3.1. Présentation de la théorie

Tout d’abord, la théorie linguistique dont s’inspire l’auteur est celle de la grammaire de Harris. Cette grammaire affirme qu’il y a toujours une relation étroite entre lexique et syntaxe. Le sens, quant à lui, ne se révèle que par le biais des schémas formels que présente la langue. Celle-ci, à son tour, porte en elle-même l’explication de chaque phénomène linguistique car elle est un système d’unités descriptibles par leurs interrelations.

On peut dire en bref que la langue s’explique elle-même par elle-même. C’est bien le principe défini par l’auteur sous l’étiquette : la métalangue est dans la langue 1 . Dans la théorie distributionnaliste, la phrase est étudiée sur deux axes fondamentaux : l’axe syntagmatique qui définit les rapports entre les constituants et leurs occurrences avec les autres constituants qui sont de nature différente. Puis l’axe paradigmatique qui définit les différentes occurrences de plusieurs constituants dans chaque position. Il est donc normal que ce mécanisme explique la solidarité entre forme et sens. C’est justement ce que résume l’auteur en ces termes :

‘« À priori, la distribution peut être appréhendée de trois points de vue : l’occurrence des formes les unes par rapports aux autres, celle des formes par rapports au sens (et vice versa), celle des sens les uns par rapport aux autres » 2 .’

Dans Leeman (1990), l’auteur a remis en question la validité des tests syntaxiques traditionnellement utilisés fautivement ou sans visée linguistique consciente dans la caractérisation du complément circonstanciel. Ces tests définissent, en effet, le complément circonstanciel comme relevant d’un certain niveau dans la hiérarchie de la phrase et ne rendent pas compte de son rôle sémantico-pragmatique dans le discours.

Les tests de la suppression, de la mobilité, de l’extraction et du questionnement sont des paramètres habituellement utilisés dans la caractérisation du complément circonstanciel. Or l’exemple suivant montre que ces paramètres syntaxiques ne sont pas opératoires et donnent une fausse explication du fonctionnement du complément circonstanciel dans la phrase 3 :

‘144. On n’a plus de télé depuis que le fils du voisin s’est amusé dans le salon. ’ ‘145. *On n’a plus de télé depuis que le fils du voisin s’est amusé.’ ‘146. *Dans le salon, on n’a plus de télé depuis que le fils du voisin s’est amusé.’ ‘147. *C’est dans le salon qu’on n’a plus de télé depuis que le fils du voisin s’est amusé.’ ‘148. *Où n’a-t-on plus de télé depuis que le fils du voisin s’est amusé ? –Dans le salon.’

Selon l’auteur, toutes les anomalies qu’on peut remarquer dans les exemples précédents s’expliquent par le fait que l’incidence du complément circonstanciel dépasse le domaine propositionnel qui le définit syntaxiquement. Ainsi dans le salon dépend de s’est amusé dans Le fils du voisin s’est amusé dans le salon, mais son omission est rendue impossible par une relation qui dépasse cette proposition, concernant la principale On n’a plus de télé. Donc le système linguistique établi n’est pas encore apte à donner des explications satisfaisantes pour ces phénomènes.

Notes
1.

Cf. Danielle Leeman, Les circonstants en question, Paris, Kimé, 1998, pp. 63-65.

2.

Ibid., p. 59.

3.

Cf. Danielle Leeman, « Présentation », Langue Française, 1990, n°86, pp. 7-8.