Chapitre 3. A la recherche d’un équilibre improbable entre subordination et autonomie des éléments

La théorie cellulaire, dont l’adoption, même a minima, n’est pas compatible avec le maintien du postulat de l’instrumentalité des parties, a porté un coup fatal au modèle technologique du vivant auquel la tradition a eu constamment recours pour résoudre le problème du rapport entre le tout et la partie en biologie. Les parties organiques ne peuvent être réduites à des instruments, à des moyens utilisés en vue de la réalisation des fins du tout. Dès lors, la question qu’on avait pensée jusqu’alors résolue resurgit : comment concevoir le rapport entre le tout et les parties d’un organisme, en respectant à la fois le postulat (nouveau) de l’individualité des parties et l’idée que le tout n’est pas seulement un tout de collection mais un tout substantiel ? Dans le troisième chapitre de la première partie, nous avons vu que le problème cependant n’était pas insurmontable, que l’antinomie était susceptible d’être résolue. A condition bien entendu de s’en tenir à une définition (restrictive) de l’individualité biologique sur la base de la seule possession de l’autonomie physiologique, c’est-à-dire réduite à la jouissance plénière des propriétés phénoménales caractéristiques de la vie (sensibilité, nutrition, croissance, reproduction), et à une définition non moins restrictive du tout biologique, comme ensemble de parties interdépendantes. Une fois admise la distinction conceptuelle entre autonomie physiologique et indépendance fonctionnelle des éléments, il est possible d’affirmer à la fois que les parties organiques sont des individus et qu’elles composent un tout au sens fort du terme. La problématique du tout et de la partie semble donc avoir trouvé, sous les espèces de cette distinction, la voie de sa future résolution, même pour ceux qui n’acceptent aucune restriction de validité aux nouveaux principes gouvernant l’anatomie générale et qui, à l’instar de Haeckel, de Verworn en Allemagne, de Perrier en France, admettant pleinement la doctrine transformiste en même temps qu’ils cherchent à tirer toutes les conséquences de la théorie cellulaire du point de vue phylogénétique, s’efforcent d’établir la nature coloniale du mode de formation des organismes et de promouvoir ce faisant un nouvel associationnisme biologique.