1.1.1. Les limites entre actants et circonstants

Les limites entre actants et circonstants, telles qu’elles sont posées par Tesnière, semblent être apparemment nettes, mais à y regarder de près, les cas d’imprécision émergent. C’est au chapitre 57 que l’auteur aborde ce problème des frontières entre actants et circonstants. Deux critères de nature morpho-sémantique sont alors à envisager :

‘« Au point de vue de la forme, l’actant, étant en principe un substantif, se suffit à lui-même comme dépendant du verbe, p. ex. fr. Alfred frappe Bernard, tandis que le circonstant, ne pouvant être qu’un adverbe, doit d’abord, s’il est substantif, recevoir la marque adverbiale au moyen d’une préposition (…) P. ex. fr. Alfred marche avec une canne » ¹ . ’

De nouveau, ce critère morphologique ne résiste pas aux critiques. Pour cela, nous donnons un contre-exemple qui peut montrer son inconsistance. Dans : Alfred sort le soir, quel statut donne-t-on au syntagme le soir ? Est-ce un actant et à ce moment-là il se comporte comme Bernard dans : Alfred frappe Bernard ? ou bien il est considéré comme un circonstant, et dans ce cas il est traité comme avec une canne dans :

‘113. Alfred marche avec une canne ?’

Ajoutons que le critère sémantique avancé par l’auteur n’est pas non plus satisfaisant car selon ce critère, l’actant fait corps avec le verbe et devient pour lui indispensable, alors que le circonstant n’est pas nécessaire et sa présence est facultative. Dans Alfred marche, le message n’est pas complet sans qu’il soit nécessaire d’indiquer avec quoi il marche, ni même s’il a besoin de quelque chose pour marcher ² . Nous pouvons donner un contre-exemple pour contester ce point de vue selon lequel le circonstant n’est pas indispensable pour le verbe contrairement à l’actant qui fait corps avec lui :

‘114. La réunion aura lieu samedi prochain.’

Le syntagme samedi prochain est indispensable à la construction de la phrase :

‘(114a) *La réunion aura lieu’

Peut-on le considérer alors comme un circonstant ?