Chapitre 2. La régulation correctrice

En 1878, Claude Bernard écrivait :

‘« Il y a, chez les animaux à vie constante et libre, une fonction de calorification qui n’existe point chez les animaux à vie oscillante. Il existe pour cette fonction un ensemble de mécanismes gouvernés par le système nerveux. Il y a des nerfs thermiques, des nerfs vaso-moteurs que j’ai fait connaître et dont le fonctionnement produit tantôt une élévation, tantôt un abaissement de température, suivant les circonstances. La production de chaleur est due, dans le monde vivant comme dans le monde organique, à des phénomènes chimiques [...]. C’est dans l’activité chimique des tissus que l’organisme supérieur trouve la source de la chaleur qu’il conserve dans son milieu intérieur à un degré à peu près fixe, 38 à 40 degrés pour les mammifères, 45 à 47 degrés pour les oiseaux. La régulation calorifique se fait, ainsi que je l’ai dit, au moyen de deux ordres de nerfs : les nerfs que j’ai appelés thermiques, qui appartiennent au système du grand sympathique et qui servent de frein en quelque sorte aux activités chimico-thermiques dont les tissus vivants sont le siège. Quand ces nerfs agissent, ils diminuent les combustions interstitielles, et abaissent la température ; quand leur influence s’affaiblit par suppression de leur action ou par l’antagonisme d’autres influences nerveuses, alors les combustions s’exaltent et la température du milieu intérieur s’élève considérablement. Les nerfs vaso-moteurs, en accélérant la circulation à la périphérie du corps ou dans les organes centraux, interviennent également dans le mécanisme de l’équilibration de la chaleur animale. 1  »’

Ce propos, extrait des Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux, est un des rares textes publiés de Claude Bernard où figure le terme de régulation 2 . Comme l’expression « régulation calorifique » l’indique, le mot surgit dans le contexte d’une explication des phénomènes de chaleur animale. En l’occurrence, la régulation désigne chez Bernard le système de fonctions ayant pour siège anatomique les nerfs vasodilatateurs et vasoconstricteurs (ainsi nommés parce qu’ils agissent directement sur le calibre des vaisseaux sanguins) de l’appareil neurovégétatif qui, en augmentant ou en diminuant les circulations locales, permettent de maintenir ou de rétablir à tout endroit de l’organisme la température corporelle normale.

Notes
1.

C. Bernard, Leçons sur les phénomènes de la vie…, op. cit., t. 1, 2e leçon, III, pp. 117-18 (souligné par nous).

2.

Nous avons retrouvé aussi l’expression dans un passage des Leçons sur la chaleur animale (op. cit.), rédigées à partir de son cours au Collège de France de 1871-72 : « Nous connaissons la part qui revient à chaque organe dans la production de la chaleur animale [...]. Lorsque l’un de ces organes entre en fonction, son apport calorifique s’accroît : il s’abaisse pendant le repos. L’influence que chacun exerce varie donc avec son état d’activité et de fonctionnement ; l’importance qui lui revient dépend de ces circonstances. Quand à ces circonstances elles-mêmes, et à leur rôle dans le concert organique, elles sont réglées par le système nerveux, par le modérateur général. L’étude de cette régulation modératrice va nous occuper : elle constitue la troisième partie de notre sujet. » (10e leçon, p. 194, souligné par nous)