2.3. Les adverbiaux spatio-temporels

Pour définir les éléments de cette classe, l’auteur a écrit :

‘« […] par adverbial spatio-temporel j’entendrai tout complément qui renvoie au cadre spatio-temporel de l’énoncé. La propriété constitutive de la classe est la référence spatiale ou temporelle » 1 . ’

Mais cette définition, semble-t-il, peut permettre à d’autres constituants dans la phrase de remplir la même fonction, celle du cadre spatial ou temporel :

‘347. Demain est un jour férié.’ ‘348. Il faut toujours penser à demain.’

De même, les constituants qui occupent des positions valencielles par rapport au verbe, le plus souvent appelés par ce dernier, peuvent aussi donner un cadre spatial ou temporel pour l’énoncé :

‘349. Il viendra ici.’ ‘350. Pierre est/va à Paris.’ ‘351. Cette histoire remonte à l’avant-guerre.’

Mais ces éléments sont appelés volontairement par l’auteur par objets locatifs dont les frontières avec les vrais compléments adverbiaux sont loin d’être clairement tracées. Leur problématique ne doit cependant entraver en aucun cas la classification des adverbiaux car ils ne répondent pas à la définition fondamentale de l’adverbial donnée par l’auteur : « Un adverbial est un membre de phrase qui n’est pas défini comme un autre type de membre » 2 . La classification sera donc uniquement portée sur les vrais adverbiaux spatio-temporels.

Une autre précision doit être aussi citée, c’est que les différences entre adverbiaux spatiaux et adverbiaux temporels ont été considérées comme inexistantes par l’auteur, il a considéré les éléments des deux classes comme constituant une seule et même classe du fait de plusieurs points de ressemblance entre les deux. Il faut rappeler aussi que les critères de classification de ces adverbiaux sont de nature sémantico-syntaxiques et que les autres critères retenus dans le cadre de la théorie de la focalisation viennent en appui seulement pour éclairer et mettre en lumière l’efficacité de ces critères.

Une première division des adverbiaux spatio-temporels portée sur le critère sémantique est donc le suivant 3  :

(1) Les scéniques qui sont susceptibles à répondre à des questions du type Quand ?ou où ? Ils ont de ce fait un caractère référentiel qui peut être :

A. Une référence pure (inscrite dans les lexèmes) du type :

‘352. À Paris, la vie coûte très cher.’ ‘353. En 1994, le karolakiade a eu lieu à Albi’

B. Une déixis du type 

‘354. Ici, il fait trop chaud’ ‘355. Aujourd’hui, il fait trop chaud.’

C. Une anaphore du type :

‘356. , il fait trop chaud.’ ‘357. Deux jours après la réunion, il avait déjà tout oublié.’

(2) Les quantifieurs qui sont susceptibles de répondre à des questions avec combien. Ils se subdivisent selon le domaine quantifié selon qu’il est homogène ou hétérogène. Les éléments de ce groupe sont beaucoup plus diversifiés que ceux qui ont précédé. Suivant la classification de M. Nojgaard (1993), l’auteur distingue quatre classes des quantifieurs, appelés itératifs par Nojgaard :

A. Les itératifs normatifs : normalement

B. Les itératifs distributifs : le lundi

C. Les itératifs numériques : trois fois

D. Les itératifs de degré : souvent

Selon la notion de la portée telle qu’elle a été perçue par l’auteur, les adverbiaux spatio-temporels sont des constituants à portée qui ont tous la perspective ‘‘proposition’’ mais qui sont susceptibles d’avoir des étendues différentes que ce soit la phrase entière ou un seul constituant de celle-ci. C’est ce qu’indiquent les deux exemples suivants :

‘358. Pierre est revenu hier.’ ‘359. Cette plante, maintenant jaune, était verte il y a quelques jours 4 . ’

Quant au comportement syntaxique de ces adverbiaux, ils répondent aux deux critères essentiellement évoqués pour chaque classification des adverbiaux. Il s’agit de la focalisabilité dans une phrase clivée et de leur comportement avec la négation :

‘360. C’est à Paris que nous avons rencontré Pierre.’ ‘361. C’est aujourd’hui qu’il est revenu de Paris.’ ‘362. À Paris, il ne pleut pas.’ ‘363. Aujourd’hui, il ne pleut pas.’

Il est à noter que seuls les adverbiaux d’itération comme souvent par exemple, montrent le plus souvent quelque résistance au critère du clivage alors qu’ils acceptent la position immédiatement avant le focus :

‘364. C’est souvent à midi qu’il descend la poubelle.’

Un autre fait important à citer, c’est qu’ils sont acceptables dans la position entre l’auxiliaire et le participe à la différence de l’ensemble des adverbiaux spatio-temporels :

‘365. Nous avons souvent dormi à Paris.’ ‘366. *Nous avons à Paris dormi.’ ‘367. *Il est aujourd’hui revenu de Paris.’

Il semble que le principe de l’ordre des mots dans la phrase ait quelques retombées sur le comportement des adverbiaux spatio-temporels. Il s’agit justement du principe logique de la structure en thème/rhème et de la focalisation :

‘« Les spatio-temporels sont focalisables grâce au fait que leur perspective de portée est ‘‘proposition’’. Voilà pourquoi ils acceptent sans problème la position finale de la phrase qui, justement, est toujours focalisée » 5 . ’

Mais il est bien normal que les adverbiaux scéniques se placent aux positions initiales du fait qu’ils donnent un cadre thématique de la phrase à la différence bien sûr des adverbiaux quantifieurs qui, du fait qu’ils sont intimement liés au prédicat, refusent cette position. Les scéniques anaphoriques ont d’autre part une fonction essentielle dans la cohérence de l’énoncé, cela explique le fait qu’un bon nombre d’adverbiaux temporels en –ment privilégient cette position 6  :

‘368. Finalement, le tribunal condamna M. Ernest à 100 francs d’amende.’ ‘369. Plus récemment, il a indiqué qu’il appliquerait la constitution. ’

D’après ce qui vient d’être dit, il est clair que la classe des adverbiaux spatio-temporels constitue bel et bien une classe homogène. Elle est homogène parce que, comme dit l’auteur, ses éléments constitutifs répondent positivement aux critères sémantiques et syntaxiques proposés. Sa place normale parmi les autres classes d’adverbiaux se révèle dans sa différence avec, d’une part, la classe des adverbiaux de prédicat : les adverbiaux de manière, instrumentaux, et les adverbiaux d’énoncé d’autre part. Cette homogénéité de la classe ne peut pas empêcher tout un essai de sous-catégorisation ni même certaines anomalies qui peuvent survenir.

Les adverbiaux normatifs du type : normalement, d’habitude, en général et les adverbiaux de fréquence du type : souvent, fréquemment, parfois, par exemple, sont un bon exemple de ces anomalies. Les normatifs ne sont pas, selon l’auteur, à classer parmi les spatio-temporels « Ils renvoient à la norme ou aux habitudes » 7 . Ils ne sont que des adverbiaux d’énoncé. Ils n’acceptent jamais la focalisation :

‘370. *C’est normalement que je rentre le dimanche.’ ‘371. *Ce n’est pas normalement que je rentre le dimanche.’

Quant aux adverbiaux de fréquence, ils sont à cheval sur les adverbiaux d’énoncé et sur les vrais adverbiaux de temps. Ils sont plus au moins acceptables dans une phrase clivée alors qu’ils sont largement admis dans la position focalisée par la négation :

‘372. C’est souvent que je rentre le dimanche.’ ‘373. Ce n’est pas souvent que je rentre le dimanche.’
Notes
1.

Ibid., p. 258.

2.

Voir. Supra.

3.

Cf. pp. 260-261.

4.

Ibid., p. 262.

5.

Ibid., p. 265.

6.

Cf. p. 266.

7.

Cf. p. 268.