3.1.2. Portée sur le sujet

De par sa fonction en tant qu’élément du prédicat, le circonstant intra-prédicatif crée une relation d’incidence avec les éléments constitutifs de ce prédicat. Nous avons parlé tout à l’heure de ce type de relation qui s’établit principalement avec le noyau verbal et d’une manière implicite avec ses actants. Or il existe une catégorie de ces circonstants qui, tout en portant sur le verbe, caractérisent explicitement le sujet du prédicat verbal.

Les circonstants de cette catégorie semblent être uniquement des circonstants de manière en -ment car ils sont majoritairement dérivés des adjectifs. L’incidence de ces circonstants se réalise d’abord avec le verbe mais elle peut glisser de la qualification du verbe à la qualification du nom qui sert de support à ce verbe, c’est-à-dire à la qualification du sujet. Ce mécanisme peut être mise à jour par la paraphrase suivante : sujet + verbe + adverbe → sujet est adjectif 1 .

‘583. Puis elle se mit à regarder les meubles, les bibelots, les cadres, avidement, pour les emporter dans sa mémoire. Le portrait de la Maréchale était à demi caché par un rideau. Mais les ors et les blancs, qui se détachaient au milieu des ténèbres, l'attirèrent. (ES, p. 543.)’ ‘584. Deslauriers lui semblait présomp­tueux, son insensibilité de la veille le refroidissant à son endroit, et Frédéric s'abandonnait à ces regrets quand il fut tout surpris de voir entrer Arnoux, ‑ lequel s'assit sur le bord de sa couche, pesamment, comme un homme accablé. (ES, p. 266.)’ ‘585. […] ; ou bien, à vingt pas d'eux, sous les arbres, une biche marchait, tranquille­ment, d'un air noble et doux, avec son faon côte à côte. Rosanette aurait voulu courir après, pour l'embrasser. (ES, p. 437.)’

Dans les trois exemples précédents, les circonstants soulignés sont respectivement paraphrasés par : Mme Arnoux est avide, M. Arnoux est pesant, la biche est tranquille. Le co-texte joue ici un rôle important pour la vérification de ces paraphrases. Dans (583), la dernière rencontre entre Frédéric et Mme Arnoux accélère le rythme des choses. Mme Arnoux se montre avide dans cette situation car elle est engagée dans l’énumération et l’enregistrement des choses de la chambre de son amant pour les garder définitivement dans sa mémoire.

Dans (584), M. Arnoux est un homme âgé et fatigué, il s’assoit à la manière d’un homme accablé. Dans (585), la suite de la phrase montre bien que la biche est tranquille car elle semble avoir un air noble et doux.

Notes
1.

Ibid., p. 51.