3.1.3. Portée sur le sujet et sur le verbe

Cette catégorie de circonstants est assurée par des adverbes de manière en –ment. Les circonstants de cette catégorie sont plus nombreux que ceux de la catégorie précédente.Les éléments de cette catégorie sont appelés traditionnellement des adverbes de manière orientés vers le sujet 1 .

La paraphrase proposée pour l’interprétation de ces circonstants est : sujet + verbe + adverbe → sujet est adj. / prédicat nominalisé est adj. Mais cette paraphrase

‘« […] ne doit pas être comprise comme dénotant une qualité intrinsèque du sujet, mais seulement une qualité qui se manifeste dans le comportement du sujet réalisant le procès signifié par le verbe » 2 . ’

Voilà donc des exemples sur ce type dans notre corpus :

‘586. Tous désiraient connaître ses affaires ; et Mme Benoît s'y prit adroi­tement en s'informant de son oncle. Comment allait ce bon parent ? Il ne donnait plus de ses nouvelles. N'avait‑il pas un arrière‑cousin en Amérique ? (ES, p. 60.)’ ‘587. Chaque mot qui sortait de sa bouche semblait à Frédéric être une chose nouvelle, une dépendance exclu­sive de sa personne. Il regardait attentivement les effilés de sa coiffure, caressant par le bout son épaule nue ; […]. (ES, pp. 107-108).’ ‘588. Mais elle parut chercher quelque chose, et lui demanda des ciseaux. Elle défit son peigne ; tous ses cheveux blancs tombè­rent. Elle s'en coupa, brutalement 3 , à la racine, une longue mèche. (ES, p. 546.)’ ‘589. Frédéric trinqua. Il avait, par complaisance, un peu trop bu ; d'ailleurs, le grand soleil l'éblouissait ; et, quand ils remontèrent ensemble la rue Vivienne, leurs épaulettes se touchaient fraternellement. (ES, p. 425.)’ ‘590. Isidore, parti la veille, s'était reposé à Bray jusqu'au soiret avait couché à Montereau, sibien que les bêtes rafraîchies trottaient lestement. (ES, p. 58.)’

Examinons maintenant les paraphrases de ces circonstants. Dans (586), Mme Benoît est adroite, la manière dont elle s’y prit est adroite. Dans (587), Frédéric est attentif, son regard est attentif. Dans (588), Mme Arnoux est brutale, la coupure elle-même est brutale 4 . Dans (589), les épaulettes sont comme celles des frères 5 , elles se touchaient de façon fraternelle. Dans (590), les chevaux, rafraîchis, sont lestes, ils trottent de façon leste. Dans les positions avant le verbe, ces circonstants peuvent avoir une interprétation supplémentaire. Au lieu de porter sur le verbe et son sujet seulement, ils peuvent porter, de l’extérieur, sur la phrase représentée par la relation prédicative :

‘(586a) Tous désiraient connaître ses affaires ; et Mme Benoît, adroi­tement, s'y prit en s'informant de son oncle.’ ‘(586b) Mme Benoît a eu l’adresse de s’y prendre en s’informant de son oncle’ ‘(586c) Mme Benoît s’y pris avec adresse en s’informant de son oncle.’

La position avant le sujet est aussi possible pour ce genre de circonstants et ils auront à peu près la même interprétation si on ne prend pas en compte les valeurs thématiques de l’énoncé 6 .

Notes
1.

Guimier a bien montré que les adverbes intra-prédicatifs ayant cette double orientation font référence aussi bien à des animés humains qu’à des inanimés. Cf. Nous avons pu faire remblayer la colline où tout le petit cimetière glissait dangereusement. (Fleutiaux, cité par Guimier, 1996, p. 53).

2.

Ibid., p. 52.

3.

Dans une position initiale, ce circonstant pourrait avoir deux interprétations supplémentaires. D’abord il aurait un sens temporel pour signifier que le procès qui va suivre ne dure que peu de temps. En même temps, il jouerait le rôle d’un connecteur qui sert de liaison entre l’énoncé précédent et celui qui le suit :

Elle défit son peigne ; tous ses cheveux blancs tombè­rent. Brutalement, elle s'en coupa, à la racine, une longue mèche.

4.

Ce circonstant peut avoir une dernière interprétation : il peut avoir un sens temporel et prend le sens de en très peu de temps, tout à coup ou subitement.

5.

Guimier constate que les paraphrases, pour ce type de circonstants ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre et qu’il faut faire appel à d’autres types de paraphrases pour révéler tous les aspects sémantiques possibles de ces circonstants. Cf. Guimier, 1996, p. 54.

6.

La position initiale du circonstant peut être justifié par de nombreux facteurs de nature différente. Voir pour plus de détails N. Le Querler, « Les circonstants et la position initiale »in : Guimier, 1993.