2. L’application socio-anthropologique

La thèse spencérienne de l’ « organisme social »

En janvier 1860, le philosophe anglais Herbert Spencer (1820-1903), l’auteur des déjà célèbres Social Statics (1852) et Principles of Psychology (1855), fait paraître dans la Westminster Review un article intitulé significativement « L’organisme social » 1 , dans lequel il s’efforce d’établir les ressemblances et les différences existant entre les sociétés et les organismes, sous le rapport de leur organisation générale et de leurs modalités de développement. Les ressemblances l’emportant quant au fond nettement sur les différences 2 , il y a lieu selon lui de parler de la société comme d’un « organisme social ». S’agissant de l’organisation d’une part, les sociétés comme les organismes biologiques sont composées d’êtres vivants, donc de parties qui à ce titre ont droit au qualificatif d’individu. Mais en même temps ils composent des touts puisque leurs parties sont mutuellement dépendantes, et des touts d’autant plus intégrés que l’interdépendance des parties qui les composent est grande. Ainsi écrit Spencer, « des communautés simples [simple communities], comme les organismes simples, présentent si peu de dépendance mutuelle de leurs parties [have so little mutual dependance of parts], que la mutilation ou la subdivision ne leur cause guère d’inconvénients ; mais on ne peut enlever un organe considérable d’une communauté complexe [complex community], ou d’un organisme complexe, sans produire un grand trouble, ou même la mort, dans le reste 3  ». « Bien que dans leurs premiers états non encore développés, il existe à peine en elles [i. e. les sociétés] une dépendance mutuelle des parties, ces parties acquièrent graduellement une dépendance mutuelle [their parts gradually acquire a mutual dependance], qui devient enfin si grande que l’activité et la vie de chaque partie n’est rendue possible que par l’activité et la vie du reste 683  ». – S’agissant de leur développement d’autre part, les sociétés comme les organismes évoluent vers un état toujours plus accusé de différenciation structurale et de spécialisation fonctionnelle de leurs parties : « Cette différenciation [differentiation] ajoutée à une différenciation [qui s’opère durant le développement embryonnaire des organismes] est précisément ce qui a lieu pendant l’évolution d’une société civilisée [...] : les diverses sections, d’abord pareilles comme structure et comme mode d’activité, deviennent dissemblables dans toutes deux [grow unlike in both], et, graduellement, deviennent des parties dépendantes mutuellement les unes des autres, diverses de nature et de fonctions [diverse in their natures and functions] 684  ». Sous les rapports de l’organisation et du développement, les lois fondamentales qui régissent les phénomènes sociaux et les phénomènes biologiques sont donc les mêmes selon Spencer. De sorte qu’on est finalement fondé à dire qu’ « une société est un organisme » – pour reprendre le titre d’un chapitre célèbre de ses Principes de sociologie 685 –, en dépit de toutes les différences secondaires et, de l’aveu même de l’auteur, d’ailleurs seulement relatives, qu’il faut bien reconnaître entre l’organisme biologique et l’organisme social.

Revenons un instant sur cette notion d’interdépendance des parties sur laquelle insiste tant le philosophe. On sait (cf. partie II, chapitre 2) qu’elle a été, sinon introduite, du moins thématisée en biologie dans le premier tiers du 19e siècle par Henri Milne-Edwards, à une époque où la théorie cellulaire passait encore pour une aimable fantaisie, pour ne pas dire plus, issue de l’imagination des biologistes romantiques d’outre-Rhin. Le problème que se posait alors Milne-Edwards était de résoudre la question « philosophique » du fondement de la valeur organique des êtres vivants, non de faire face aux dangers qu’une théorie plus que douteuse et qu’il n’admettait point pour sa part, risquait de faire courir à la validité du concept traditionnel de totalité organique. Dans ce contexte problématique, l’interdépendance des parties apparaissait comme une conséquence somme toute secondaire et sans portée, comparée à cette autre conséquence qu’est le perfectionnement organique, d’une localisation fonctionnelle assimilée à un phénomène de division du travail et à laquelle incombait désormais le rôle, traditionnellement dévolu à la diversité fonctionnelle, de variable physiologique de référence correspondant à la complication anatomique. Les succès extraordinaires rencontrés par la théorie cellulaire dans les principaux ordres de la recherche allaient cependant conduire progressivement les biologistes à mettre sur le devant de la scène réflexive cette notion d’interdépendance des parties, à la promouvoir au rang de concept stratégique majeur dans un contexte marqué par une crise de plus en plus ouverte du modèle technologique du vivant. L’interdépendance des parties en est venue finalement à constituer le contenu essentiel de la définition du tout organique, à en former la seule notion qui fusse compatible avec le paradigme de l’individualité des parties que le triomphe de la théorie cellulaire imposait irrésistiblement à l’attention des savants comme une vérité incontestable.

C’est cela qu’a fort bien compris Spencer. Pour le dire en termes abstraits Spencer sociologue a emprunté aux biologistes non seulement l’idée d’interdépendance, mais l’idée qu’ils se faisaient de la portée de cette idée 686 . Une chose est en effet d’affirmer l’interdépendance des individus dans une société, une autre de dire que l’interdépendance entre les individus est constitutive du tout social, que « c’est la dépendance mutuelle des parties qui constitue l’un et l’autre des agrégats vivants [i. e. biologiques et sociaux] 687  », comme n’hésite pas à l’avancer Spencer. La dette du philosophe à l’égard des sciences de la vie est visible dans l’usage qu’il fait de cette notion, le statut qu’il lui accorde dans sa théorie de l’organisation sociale. Toute son œuvre sociologique porte témoignage de cette filiation intellectuelle. En 1857, l’auteur des Principes de sociologie affirmait déjà que « les principes généraux qui président au développement et à la structure des corps organisés s’appliquent également aux sociétés. Le caractère premier des sociétés comme des êtres vivants, c’est que les uns et les autres sont formés de parties unies par une dépendance mutuelle. La plupart de ceux qui ont quelque peu pratiqué les faits principaux de la physiologie et de la sociologie à la fois commencent à voir dans cette ressemblance non plus une fantaisie plausible, mais une vérité scientifique. Et je suis fermement d’avis que cette vérité peu à peu acquerra des applications dont bien peu aujourd’hui soupçonnent l’importance 688  ». Il répètera le même jugement par la suite. Ainsi dans les Principes de Sociologie, où il affirme que « l’organisation consiste en une construction de l’ensemble telle qu’elle permette à ses parties d’accomplir des actions reliées par une dépendance mutuelle [organization consists in such a construction of the whole that its parts can carry on mutually-dependent actions], [...] chose qui est aussi vraie de l’organisme individuel que de l’organisme social 689  » ; qu’en remontant l’échelle de la civilisation, « les unités passent de l’état d’indépendance à celui de dépendance mutuelle ; c’est par-là que leur union constitue une société proprement dite [as fast as they do this they become united into a society rightly so called] 690  ». L’Introduction à la science sociale (1873), Les bases de la morale évolutionniste (1880) entre autres, contiennent des passages analogues : « La dépendance mutuelle des parties fournit à toute organisation son point de départ et sa direction 691  ». « La mutuelle dépendance des parties est une condition essentielle du début et des progrès de l’organisation sociale, aussi bien que du début et des progrès de l’organisation individuelle 692  ». « Les principes fondamentaux de l’organisation sont les mêmes pour un organisme individuel et pour un organisme social, parce qu’ils sont composés l’un et l’autre de parties mutuellement dépendantes 693  ». « De part et d’autres, les parties dépendent mutuellement les unes des autres. Cette dépendance mutuelle est le commencement de toute organisation ; elle est l’origine de toutes les ressemblances qui se trouvent entre un organisme individuel et un organisme social 694  ». On le voit : en érigeant la notion d’interdépendance au rang de principe fondamental d’organisation du corps social, Spencer ne fait que transposer dans un autre domaine la définition minimaliste de la totalité qu’en sont réduits à admettre les naturalistes qui s’efforcent de sauver le tout organique du naufrage conceptuel dont le menace la théorie cellulaire, c’est-à-dire de conserver quelque contenu à l’idée que les individus composant les organismes forment tout de même un tout réel, irréductible à une simple somme.

Dans le chapitre déjà cité intitulé : « Une société est un organisme » des Principes de sociologie, sans doute l’un des plus commentés de l’œuvre sociologique de Spencer, l’auteur a cette phrase : « Nous sommes obligés de dire que les parties d’une société sont unies par un rapport de dépendance aussi rigoureux que celui des parties d’un corps vivant. Si différents que ces deux genres d’agrégats soient à bien des égards, ils se ressemblent par ce caractère fondamental [fundamental character], et par les caractères que celui-ci suppose [and the characters implied by it] 695  ». Quels sont donc ces autres caractères communs aux organismes et aux sociétés, que l’auteur pense pouvoir déduire analytiquement pour ainsi dire du seul fait que leurs parties sont mutuellement dépendantes ? Ceux-là mêmes qui sont mentionnés dans le passage cité plus haut de l’article sur l’organisme social : l’hétérogénéité de la structure d’une part, et la spécialisation fonctionnelle, ou division du travail, d’autre part. Soient les caractères dont les notions composent précisément la théorie au moyen de laquelle, dans la première moitié du 19e siècle déjà, c’est-à-dire avant que ne triomphe la théorie cellulaire et ne se fasse jour la prise de conscience de la nécessité de concevoir à nouveaux frais le rapport du tout et de la partie en biologie, des naturalistes comme Milne-Edwards ont cru pouvoir se débarrasser du problème du fondement de la valeur organique des êtres vivants. Il en va sous ces rapports pour Spencer de la société comme de l’organisme. Une société considérée à un certain moment de son existence, présente toujours un degré équivalent de complexité morphologique d’une part, de spécialisation fonctionnelle d’autre part, correspondant au degré d’interdépendance de ses parties ; ce degré varie selon les sociétés et selon les stades d’une même société. A mesure qu’on passe des sociétés inférieures aux sociétés supérieures, à la manière de l’anthropologue, ou d’un stade primitif à un stade plus avancé du développement d’une même société, à la manière de l’historien, la différenciation structurale et la spécialisation fonctionnelle s’accroissent au même rythme. Les passages où Spencer fait état de ces analogies concernant les modalités d’évolution des organismes individuels et sociaux abondent dans son œuvre : « Une société inférieure, comme un animal inférieur, est faite de parties semblables accomplissant des fonctions semblables ; tandis qu’aussitôt que les sociétés et les organismes se développent, ils se composent les uns et les autres de parties dissemblables accomplissant des fonctions dissemblables 696  ». « La société présente une croissance continue ; à mesure qu’elle croît, ses parties deviennent dissemblables ; leur structure devient plus compliquée ; les parties dissemblables prennent des fonctions dissemblables [...] ; l’assistance mutuelle qu’elles se prêtent amène à une dépendance mutuelle des parties ; enfin les parties unies par ce lien de dépendance mutuelle vivant l’une par l’autre et l’une pour l’autre composent un agrégat constitué sur le même principe général qu’un organisme individuel [form an aggregate constituted on the same general principle as an individual organism] 697  ». Citons enfin un dernier passage moins sommaire, qui complète et précise ces propos :

‘« La dépendance mutuelle des parties fournit à toute organisation son point de départ et sa direction. Tant que dans une masse de matière vivante toutes les parties sont semblables, tant qu’elles vivent et s’accroissent de la même façon sans s’aider l’une l’autre, il n’y a pas d’organisation ; ce sont là les caractères de cet agrégat uniforme de protoplasma, qui occupe la place la plus humble parmi les choses vivantes. [...] Pour que cette masse sans organisation devienne une masse organisée, possédant les propriétés et les caractères de ce que nous appelons un organisme, il faut que les parties qui la constituent perdent leur similitude originaire et que chacun prenne le rôle qui convient à la situation à l’égard des choses extérieures. Ces différences de fonction et les différences de structure qui en découlent, d’abord faiblement marquées, peu nombreuses et peu accusées, deviennent précises et nombreuses à mesure que l’organisation se perfectionne ; et en même temps elles arrivent à mieux remplir leur but. Les types des sociétés plus ou moins élevés se distinguent par des traits d’organisation qu’on peut caractériser par les mêmes expressions ; il en est de même dans chaque société des différentes périodes de son développement. Dans les tribus primitives il n’y a pas de parties différentes. A l’origine, tous les hommes exercent leur activité de la même manière ; ils sont indépendants l’un de l’autre sauf dans les cas accidentels. Il n’y a même pas de commandement régulièrement établi [...]. Ces agrégats sociaux informes tendent, en vertu de la loi du progrès, à devenir plus considérables, et les différences entre les parties qui les composent deviennent toujours plus grandes, plus précises et plus nombreuses. A mesure que la société se développe, ses unités tombent dans divers ordres d’activités déterminées [...] ; par-là se forment peu à peu des organismes sociaux permanents, dont les organismes primaires se compliquent déjà, au moment où ils se dessinent d’organismes secondaires qui se dessineront à leur tour, et ainsi de suite. 698  »’

Dépendance mutuelle des individus érigée au rang de principe de l’organisation, c’est-à-dire de définition du tout ; parallélisme des phénomènes de spécialisation fonctionnelle, de complexité structurale, et d’interdépendance des parties ; spécialisation des fonctions assimilée à une division du travail (implicite dans la référence au « but » mieux rempli à mesure que s’accusent les différences de structure et les spécialités de fonctions 699 ) ; correspondance terme à terme des séries statique (la série des sociétés, dont les termes représentent les différents types d’organismes sociaux achevés plus ou moins élevés) et dynamique (la série des stades historiques, dont les termes représentent les différentes formations transitoires d’un même organisme social supérieur en voie de développement). En somme, on retrouve dans la partie de l’exposé consacrée à l’analyse de l’organisation et du développement des sociétés l’ensemble des déterminations qui composent la théorie de la division du travail physiologique et des significations problématiques qui lui sont attachées dans les sciences de la vie depuis le début des années 1850, plus précisément : 1° depuis que les biologistes s’avisent de tirer profit de cette théorie non plus seulement pour la résolution de la question du perfectionnement organique, mais aussi (et surtout) pour celle de la question du rapport du tout et de la partie, que le succès du paradigme de l’individualité des parties élémentaires oblige à remettre sur le tapis ; 2° et depuis que la reconnaissance des principes de l’embryologie épigénétique et de la nouvelle anatomie générale met ces derniers en demeure de considérer que les concepts de division du travail physiologique et de différenciation anatomique s’appliquent aussi et en premier lieu à ces parties élémentaires que sont les cellules d’une part, et que ces concepts valent aussi bien du point de vue de l’anatomie et de la physiologie comparées des formations embryonnaires que du point de vue de celles des organismes adultes d’autre part. A l’instar des biologistes et des naturalistes de sa génération, acquis à la théorie cellulaire et travaillés par le souci de résoudre le problème du rapport du tout et de la partie organiques, Spencer tend à faire passer au second plan l’idée selon laquelle le progrès de la division du travail est la cause d’une plus grande perfection de l’organisation, et à mettre sur le devant de la scène l’idée selon laquelle il est la cause d’une plus grande dépendance mutuelle (ou solidarité) des parties, d’une plus grande intégration de ces parties en un tout. Cette tendance – ce déplacement de problématique – sera encore plus nettement accusée, on le verra, chez Durkheim.

Notes
1.

Repris in H. Spencer, Problèmes de morale et de sociologie, trad. Varigny, Paris, Guillaumin, 1894, pp. 137-188.

2.

Les différences entre l’organisme individuel et l’organisme social relevées par Spencer ( « L’organisme social », op. cit., pp. 148-152) ont trait : 1° à la précision de la forme ; 2° à la contiguïté des parties ; 3° à leur fixité ; 4° à la sensibilité des parties élémentaires composant les organes autres que le système régulateur. Il ne s’agit à ses yeux que de « différences d’application » (Ibid., p. 152), non de différences touchant aux « principes d’organisation », lesquels « sont les mêmes » (Ibid) pour les organismes et les sociétés. Au reste ces différences sont pour Spencer toutes relatives et nullement absolues, au fond « à peine plus grandes que celles qui séparent une moitié du règne organique de l’autre moitié » (Ibid.). Dans les Principes de sociologie (1876-79, trad. Cazelles et Gerschel, Paris, Baillière, 1878-83, 3 vol, t. 2, partie 2, chap. 12, pp. 186-92), l’auteur abandonnera les distinctions du point de vue de la précision de la forme et de la fixité des parties, en même temps qu’il établira une nouvelle distinction entre l’organisme et la société basée sur le critère de la symétrie. 

3.

H. Spencer : « L’organisme social », op. cit., p. 147.

683.

Ibid., p. 146.

684.

Ibid., p. 159.

685.

H. Spencer, Principes de sociologie, op. cit., t. 2, partie 2, chap. 2, pp. 4-22.

686.

Sur les emprunts de l’évolutionnisme spencérien à la biologie, cf. D. Becquemont et L. Muchielli, Le cas Spencer, Paris, PUF, 1998, pp. 49-56.

687.

H. Spencer, Autobiographie (1904), trad. Varigny, Paris, Alcan, 1907, chap. 34, p. 496.

688.

H. Spencer : « La physiologie transcendante » (1857), in H. Spencer, Essais de morale, de science et d’esthétique, trad. Burdeau, Paris, Baillière, 1879, 3 vol. t. 3, p. 276-77.

689.

H. Spencer, Principes de sociologie, op. cit., t. 2, partie 2, chap. 5, pp. 52-53.

690.

Ibid., t. 3, partie 5, chap. 2, p. 332.

691.

H. Spencer, Introduction à la science sociale (1873), Paris, Baillière, 1874, chap. 14, p. 355.

692.

Ibid., p. 357.

693.

H. Spencer, Les bases de la morale évolutionniste (1879), Paris, Baillière, 1881, 2e éd., chap. 8, p. 123-24.

694.

H. Spencer : « L’administration ramenée à sa fonction spéciale » (1871), in H. Spencer, Essais de morale, de science et d’esthétique, op. cit., t. 2, pp. 183-84.

695.

H. Spencer, Principes de sociologie, op. cit., t . 2, p. 9.

696.

H. Spencer, Autobiographie, op. cit., p. 496.

697.

H. Spencer, Principes de sociologie, op. cit., t. 2, p. 21 (souligné par nous).

698.

H. Spencer, Introduction à la science sociale, op. cit., chap. 14, pp. 355-56.

699.

Les passages où la spécialisation fonctionnelle des parties, dans l’organisme ou dans la société, est assimilée explicitement à un phénomène de division du travail, « division du travail physiologique » d’un côté, « division sociologique du travail » (dixit l’auteur) de l’autre, sont par ailleurs innombrables dans l’oeuvre de Spencer. Cf. par ex. : « L’organisme social », op. cit., pp. 137-38, 153-54, 159, 171-72 ; Principes de sociologie, op. cit., t. 2, pp. 8-9, 53-58, 193 ; Introduction à la science sociale, op. cit., chap. 14, pp. 357-61 ; Les bases de la morale évolutionniste, op. cit., chap. 8, pp. 120-26 ; Principes de Psychologie (1855), trad. Espinas et Ribot, Paris, Baillière, 1874-75, 2 vol., t. 1, partie 5, chap. 6, p. 623 ; Principes de biologie (1864), trad. Cazelles, Paris, Baillière, 1877-78, 2 vol., t. 1, partie 2, chap. 3, pp. 193-201 et t. 2, partie 5, chap. 9, pp. 431-35 ; « L’insuffisance de la sélection naturelle » (1893), in H. Spencer, Problèmes de morale…, op. cit., pp. 347-48. On trouvera une réflexion intéressante sur la sémantique de ces deux expressions dans le second chapitre de la seconde partie des Institutions professionnelles et industrielles (Paris, Guillaumin, 1898, pp. 194-220), intitulé « Spécialisation des fonctions et division du travail ». Spencer nous confirme dans l’idée qu’il considère ces syntagmes comme parfaitement synonymes, à condition toutefois de ne pas restreindre l’extension du concept de travail aux seules activités productrices de biens matériels, comme c’est, il est vrai, assez souvent l’usage : « Employée dans son sens le plus large, l’expression « division du travail », se rapporte à toutes les parties de cet ensemble d’activités, par où la vie de la société s’exécute, gouvernementale, militante, ecclésiastique, professionnelle, aussi bien qu’industrielle. Mais bien que cette expression puisse être fort bien employée comme équivalent, en signification, à l’expression « spécialisation des fonctions », l’acception ordinaire du mot travail, – effort fait en vue de la production, – en a circonscrit l’application. Elle en est arrivée à signifier seulement cette spécialisation des fonctions qui, directement ou indirectement, est en rapport avec la satisfaction de besoins matériels, et la production de choses matérielles destinées à satisfaire les besoins spirituels. » (Ibid., p. 194, souligné par nous)