Le problème de la signification physiologique des glandes sans canal excréteur

Au début des années 1840, moment où Claude Bernard débute sa carrière scientifique, il semble définitivement établi que des organes tels que la rate, le thymus, les capsules surrénales, les ganglions lymphatiques relèvent de la même catégorie anatomique générale que le foie ou le pancréas, c’est-à-dire de la catégorie des organes glandulaires. En dépit du fait, remarquable en soi, que les premiers soient dépourvus de tout canal excréteur, leur analogie structurale avec ces derniers, souvent relevée par les anatomistes du 17e et 18e siècles, et incessamment confirmée par les observations des histologistes et des embryologistes concernant leur structure intime et leur mode de formation depuis le début du 19e siècle, est admise par tous ou presque. Il s’agit bel et bien de glandes, glandes spécifiques assurément, distinctes des autres corps glandulaires à conduits excréteurs, ce qui leur vaut d’être appelées glandes « closes » – sous-catégorie dont le champ d’application recoupe grosso modo celui des glandes « vasculaires sanguines », ainsi nommées par les anciens anatomistes du fait de leur riche vascularisation. Mais si la connaissance anatomique de ces organes a fait beaucoup de progrès depuis les premiers travaux de Marcello Malpighi (1628-1894) sur la structure des glandes 529 , il n’en est pas de même de leur physiologie. De fait, il n’est pas exagéré de dire que jusqu’à la découverte par Bernard de la fonction glycogénique du foie, le mystère entourant la signification physiologique des glandes sans canal excréteur est complet. Diverses hypothèses, relatives à la nature physique ou chimique de leur action dans l’économie animale, ont bien été proposées 530  ; mais il s’agit de considérations purement spéculatives, sans la moindre confirmation expérimentale. Parmi celles-ci : l’idée, ou plutôt l’idée double, dont l’avenir confirmera toute la valeur, que ces glandes produiraient quelque substance qui serait ensuite déversées dans le sang, en modifierait la composition chimique. De l’avis de la plupart des historiens, cette idée a été pour ainsi dire touchée du doigt pour la première fois par l’un des grands représentants de l’école de médecine de Montpellier du 18e siècle, Théophile de Bordeu (1722-1776). Traitant, dans son Analyse médicinale du sang (1775), de l’influence exercée par les organes de sécrétion (ses exemples préférés sont les reins et le foie) sur les différentes parties du corps animal, Bordeu avance entre autres considérations que « chacun sert de foyer et de laboratoire à une humeur qu’il renvoie dans le sang après l’avoir préparée et fécondée dans son sein, après lui avoir donné son caractère radical 531  » ; que « chaque organe [...] ne manque pas de répandre autour de lui, dans son atmosphère, dans son département, des exhalaisons, une odeur, des émanations qui ont pris son ton et ses allures, qui sont enfin des vraies parties de lui-même. [...] Examinez le sang qui revient de chaque région principale, celui de la tête, de la poitrine, et du bas-ventre : il est évident que chacun d’eux a des qualités particulières qu’il a acquises dans le tissu des parties d’où il revient 532 . ». Proposition cependant moins hardie qu’il n’y paraît si, résistant aux pièges de la lecture rétrospective, on fait l’effort de la resituer dans son contexte polémique et problématique d’origine (la défense de la tradition médicale humoriste, de la doctrine de l’équilibre physiologique des humeurs), c’est-à-dire si l’on s’avise qu’il s’agit en l’espèce non d’une réponse au problème spécifique posé par la signification physiologique des glandes sans canal excréteur, mais d’une thèse dont le statut argumentatif vis-à-vis d’une doctrine (l’humorisme) qui interdit de délimiter nettement la compréhension et l’extension du concept de sécrétion glandulaire, lui vaut d’être applicable à la limite à tous les organes internes, glandulaires et non glandulaires, indistinctement.

Si le cas de Bordeu reste, on en convient, discutable, il est difficile par contre de dénier à un autre célèbre médecin français, contemporain de Bichat, le mérite d’avoir eu, au début du siècle suivant, quelque pressentiment pour ne pas dire plus d’une partie de la signification de ce que Claude Bernard appellera sécrétion interne. Il s’agit de Julien Legallois (1770-1814). En conclusion de sa dissertation inaugurale de médecine intitulée : Le sang est-il identique dans tous les vaisseaux qu’il parcourt ? (1801), Legallois soutient que « de l’identité du sang artériel et de la diversité des sangs veineux », terme auquel aboutissent ses considérations (purement spéculatives) sur le sujet, on peut tirer la proposition corollaire suivante :

‘« Que le triomphe de la chimie animale serait de trouver des rapports entre le sang artériel, la matière de telle sécrétion et le sang veineux correspondant, tant dans l’état sain que dans l’état pathologique des divers animaux ; de trouver des différences entre les divers sangs veineux ; de trouver enfin ces différences proportionnelles à celles des sécrétions correspondantes. Qu’arrivé à ce degré de perfection, il serait souvent possible qu’elle dégageât l’inconnue dans cette équation : sang artériel = sécrétion + sang veineux correspondant, c’est-à-dire que le premier membre étant donné, elle pourrait deviner à peu près ce que doit être la sécrétion si elle connaissait le sang veineux, et ce que doit être le sang veineux si elle connaissait la sécrétion. 533  »’

Les propos de Legallois tranchent par leur netteté avec ceux tenus par Bordeu vingt-cinq ans auparavant. On ne saurait même plus clairement exprimer l’idée que les produits de sécrétion, loin de constituer des matières étrangères ou hétérogènes au sang, font partie intégrante, comptent parmi les éléments ou les principes constitutifs de sa substance. Soit si l’on veut la moitié du concept de sécrétion interne. L’autre composante du concept, l’idée que la sécrétion est une production, une élaboration de substances sui generis n’est pas envisagée par l’auteur, qui continue à penser l’opération de sécrétion à la façon traditionnelle : comme un retranchement, une séparation de principes contenus dans le sang 534 . La formulation de Legallois, quoique moins vague que celle de Bordeu, est donc en revanche plus incomplète que cette dernière, puisqu’elle n’intègre pas l’idée que l’organe sécréteur est à l’origine de quelque principe nouveau. L’énoncé du problème concernant le rapport existant entre le degré de diversité des sang veineux et celui des sécrétions dans les termes d’un problème mathématique ne doit pas non plus faire illusion : il s’agit là d’une construction toute théorique, non d’un résumé d’expériences. Last but not least, reste enfin que comme le dit Gley, « les réflexions de Legallois sont générales, qu’elles s’appliquent à toutes les glandes, sans distinguer celles qui devaient être qualifiées plus tard de glandes à sécrétion interne 535  ». L’idée n’est pas présente de distinguer les glandes ouvertes des glandes closes sous le rapport du problème que pose la connaissance de leurs fonctions – purement technique pour les premières, technique et théorique (étant donné qu’il met en cause la notion même que l'on se fait du mécanisme de sécrétion) pour les secondes.

De fait, il faut attendre le 19e siècle pour voir cette différence s’imposer petit à petit à l’attention des physiologistes. Alors que progresse l’identification chimique des différents liquides de sécrétion (bile, chyle, salive, suc gastrique, suc pancréatique, urine…) et que, sous l’impulsion des investigateurs allemands notamment, les données cliniques et expérimentales s’accumulent concernant le rôle joué par les glandes excrétrices dans l’économie animale 536 , les connaissances relatives aux fonctions des glandes closes restent toujours, pour ainsi dire, au point mort. En 1836, dans la quatrième édition de son Précis élémentaire de Physiologie, le maître incontesté des études physiologiques en France de la première moitié du 19e siècle, François Magendie (1783-1855), peut ainsi écrire, semble-t-il avec la plus tranquille assurance : « Plusieurs organes, tels que la thyroïde, le thymus, la rate, les capsules surrénales, ont été nommés glandes par beaucoup d’anatomistes. [...] On ignore entièrement l’usage de ces parties. Comme elles sont en général plus volumineuses chez le fœtus, on pense qu’elles y ont quelques fonctions importantes, mais il n’en existe aucune preuve. Les ouvrages de physiologie contiennent un grand nombre d’hypothèse faites dans la vue d’expliquer leurs fonctions ; mais cette abondance même dans les suppositions confirme notre ignorance complète sur ce point important de la physiologie 537 . » (On verra un peu plus loin qu’à ces propos font écho ceux tenus, quelque dix ans plus tard, par un autre grand nom de la physiologie, Johannes Müller).

La fin de non recevoir scientifique en matière d’explication physiologique opposée par Magendie vise expressément et exclusivement les glandes closes. Parmi ces hypothèses jugées indignes d’être signalées parce que non vérifiées, il en est une, avancée par quelques physiologistes de l’époque, dont Magendie ne pouvait certainement soupçonner la confirmation formidable que son propre élève Claude Bernard allait lui apporter quelques décades plus tard. Confirmation qui plus est appliquée à un organe (le foie) que nul n’avait songé jusqu’alors à ranger dans la catégorie des glandes vasculaires sanguines. Cette idée, qu’en partie sinon en tout, l’on a cru pouvoir déjà identifier dans les réflexions de Bordeu et Legallois citées plus haut, réapparaît discrètement cependant dans les écrits d’anatomistes et de physiologistes allemands réputés de la première moitié du 19e siècle, comme par exemple Friedrich Burdach (1776-1847), Johannes Müller (1801-1858), ou encore Jacob Henle (1809-1885). Mais contrairement à l’usage qu’en faisaient les médecins français, la portée explicative de la notion est cette fois clairement limitée à la problématique physiologique des seules glandes closes. Citons quelques passages significatifs tirés des traités de ces différents auteurs. Burdach : « Les glandes vasculaires, ou sanguines [catégorie dans laquelle l’auteur inclut la rate la thyroïde, les surrénales et le pancréas], [...] qui n’ont ni conduits excréteurs, ni connexions immédiates avec le système des membranes muqueuses, ne peuvent servir qu’à la métamorphose du sang, sans réaction avec le monde extérieur. Mais la métamorphose peut être le résultat, soit du séjour du sang dans ces organes, séjour qu’on ne saurait concevoir sans un changement quelconque dans la proportion des éléments constitutifs, soit de leur propre nutrition, ou d’un dépôt de substance dans leur tissu, soit de la formation d’un liquide qui s’amasse dans ce tissu et qui est ensuite résorbé. 538  » – Müller : « Les glandes sans conduits excréteurs [parmi lesquels l’auteur range, outre les organes précédemment cités, le placenta et les ganglions lymphatiques] exercent leur influence plastique sur les liquides qui abreuvent leur tissu et rentrent ensuite dans la circulation générale. 539  ». « Les glandes sans conduit excréteur ont cela de commun qu’elles impriment un changement matériel quelconque au sang qui les parcourt, ou que la lymphe qui en provient joue un rôle particulier dans la chylification et l’hématose. En effet, le sang veineux et la lymphe sont les seules substances que ces organes restituent à l’économie générale. 540  » – Henle : « Le sang subit un changement [erleide eine Venderung] dans les glandes vasculaires sanguines [dont la liste donnée par l’auteur recoupe celle de Burdach], [...] pendant qu’il circule dans leur intérieur il se dépouille de certaines substances, qui subissent un mode quelconque d’élaboration dans leur parenchyme, comme dans les glandes sécrétoires. La différence consisterait en ce qu’ici les sécrétions produites ne s’épanchent pas dans un conduit excréteur, et finalement à la surface de la peau, mais rentrent dans les vaisseaux sanguins ou lymphatiques, soit par absorption, ou par échange, soit par le fait d’une communication temporaire entre les vésicules et les vaisseaux. 541  ». – On le voit : quels que soient les organes concernés par cette tentative d’explication physiologique, il s’agit toujours de glandes dépourvues de canal excréteur. La question a restreint pour ainsi dire son domaine de pertinence, contraignant ainsi logiquement les auteurs à compléter la réponse donnée naguère par Legallois, à y adjoindre plus ou moins explicitement une détermination nouvelle. Comment en effet des glandes n’excrétant à quelque degré et de quelque manière que ce soit aucun produit de sécrétion pourraient-elles, pour reprendre leurs propres termes, exercer une « influence » sur le sang, lui faire subir un « changement », une « métamorphose », autrement qu’en y déversant quelque principe par elles « formé » ou « élaboré », quelque substance de leur cru qui ne s’y trouvait donc pas préalablement ? Cette implication suffit pour marquer la différence et le progrès réalisé concernant la conceptualisation du phénomène des sécrétions internes par rapport aux propos de Bordeu et de Legallois, lesquels amalgamaient dans leurs analyses des fonctions glandulaires toutes les glandes sans distinction.

Les textes précédents montrent à l’évidence que le champ d’extension du problème se trouve désormais convenablement délimité (les glandes sans canal excréteur), et que l’on est tout près de posséder une claire notion du mécanisme fonctionnel, même s’il ne faut pas exagérer la signification et la portée des propos précités. A lire la suite des textes, on a tôt fait de s’apercevoir en effet que la conceptualisation proposée reste purement générale et abstraite : rien de précis n’est dit concernant la nature chimique des produits de sécrétion, ni a fortiori sur leur rôle physiologique dans l’économie. Autrement dit, on n’a pas avancé d’un pouce dans l’élucidation positive des fonctions remplies par les glandes closes. L’idée générale exprimée par les auteurs demeure à ce stade une simple conjecture, une supposition spéculative dénuée de tout fondement expérimental. Müller non moins que Henle le reconnaissent d’ailleurs sans détour encore au début des années 1840, à l’instar de Magendie quelques années plus tôt. En introduction à son chapitre sur les glandes sanguines, Henle écrit : « Les organes compris sous cette dénomination [...] ont cela de commun que leur structure intime et leurs fonctions sont encore totalement ignorée [ihre physiologische Bedeutung zur Zeit gänzlich unbekannt sind] 542  ». On ne saurait attacher moins d’importance à ses propres hypothèses sur le sujet. Müller joue tout aussi profil bas, qui, dans l’édition de 1834 de son Manuel comme dans l’édition, inchangée sur ce point, de 1843, commence chaque exposé des quelques « connaissances » – ou faut-il dire des rêveries ? – physiologiques relatives aux glandes sanguines par un aveu d’ignorance. S’agit-il par exemple de la rate ? « Nous ne nous arrêterons pas longtemps à réfuter les hypothèses qui ont été imaginées touchant les fonctions de la rate, car les unes reposent sur des suppositions inexactes, et, quant aux autres, on ne peut alléguer de preuves ni en leur faveur ni contre elles 543  ». Du thymus ? « Les hypothèses qu’on pourrait imaginer pour expliquer comment cet organe contribue à la formation du sang, chez le fœtus et l’enfant, ne paraissent conduire à rien de satisfaisant 544  ». Pour la tyroïde et les surrénales, Müller est encore plus lapidaire : « On ignore quelle est la fonction de la thyroïde 545  ». « La fonction des surrénales est inconnue 546  ». Quelques années avant que Claude Bernard ne démontre, au terme d’une série d’expériences remarquables, l’existence « d’une nouvelle fonction du foie considéré comme organe producteur de matière sucrée » – pour reprendre le titre de sa thèse de sciences de 1853 –, voilà à quelle peau de chagrin se réduisent, pour le maître de la physiologie allemande de l’époque, les certitudes concernant le fonctionnement des principales glandes vasculaires.

Dans ces conditions on comprend pourquoi les hypothèses émises par Müller et quelques autres sont restées des opinions isolées et sans influence, malgré l’autorité intellectuelle de leurs auteurs. D’autant qu’à cette absence complète de preuves s’ajoute le fait que, sous l’un de ses aspects (l’idée d’une sécrétion non excrétée c’est-à-dire non évacuée par l’intermédiaire d’un conduit à la surface de quelque muqueuse interne ou externe), la théorie proposée contredisait la conception dominante en vigueur d’une co-relativité des notions de sécrétion et excrétion, d’une complémentarité des phénomènes de sécrétion et d’excrétion 547 . Une explication aussi incertaine et aussi manifestement contraire aux usages intellectuels, sinon à la logique même 548 , ne pouvait que demeurer marginale. Manquait une confirmation expérimentale, un exemple avéré de sécrétion interne qui eût permis de venir à bout du scepticisme épistémologique – quant à sa validité – et théorique – quant à sa cohérence – des physiologistes.

Cet exemple, c’est Claude Bernard qui se chargera de le fournir, en établissant par voie expérimentale l’existence d’un phénomène jusqu’alors complètement inconnu : la glycogenèse hépatique. Savoir que le foie élabore et secrète dans ses tissus un produit (le glycogène) qui, dégradé par hydrolyse sous forme de glucose, passe ensuite directement dans le sang de la circulation. La découverte de la fonction glycogénique érige le foie en prototype de glande que Bernard se propose d’appeler « à sécrétion interne », pour les distinguer des glandes qui ne déverse pas leurs produits dans le sang. Classe dans laquelle les physiologistes seront progressivement fondés à ranger, à mesure que se multiplient les expériences qui viennent confirmer la validité du mécanisme appliqué à d’autres organes de sécrétion, toutes les glandes dites sanguines, non exclusivement (puisque d’autres glandes à conduit excréteur vont se révéler jouer aussi, tel le pancréas, un rôle endocrinien).

Notes
529.

M. Malpighi, De viscerum structura exercitatio anatomica, Londres, Martyn, 1669 ; De structura glandularum conglobatarum, Leyde, Van der Aa, 1690. Pour un historique des travaux anatomiques sur les glandes au 17e et 18e siècles, cf. H. Milne-Edwards, Leçons sur la physiologie et l’anatomie comparée de l’homme et des animaux, op. cit., t. 7, 61e et 62e leçons, 1862.

530.

Christian Bange cite ainsi divers auteurs qui, dans la première moitié du 19e siècle, ont attribué à la thyroïde et à la rate un rôle de réservoir sanguin destiné à régulariser la circulation du sang dans le cerveau et dans le foie respectivement. Cf. C. Bange : « Les glandes à sécrétion interne d’après Claude Bernard : naissance, diffusion et postérité d’un concept »,inJ. Michel(dir.), La nécessité de Claude Bernard, Paris, Méridiens Klincksieck, 1991, p. 86.

531.

T. de Bordeu, Analyse médicinale du sang (1775), in T. de Bordeu, Œuvres, Paris, Caille et Ravier, 1818, 2 vol., t. 2, XXIX, p. 948. 

532.

Ibid., XXIII, p. 942.

533.

J. Legallois, Le sang est-il identique dans tous les vaisseaux qu’il parcourt ? (1801), chap. 6, § 3, in J. Legallois, Œuvres, Paris, Le Rouge, 1830, 2 vol. t. 2, pp. 209-10 (souligné par l’auteur).

534.

Cette conception, implicite dans l’extrait reproduit ci-dessus, est parfaitement explicite à d’autres endroits du texte. Pour preuve ce passage : « Le sang veineux n’est que le sang artériel lui-même, retournant au cœur après avoir fourni à toutes les sécrétions, la nutrition y comprise. De quelque manière que s’opèrent ces fonctions, [...] il est généralement admis, que le sang artériel en fournit les matériaux. Mais puisque ce sang est identique partout, les pertes qu’il fait dans les divers organes variant comme ces organes eux-mêmes, le sang veineux doit varier dans la même proportion ; car si de choses égales on retranche des choses inégales, les restes seront inégaux. » (J. Legallois, Le sang..., op. cit., chap. 5, pp. 196-97)

535.

E. Gley : « La notion de sécrétion interne, ses origines, son développement », in E. Gley, Les sécrétions internes, op. cit., pp. 6-30, p. 7.

536.

Sur l’état des connaissances relatives à la physiologie des glandes à sécrétion externe au début des années 1830, cf. J. Müller, Manuel de physiologie, op. cit., t. 1, L. II, section III, chap. 4 et 5 notamment.

537.

F. Magendie, Précis élémentaire de Physiologie (1816-17), Paris, Méquignon-Marvis, 1836, 2 vol., t. 2, p. 492 (souligné par nous).

538.

C. F. Burdach, Traité de physiologie considérée comme science d’observation (1826-32), trad. Jourdan sur la 2e éd., Paris, Baillière, 1837-41, 9 vol., t. 4, série II, chap. 2, II, p. 83 (souligné par nous).

539.

J. Müller, Manuel de physiologie, op. cit., t. 1, L. II, section III, chap. 1, p. 351 (souligné par nous).

540.

Ibid., section IV, chap. 6, p. 501 (souligné par nous).

541.

J. Henle, Traité d’anatomie générale (1841), trad. Jourdan, Paris, Baillière, 1843, 2 vol. t. 2, chap. 17, II, p. 586.

542.

Ibid., p. 578.

543.

J. Müller, Manuel de physiologie, op. cit., L. II, section IV, chap. 6, p. 506.

544.

Ibid., p. 511.

545.

Ibid., p. 510.

546.

Ibid., p. 509.

547.

Notons à ce propos que Johannes Müller lui-même – on pourrait en dire de même de Burdach et de Henle, lesquels tiennent des propos identiques sur cet acte physiologique – conserve une définition de la sécrétion qui l’oblige à réserver le terme aux seules glandes pourvues d’un canal excréteur et qui lui interdit, sinon d’approcher la notion (en témoignent ses hypothèses sur le fonctionnement des glandes sanguines), du moins de forger une expression comme celle de sécrétion interne. Si la sécrétion, ainsi que la définit Müller, n’est qu’une « conversion de principes constituants du sang, à la surface d’un organe » (Manuel…, op. cit., p. 343), si « toute sécrétion s’accomplit sur des surfaces, soit à la superficie de simples membranes, soit à la surface d’excavations celluliformes ou tubiliformes des glandes » (Ibid., p. 383), de quel droit parler de sécrétion pour désigner l’activité des glandes sans canal excréteur, qui à proprement parler n’excrète pas ?

548.

Au point d’ailleurs qu’on a pu dire qu’avant la publication des premiers travaux de Claude Bernard sur la fonction glycogénique du foie, le concept de sécrétion interne « aurait passé [...] pour désigner une impossibilité, au même titre que cercle carré », pour une notion « tératologique », et l’expression de sécrétion externe pour un pur pléonasme (G. Canguilhem : « Un physiologiste philosophe… », op. cit., pp. 561-63). Au vu des textes précédemment allégués, c’est toutefois un peu forcer le trait. Claude Bernard lui-même ne reconnaît-il pas en 1867 que les sécrétions internes « ont été plus ou moins vaguement soupçonnées » avant que ses propres travaux sur la glycogenèse animale ne vinssent en confirmer la notion, même si « elles ne sont point encore généralement admises » ? (C. Bernard, Rapport sur les progrès et la marche de la physiologie générale…, op. cit., p. 79)