1.2. Les compléments de phrase

C’est la deuxième grande catégorie des compléments circonstanciels. Les éléments de cette catégorie peuvent englober l’ensemble des adverbes de phrase, des groupes prépositionnels ainsi que des propositions subordonnées circonstancielles. La classification des compléments de cette catégorie exige d’abord un certain nombre de critères pour les identifier. Pour ce faire, Melis adopte trois genres de critères : des critères distributionnels, des critères syntaxiques et des critères positionnels et intonatifs. À l’examen de l’ensemble des critères distributionnels, on peut constater un trait caractéristique de ces compléments qui les différencie des autres circonstants.

Premièrement, ils ne disent rien sur le contenu phrastique et ils sont voués à caractériser les circonstances du dire du locuteur, la distance qu’il peut prendre vis-à-vis de son énoncé ainsi que la forme que peut prendre la phrase :

‘289. Franchement, tu dois faire attention à ta santé.’ ‘290. Il vient probablement demain.’ ‘291. En bref, on est sorti content de la réunion.’

Deuxièmement, il y a des restrictions qui gèrent l’apparition de ces compléments dans les différents types de phrase surtout avec l’assertion, la question et l’ordre. Pour les critères syntaxiques, les compléments de phrase procèdent généralement d’une manière négative lors de l’application de certaines opérations syntaxiques telles que la négation, l’interrogation ou la mise en relief, c’est-à-dire qu’ils sont toujours hors de la portée de la négation et ils ne constituent pas le foyer d’une phrase interrogative, ni le foyer d’une phrase clivée.

Les critères positionnels et intonatifs mettent l’accent sur la grande mobilité de ces compléments à l’intérieur de l’énoncé, ils peuvent apparaître dans toutes les positions possibles dans la phrase. Ils sont de ce fait isolés de la phrase au niveau prosodique et peuvent donc être rapprochés des propositions incidentes. L’examen d’un certain nombre de phrases introduites par si a permis à Melis de distinguer trois genres de compléments de phrase :

(1) D’abord, les compléments qui caractérisent les circonstances de dire qui s’emploient de préférence dans des phrases déclaratives et qui peuvent avoir d’autres emplois dans des contextes différents :

‘292. Si vous me permettez, j’ajouterai que…’ ‘293. Pierre est, si vous me passez le mot, un imbécile.’ ‘294. Cette pièce est, si vous voulez, imagiste.’

La première phrase, par exemple, peut servir d’excuse dans une question 1 .

(2) La deuxième catégorie distinguée est celle des compléments transpositionnels. Ces compléments « […] se rapportent en effet à la proposition à laquelle ils sont liés étroitement au niveau du contenu, mais ils se situent en dehors de celle-ci, définissant le cadre dans lequel elle doit être comprise » 2 . Ces compléments apparaissent de préférence dans les subordonnées, ils sont voués à définir le monde dans lequel la phrase doit être interprétée. Il est important de faire la distinction entre cette interprétation d’avec celle où ils sont intégrés au message. Pour ce faire, Melis a évoqué cet exemple :

‘295. Jean ne viendra pas si Pierre vient.’

Or cet exemple peut recevoir deux interprétations :

‘« Il faut que l’éventuelle venue de Pierre soit une condition à la venue de Jean » ou, dans un autre contexte : « Jean ne viendra pas si Pierre vient, mais il le fera certainement si tu invites Marie ».
« Dans l’hypothèse de la venue de Pierre, Jean ne viendra pas » 3 .’

Si le complément reçoit la première interprétation, il ne sera pas rangé parmi les compléments de phrase parce qu’il caractérise un élément intégré au message ce qui nous ramène à la troisième catégorie distinguée par Melis : la catégorie des compléments propositionnels.

(3) Les compléments propositionnels sont des compléments intégrés au message tout en n’étant pas des compléments de nœud actanciel. L’appellation de complément de phrase est donc réservée uniquement aux compléments qui concernent les circonstances de dire et les compléments transpositionnels.

Notes
1.

Sur les autres possibilités d’emploi voir pp. 146-148.

2.

Ibid., p. 150.

3.

Ibid., p. 145.