Une sociologie intégrationniste moderne : l’œuvre de Robert Castel

En dépit de cette double limitation interne, force est de constater en effet qu’une tradition de sociologie intégrationniste d’inspiration durkheimienne persiste bel et bien jusqu’à aujourd’hui : une sociologie qui entend démontrer que l’unité, la cohésion, l’intégrité de la société, de quelque façon qu'on veuille l’appeler, ne sont pas des vains mots ; une sociologie qui ne tient par pour un faux problème la question de savoir quelles sont les conditions institutionnelles nécessaires à l’intégration des individus en société ; une sociologie qui s’efforce de justifier rationnellement la possibilité d’un jugement relatif à la valeur proprement sociétale 754 des pratiques et institutions collectives. Tel nous semble être notamment le sens des recherches menées actuellement par Robert Castel.

Robert Castel distingue problème social et question sociale 755 . Il est banal mais vrai de dire que toute société connaît des « problèmes » plus ou moins sérieux d’organisation et de fonctionnement ; cependant les problèmes divers qu’affronte une société au cours de son histoire ne traduisent pas nécessairement l’existence d’une « question sociale ». Il y a toujours des « problèmes », au sens large du terme, au sein d’une collectivité ; il n’y pas eu toujours ni en tous lieux de « question sociale ». Cette question sociale, qui semble émerger pour la première fois en Occident au milieu du 14e siècle 756 , Castel la définit comme « une aporie fondamentale sur laquelle une société expérimente l’énigme de sa cohésion et tente de conjurer le risque de sa fracture », « un défi qui interroge, remet en question la capacité d’une société à exister comme un ensemble lié par des relations d’interdépendance 757  ». L’accent est mis non seulement sur la gravité (« fondamentale ») du phénomène du point de vue sociétal, mais aussi (cf. l ‘ « aporie ») sur la nature interne ou endogène de la cause qui en est à l’origine. Autrement dit, une question sociale se pose à partir du moment où une société se trouve confrontée en son sein à la présence à la fois massive, relativement à la dimension totale du groupe, et constante, parce qu’alimentée par un processus qui tient de sa dynamique propre, de « surnuméraires », c’est-à-dire d’individus sans statut : vagabonds de l’ « ancien régime », prolétaires des sociétés industrielles du 19e siècle, « exclus » (pour reprendre le terme malheureusement consacré par l’usage 758 ) d’aujourd’hui. Une guerre, une épidémie, une famine, une catastrophe géologique peuvent gravement compromettre l’équilibre d’une collectivité, et même mettre en péril son existence ; elles n’en restent pas moins des évènements ponctuels plus ou moins contingents, dont la survenue n’est pas analytiquement liée au fonctionnement de la société. Si ces évènements posent donc à l’évidence des problèmes sociaux, ils ne sauraient être considérés valablement comme déterminants s’agissant de la question sociale, dont les causes doivent être chercher ailleurs, savoir : dans le régime ou l’évolution socio-économique des sociétés (le système corporatiste d’Ancien Régime, le libre marché du travail au 19e siècle, l’évolution actuelle vers un régime d’emplois précaires).

Robert Castel a montré les différentes manières dont les sociétés d’Europe occidentale ont réagi au cours de leur histoire pour faire face à ce qui constituait pour elles la question sociale 759 . Pendant des siècles les sociétés d’ancien régime ont opté pour une « solution » répressive : elles ont criminalisé l’errance et pourchassées, souvent de façon assez impitoyable, les vagabonds. L’institution plus ou moins brutale, au moment de la première révolution industrielle à la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle, d’un marché libre de travail et l’édification d’une économie de marché a fait disparaître un système décidément incapable d’intégrer l’ensemble des travailleurs dans le cadre réglé des « métiers » et qui condamnait une partie d’entre eux pour ainsi dire au no man’s land social ; mais ce déblocage a ouvert du même coup la route à une forme inédite d’anomie sociale, que le 19e siècle nommera la question ouvrière et qui ne cessera de se développer au cours des décennies suivantes jusqu’à prendre des proportions dramatiques. Devant cette nouvelle « question sociale » les sociétés industrielles se devaient de réagir ; elles le feront diversement et comme à tâtons, oscillant un temps entre des voies politiquement et idéologiquement opposées – la voie conservatrice du patronage philanthropique, qui a l’avantage pour les dominants de paraître compatible avec un système économique entièrement libéral et un principe de sécurité sociale fondé sur la seule propriété privée, et la voie radicale et révolutionnaire de l’institution d’un droit au travail impliquant la socialisation des moyens de production et donc l’abolition d’un régime reposant sur le strict respect de la propriété privée comme l’est celui de l’économie de marché – avant de trouver une tierce alternative dans la promotion des services publics et d’une forme inédite de propriété, ni collective au sens socialiste du terme, ni privée, mais « sociale » – expression que Castel reprend au philosophe Alfred Fouillée et par laquelle il désigne tous les types de patrimoines d’origine non privée mais personnellement attribuable 760 (essentiellement les prestations des assurances obligatoires, les services publics et le logement social) –, c’est-à-dire dans l’édification des institutions caractéristiques de ce que l’on appelle la social-démocratie. La réduction et la fragilisation graduelles depuis une trentaine d’années, sous la pression des exigences du capitalisme moderne, du filet de protections associées au travail laborieusement mais progressivement tissé par toutes les grandes démocraties industrielles au cours des décades précédentes, filet qui avait fini par couvrir de façon efficace pratiquement l’ensemble des travailleurs et leurs familles contre les principaux risques de l’existence (chômage, vieillesse, maladie, accident notamment), nous obligent cependant à reconnaître aujourd’hui qu’une fraction de plus en plus grande de la population court un danger croissant d’invalidation sociale, et à remettre par conséquent sur l’écheveau la question de la capacité intégratrice de nos « sociétés d’individus ». Soit la réapparition d’une question sociale qu’on avait pu croire un temps pratiquement résolue et dont on devine mal encore aujourd’hui l’issue – si tant est bien entendu qu’il y en ait une. 

Ce bref résumé des « métamorphoses de la question sociale » dont on trouvera l’analyse détaillée dans l’ouvrage du même titre suffit à se faire une idée de la juste mesure à laquelle il convient d’apprécier la portée actuelle de la problématique sociologique durkheimienne de l’intégration. Point n’est question pour Castel de revenir sur la fin de non recevoir depuis longtemps signifiée à l’idée d’une autorégulation des sociétés et à celle de leur évolution vers une intégration toujours plus grande. Les sociétés ne sont pas nécessairement plus intégrées, non plus d’ailleurs que nécessairement plus complexes, à mesure qu’elles avancent dans l’histoire. La norme d’une société n’est pas donnée dans sa structure, inhérente à son fonctionnement. Les positions défendues par Robert Castel supposent bien cette double négation.

La première proposition est congruente par exemple avec l’idée défendue par Castel que les sociétés industrielles libérales se trouvent depuis une trentaine d’années confrontées à une forme nouvelle de désaffiliation de masse 1 , processus qu’elles étaient pourtant parvenues à enrayer efficacement au cours de la séquence historique précédente qui a vu progressivement se constituer, s’élargir et se consolider le système de protection associé institutionnellement au travail salarié (et même non salarié), au point de le faire passer pour un mauvais souvenir aux yeux de la grande majorité des contemporains des « trente glorieuses » : quelque-chose comme la mémoire des douleurs peut-être inévitables mais irrévocablement passées de l’enfantement des sociétés industrielles. Autrement dit et en bref, le « retour » de la question sociale dans des pays où elle avait pour ainsi dire pratiquement disparu est un démenti à cet évolutionnisme naïf qui veut que les sociétés soient de plus en plus intégrées à mesure que le temps passe. S’il est vrai, ainsi que le soutient Castel, que les sociétés confrontées à la question sociale accusent un déficit fondamental d’intégration comparées à celle pour laquelle elle ne se pose pas ou plus, alors on peut et même on doit affirmer que la société française actuelle par exemple, qui ne cesse de produire en son flanc un nombre toujours plus grand de travailleurs salariés aux conditions de vie précaires, est certainement moins intégrée que celle des années 1960-70 dans laquelle la condition salariale paraissait moins que jamais synonyme d’insécurité sociale, en dépit de la survivance à cette époque d’un quart-monde, au demeurant (et significativement) de plus en plus résiduel. C’est dire encore une fois combien les sociétés n’évoluent pas nécessairement dans le sens d’une intégration croissante, contrairement à ce qu’admettait un Spencer ou un Durkheim. A un raisonnement de type causal, il faut substituer résolument un raisonnement en termes stratégiques, en histoire sociale et politique non moins qu’en histoire des sciences 761  : l’intégration sociale est moins l’effet mécanique d’une cause définie, ainsi que le soutenait Durkheim pour qui la division du travail est source de solidarité organique, partant la cause de l’intégration caractéristique des sociétés modernes, que la réponse institutionnelle à un défi, la solution à un problème toujours susceptible de réapparaître sous une forme nouvelle : solution qui échoue donc à valoir une fois pour toute, et dans l’élaboration de laquelle l’imagination et l’inventivité ont nécessairement leur rôle à jouer.

Quant à la seconde proposition, elle est implicite par exemple dans la thèse selon laquelle les sociétés européennes d’Ancien Régime n’ont jamais trouvé la solution à leur question sociale : le vagabondage a perduré et s’est même amplifié au cours des siècles qui ont suivi son apparition comme phénomène de masse au 14e siècle 762 . Ce qui, si l’on admet comme Durkheim la validité des concepts de normal et de pathologique en sociologie, équivaudrait à dire qu’elles ont toujours été malades, chose monstrueuse et au demeurant impossible aux yeux de Durkheim lui-même 763 . Dans le même sens, Castel insiste souvent sur l’idée qu’il faut résister à la tentation de croire que, connue ou inconnue, une solution au sens fort et positif du terme existe nécessairement à la question sociale. D’une part la réponse d’hier, toute « bonne » fut-elle en son temps, ne vaut pas ou plus pour la résolution de la question d’aujourd’hui. Par exemple il est faux de croire selon Castel que le retour pur et simple aux formes juridiques et institutionnelles prises par le « compromis social » du début des années 1970 est possible et même souhaitable, étant donné le caractère irréversible des transformations économiques et technologiques qu’ont subies les sociétés industrielles depuis cette époque 764 . La solution – si tant qu’une solution est possible – à la question sociale telle qu’elle se pose aujourd’hui aux sociétés industrielles libérales est, dans une mesure certainement non négligeable, à inventer. D’autre part, la possibilité d’une issue positive ne doit même pas être présumée. Après tout il n’existe peut-être pas de solution à la question sociale qui se pose actuellement dans nos sociétés. Canguilhem disait de l’organisation que pour l’organisme c’était son fait, tandis que pour la société c’était son affaire 765 . La proposition est vraie a fortiori pour les sociétés rongées par ce processus endogène de « désaffiliation » de masse – pour reprendre encore un terme cher à Robert Castel – qu’on a nommé la question sociale. L’intégration (la solution à la question sociale) pour ces sociétés n’a rien d’un problème au sens donné à ce mot lorsqu’on l’emploie pour synonyme d’exercice dans les disciplines scientifiques scolaires, problème dont la solution existe, même si elle demeure inconnue à l’élève ; elle est un défi, un pari dont il n’est pas exclu qu’il ne puisse être jamais relevé.

La société n’est pas un organisme auto-régulé possédant ses normes propres, cela est entendu. De là à dire qu’il est impossible de formuler un jugement de valeur sociétal objectif , il y a un pas logique qu’on ne saurait pourtant trop se retenir de franchir, et que l’auteur des Métamorphoses se garde bien pour son compte de faire, soucieux qu’il est de maintenir le droit à l’existence scientifique d’une sociologie intégrationniste. Tout au contraire, d’après Castel des jugements de ce genre sont possibles, appliqués aux sociétés du passé (des jugements rétrospectifs), compte tenu des enseignements que nous livre l’histoire sociale, mais aussi, sous certaines réserves, appliqués aux sociétés présentes (il s’agit alors de jugements prospectifs). – 1° Jugements rétrospectifs : en se fondant sur les données établies par les historiens, Castel a montré que le sociologue est en mesure d’évaluer l’efficacité des principales tentatives qui ont été expérimentées pour surmonter la question sociale au cours d’une période historique déterminée. Il est ainsi permis d’affirmer par exemple que les réponses tentées au 19e siècle pour remédier à la « question ouvrière » (qui est la forme prise alors par la question sociale) n’ont pas toutes eu, loin s’en faut, la même valeur curative ou thérapeutique – pour user, une fois n’est pas coutume de notre part, d’une métaphore médicale. Autrement dit, toutes ces réponses ne sont pas des « solutions » au sens fort et positif du terme ; elles ne sont pas équivalentes sous le rapport de leur capacité à « résoudre » la question sociale. Des trois espèces de mesures qui ont été proposées pour surmonter la désaffiliation ouvrière, la première – le patronage philanthropique – pêchait en quelque sorte par défaut (loin de se révéler à la hauteur du problème, elle est apparue rapidement comme un traitement insuffisant et purement symptomatique, servant qui plus est d’alibi à ses promoteurs pour ne pas avoir à intervenir sur les causes véritables de la désaffiliation) ; la seconde – l’institution d’un droit au travail – pêchait inversement par excès (elle se découvrait inconciliable avec le maintien de la propriété privée, et, partant, avec un régime d’économie de marché ; ce qui, dans les sociétés du 19e siècle dont les forces démographiques, économiques et politiques dominantes communient dans le culte de la propriété privée considérée comme l’un des fondements de l’ordre social, la vouait à rester lettre morte). La troisième réponse – l’édification d’un droit du travail et d’un système de protection sociale couplés à l’emploi salarié – allait par contre s’avérer opératoire, la réplique ajustée au problème de l’insécurité sociale chronique de l’existence ouvrière 766 . – 2° Jugements prospectifs : le sociologue, estime Robert Castel, n’est pas non plus totalement désarmé lorsqu’il s’agit d’apprécier la valeur sociétale des mesures actuellement proposées pour remédier à la question sociale telle qu’elle se pose hic et nunc, puisqu’il peut, en s’appuyant sur les expériences passées, se faire valablement une idée de ce qu’il ne faut pour l’instant pas perdre (le principe du couplage travail-protection), en attendant de savoir positivement ce qu’il faut gagner, pour continuer à faire société dans le cadre d’une « société d’individus » 767 . D’où la critique de Castel par exemple à l’égard des propositions visant à instaurer un revenu minimum d’existence qui « conduisent à découpler complètement travail et protections 768  » (elles reposent sur une conception erronée des conditions nécessaires à l’intégration dans nos sociétés) ; ou à l’inverse son intérêt pour le chantier de recherches ouvert par certains juristes spécialistes du droit du travail comme Alain Supiot, qui proposent de rattacher les droits traditionnellement conférés à l’employé salarié à la personne même du travailleur (qu’elle occupe ou non présentement un emploi) à laquelle serait alloué un certain nombre de « droits de tirages sociaux », afin de concilier la mobilité et le caractère erratique de la vie professionnelle, qui est le lot d’une foule croissante de travailleurs, avec la sécurité en matière de continuité de ressources dont chacun a besoin pour mener une existence pérenne 769 . Soit un projet de refonte du droit du travail qui va plutôt dans le sens d’un redéploiement du montage travail-protection qui a permis aux individus de se libérer du magistère des communautés traditionnelles, que dans le sens de sa négation 770 .

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Où l’on voit la possibilité d’argumenter à nouveaux frais une théorie sociologique de l’intégration. Il faut croire que la réfutation des postulats durkheimiens relatifs à la régulation (interne) des sociétés et à leur évolution (épigénétique) n’en entame pas complètement, quand même elle la fragilise il est vrai, la validité ; ou que ces postulats ne lui étaient sans doute pas liés analytiquement ou logiquement au point qu’on ne puisse les rejeter sans donner congé à la théorie elle-même. C’est en tout cas l’enseignement que nous retiendrons au terme de notre récit de la lecture de l’œuvre de Robert Castel. Le durkheimisme, entendu à la lettre, est certainement mort ; mais un durkheimisme corrigé et amendé, un néodurkheimisme, assurément lui survit, que traduisent les efforts actuellement menés en vue de parvenir à une connaissance rigoureuse des conditions institutionnelles nécessaires pour maintenir la cohésion des « sociétés d’individus » que nous sommes devenus. Une sociologie intégrationniste d’inspiration durkheimienne mais non d’orthodoxie durkheimienne est donc bien vivante ; sa tradition se perpétue de nos jours dans des recherches comme celles poursuivies par Robert Castel, qui nous paraît avoir montré de façon convaincante qu’il est encore possible aujourd’hui de parler de manière conséquente et valable, en sociologie, d’intégration. Gageons que ce genre de contribution sociologique saura à l’avenir, non pas seulement apporter du sang neuf à la théorie, mais éclairer aussi la pratique politique – si tant est du moins qu’on ait à cœur comme Castel, en cela aussi moderne héritier de Durkheim 1 , de préserver l’unité, la cohésion, bref l’intégration de la société.

Notes
754.

Par « valeur sociétale », nous entendons la valeur que revêt un phénomène social lorsqu’on le juge à l’aune de la norme que constitue l’unité de la société.

755.

Cf. R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale, op. cit., Avant-propos, pp. 16-22 ; « Les deux sens du social », in S. Karsz (dir.), Déconstruire le social, Paris, L’Harmattan, 1992.

756.

Cf. R. Castel, Les métamorphoses…, op. cit., chap. 2, pp. 70-80 ; ainsi que l’article stimulant du même auteur : « La question sociale commence en 1349 », Les Cahiers de la Recherche sur le travail Social, n°16, 1989, pp. 9-27.

757.

R. Castel, Les métamorphoses…, op. cit., p. 18.

758.

R. Castel a critiqué à plusieurs reprises l’application populaire et savante (il existe aujourd’hui une « sociologie de l’exclusion ») de ce terme d’ « exclus » à ceux qu’il préfère appeler pour son compte les « désaffiliés » d’aujourd’hui. Pour l’explicitation des raisons qui le poussent à critiquer cet usage, cf. R. Castel : « De l’exclusion comme état à la vulnérabilité comme processus », in J. Affichard et J. B. de Foucault(dir.), Justice sociale et inégalités, Paris, éd. Esprit, 1992, pp. 135-148 ; « Les pièges de l’exclusion », Lien social et Politiques, n° 34, Automne 1995, pp. 13-21 ; R. Castel et Nicole Borvo : « L’exclusion, une notion discutable », Regards, n°6, oct. 1995, pp. 17-29.

759.

Dans ce qui va suivre, nous schématisons évidemment les propos de Robert Castel, qui, dans Les métamorphoses, a explicité de manière détaillée les différentes modalités et sous-espèces de chacune des réponses-types, proposées pour résoudre la question sociale.

760.

Cf. R. Castel, Les métamorphoses…, op. cit., chap. 6, pp. 308-22 ; R. Castel et C. Haroche, Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi, op. cit., chap. 2, pp. 71-106 ; « La propriété sociale », in Y. Michaud (dir.), Qu’est-ce que la Société ?,Université de tous les savoirs, vol. III, Paris, O. Jacob, 2000, pp. 401-12. – Citons ici pour mémoire la définition de la propriété sociale d’Alfred Fouillée que Castel reprend à son compte : on y trouve tous les éléments notionnels déterminants du concept de propriété sociale : « L’Etat peut, sans violer la justice et au nom de la justice même, exiger des travailleurs un minimum de prévoyances et de garanties pour l’avenir, car ces garanties du capital humain qui sont comme un minimum de propriété essentiel à tout citoyen vraiment libre et égal aux autres, sont de plus en plus nécessaires pour éviter la formation d’une classe de prolétaires fatalement voués soit à la servitude, soit à la rébellion. » (A. Fouillée, La propriété sociale et la démocratie, Paris, Hachette, 1884, p. 148, souligné par l’auteur)

1.

Cf. R. Castel, Les métamorphoses…, op. cit., chap. 8 et Conclusion , pp. 385-474.

761.

Robert Castel a défendu cette approche dans deux articles de réflexion méthodologique sur l’usage qu’est susceptible de faire le sociologue de l’histoire « des historiens » : « ‘‘Problematization’’ as a Mode of Reading History », in J. Goldstein (dir.), Foucault and the Writing of History, Cambridge, Blackwell, 1994, pp. 237-52 ; « Présent et généalogie du présent : une approche non évolutionniste du changement », in D. Franche (dir.), Au risque de Foucault, Paris, éd. Centre G. Pompidou, 1997, pp. 161-68.

762.

Cf. R. Castel, Les métamorphoses…, op. cit., chap. 2, pp. 80-108.

763.

Durkheim a souvent répété qu’il considérait comme une absurdité logique l’idée d’une espèce sociale congénitalement malade. En témoignent ces passages, tirés respectivement de La division du travail social et des Règles de la méthode sociologique : « On peut dire d’un fait social qu’il est anormal par rapport au type de l’espèce, mais une espèce ne saurait être anormale. Les deux mots jurent d’être accouplés. » (chap. 2, p. 36, n. 1) – « Pour tout le monde, le type de la santé se confond avec celui de l’espèce. On ne peut même pas, sans contradiction, concevoir une espèce qui, par elle-même et en vertu de sa constitution fondamentale, serait irrémédiablement malade. Elle est la norme par excellence et, par suite, ne saurait rien contenir d’anormal. » (chap. 3, p. 58)

764.

Robert Castel revient souvent sur cette question de l’impossibilité d’un retour aux formes institutionnelles d’antan, compte tenu du caractère irréversible des mutations économiques et technologiques en cours, et de la nécessité par conséquent d’élaborer un « compromis social » ad hoc. Cf. par ex : R. Castel : « Pour entrer dans le 21e siècle sans brader le 20e siècle », Le Débat, Paris, n° 89, mars-avril 1996, pp. 90-97 ; « Exclusion ou désaffiliation dans la nouvelle économie ? », in P. Moati (dir.), Nouvelle économie, nouvelles exclusions ?, Paris, éd. de l’Aube, 2003, pp. 69-74.

765.

G. Canguilhem : « Le tout et la partie dans la pensée biologique », op. cit., p. 333.

766.

Cf. R. Castel, Les métamorphoses…, op. cit., chap. 6 et 7, pp. 268-384 ; « La propriété sociale », op. cit., pp. 401-12.

767.

Sur l’importance sociétale de premier ordre de l’articulation travail-protection dans nos « sociétés salariales » d’après Robert Castel, cf. notamment R. Castel : « Travail et utilité au monde », Revue Internationale du travail, Genève, éd. B.I.T, n°6, 1996, pp. 675-82 ; « Centralité du travail et cohésion sociale », in. J. Kergoat et al. (dir.), Le monde du travail, Paris, La découverte, 1998, pp. 50-60 ; « Citoyenneté et travail », in C. Javeau et al. (dir.), Excluant…Exclu, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 1998, pp. 23-36.

768.

R. Castel et Y. Moulier-Boutang : « Redéployer de manière pluraliste le droit social », Multitudes, n° 8, mars-avril 2002, p. 3.

769.

A. Supiot (dir.), Au-delà de l’emploi : transformations du travail et devenir du droit du travail en Europe, Rapport à la Commission européenne, Paris, Flammarion, 1999.

770.

Cf. R. Castel : « Droit du travail : redéploiement ou refondation ? », Droit social, n°5, mai 1999, pp. 438-42. Il s’agit d’un article dans lequel Robert Castel marque son intérêt pour le Rapport Supiot, cependant qu’il émet des doutes sur sa faisabilité et signale les dangers de céder à la tentation de refonder le droit du travail sur une base nouvelle, plutôt que de s’en tenir à la tâche plus modeste de le redéployer afin qu’il étende sa juridiction protectrice sur des situations de travail peu ou pas régulées par le droit actuel.

1.

On connaît la phrase, dans le genre assez radicale, de Durkheim : « De ce que nous nous proposons avant tout d’étudier la réalité, il ne s’ensuit pas que nous renoncions à l’améliorer : nous estimerions que nos recherches ne méritent pas une heure de peine si elles ne devaient avoir qu’un intérêt spéculatif. » (De la division du travail social, op. cit., Préface, XXXIX)