2.2. Les adverbes paradigmatisants

Nous allons dire quelques mots maintenant sur la catégorie des adverbes paradigmatisants dont l’auteur a fait une catégorie à part du fait qu’ils se distinguent syntaxiquement et sémantiquement des adverbes de phrase :

‘« Syntaxiquement, ils sont très mobiles […], ils peuvent apparaître à toutes les césures majeures de la phrase, mais contrairement aux adverbes de phrase, à deux positions différentes correspondent généralement deux interprétations nettement différentes de l’énoncé. Sémantiquement, ils introduisent une présupposition sur l’existence d’un paradigme d’où leur dénomination. L’interprétation d’un énoncé renfermant un tel complément adverbial présuppose en effet que l’énoncé actuel soit en rapport avec un paradigme d’autres énoncés semblables » 1 .’

Il faut alors présupposer la venue d’autres personnes que Pierre dans :

‘342. Même Pierre est venu.’

Mais pour comprendre comment fonctionnent ces adverbiaux dans la phrase, il faut distinguer ce que l’auteur appelle le noyau, le foyer et la portée de l’adverbial. On peut dire simplement que le noyau est un élément textuel ou un élément dans le paradigme qu’introduit l’adverbial paradigmatisant. Le foyer, est le champ de l’opération de l’adverbial, le cotexte dans lequel il opère, il est le résultat d’une focalisation qui a lieu au moment même où on parle 2 . La portée est, au départ, une notion sémantique qui se présente comme un résultat ultime après la détermination du noyau et du foyer de l’adverbial. C’est exactement la partie de la phrase qui est pertinente pour l’interprétation de l’adverbial.

À propos de : Même Pierre est venu, on peut dire simplement que Pierre est le noyau de l’adverbial et le reste de la phrase constitue sa portée. Rappelons que dans tout état de cause, la structure prosodique de la phrase constitue une composante cruciale de la théorie linguistique de la focalisation développée par l’auteur mise en œuvre dans l’explication et l’interprétation du fonctionnement des adverbiaux. Pour expliquer les différents mécanismes de la portée, l’auteur a commenté ainsi les exemples suivants :

‘343. a. Marie aussi se plaint très rarement.’ ‘344. b. Très rarement, Marie aussi se plaint.’ ‘« Dans (a), toutes les personnes dont il est question se plaignent très rarement, alors que dans (b) rien n’est dit à propos de la tendance qu’ont les autres personnes à se plaindre. En effet, on est plutôt incliné à penser que ces autres personnes se plaignent plus souvent que Marie. Cette différence se ramène à une différence de portée. Dans (a), très rarement est dans la portée de aussi, alors que dans (b), l’ordre est inverse » 3 . ’

Les adverbes paradigmatisants sont divisés donc en deux groupes, d’une part même, aussi et surtout, ayant la même syntaxe que les adverbes de phrase. Ils se présentent dans l’énoncé comme des additifs. D’autre part il y a seulement, exactement, au moins. Les éléments de ce groupe se distinguent du précédent par le fait qu’ils sont moins mobiles dans l’énoncé.

Chacune des deux catégories comporte des sous-classes : les adverbes du type aussi : également, aussi bien que, non…plus, ceux du type surtout : en particulier, notamment, par exemple. Par une étude assez détaillée du comportement de l’adverbe paradigmatisantsurtout, l’auteur a montré que cet adverbial, à la différence des autres adverbiaux, exige l’existence d’une certaine gradation dans le paradigme qu’il introduit. Cette gradation se présente comme l’information nouvelle et importante dans l’énoncé. Surtout est acceptable dans :

‘345. Ce résultat lui permet d’envisager l’avenir avec sérénité, surtout (parce) qu’il est encore junior.’

Mais il est inacceptable dans :

‘346. *Pierre est surtout venu.’

Dans le premier exemple, la gradation opère sur l’importance des causes du procès. Nous avons donc présenté brièvement les grandes lignes de la démarche suivie par Nølke pour classer les adverbes paradigmatisants afin d’ancrer ces analyses dans la forme linguistique.

Nous passons maintenant à l’investigation d’une autre classe d’adverbiaux qui a attiré l’attention de l’auteur. Il s’agit des adverbiaux spatio-temporels. L’importance de l’étude de cette classe vient en fait de la rareté des analyses et des travaux qui y ont été consacrés surtout quand il s’agit d’un traitement sémantico-syntaxique car les études qui ont porté sur la corrélation entre les catégories des adverbes de temps et les catégories aspecto-temporelles du verbe ne manquent pas.

Notes
1.

H. Nølke, 2001, p. 271.

2.

Ibid., p. 280.

3.

Ibid., p. 282. C’est nous qui soulignons.