de chaque zone était défini comme point de fixation initial potentiel. Dans chaque liste expérimentale, les mots d’une longueur donnée étaient répartis en 5 sous-groupes, permettant que l’ensemble des stimuli affecté à un groupe soit présenté en l’une des 5 positions de fixation prédéfinies. Plus précisément, toute liste se trouvait subdivisée en 5 groupes de 6 mots de 5 lettres, 5 groupes de 6 mots de 7 lettres, 5 groupes de 3 pseudo-mots homophones de 5 lettres, 5 groupes de 3 pseudo-mots homophones de 7 lettres et idem pour les pseudo-mots non homophones. D’un participant à l’autre, un groupe d’item donné se voyait attribuer une fixation différente, suivant les principes du carré Latin. De cette manière, chaque participant ne voyait qu’une fois chaque item, dans une seule position tandis que tous les stimuli apparaissaient dans les 5 positions possibles à travers l’ensemble des participants. La succession des mots, pseudo-mots homophones et non homophones était parallèlement établie suivant un ordre aléatoire, nécessairement différent d’un participant à l’autre.

Chaque essai débutait par la présentation d’une croix de fixation (+) au milieu de l’écran, que les participants étaient instamment priés de garder sous leur regard. Après une seconde, la croix de fixation était remplacée par une séquence de lettres (mot ou pseudo-mot), qui restait affiché à l’écran durant 150 ms. Le temps de présentation des stimuli était fixé sur la base des performances des CP mesurées au cours de la phase d’entraînement, de manière à ce que la tâche reste réalisable pour les lecteurs débutants sans devenir trop évidente pour les enfants plus âgés. Les stimuli étaient latéralement déplacés sur la gauche ou sur la droite de la croix de fixation centrale, de manière à ce que les yeux des participants se posent sur l’une des 5 positions de fixation prédéterminées. La durée de présentation des stimuli étant inférieure à la latence minimale de réalisation d’une saccade, estimée à 180 ms environ, les chances pour que le regard des participants dévie de la fixation imposée se trouvaient minimisées.

Les 150 ms écoulées, le stimulus était remplacé par un masque rétroactif composé d’une suite de 9 dièses (#). Les participants devaient alors décider aussi précisément que possible si les stimuli présentés constituaient ou non un mot de la langue Française, en pressant l’une des deux touches prédéfinies sur le clavier. La réponse donnée entraînait la disparition du masque et la présentation de l’essai suivant.

Préalablement à la phase expérimentale, les enfants étaient confrontés à une session d’entraînement comprenant 20 items n’apparaissant pas dans les listes expérimentales, qu’ils avaient la possibilité de répéter au besoin. Par la suite, les enfants étaient uniquement interrogés sur les mots acquis dans les années précédentes et dans le courant de l’année scolaire actuelle, l’expérience ayant été proposée à la fin du mois de juin.

Durant toute la durée de l’expérience, l’application des enfants à maintenir leur regard au niveau de la zone de fixation cible était contrôlée dans la mesure du possible et les enfants étaient invités à prendre une pause chaque fois qu’ils le souhaitaient ou que leur attention semblait se relâcher. Rien ne permettait toutefois de garantir que les enfants suivaient scrupuleusement les instructions à chaque essai, en particulier pour les plus jeunes. Ainsi que proposé par Aghababian et Nazir (2000), il n’est donc pas exclu que des changements développementaux dans la capacité des enfants à maintenir une fixation aient introduit une variabilité supplémentaire dans les résultats décrits plus bas.