3.2. Portée des circonstants intra-prédicatifs de temps et de lieu

Les circonstants intra-prédicatifs de temps et de lieu ont une portée principale sur le verbe et éventuellement sur l’un de ses actants. Ils sont tous sous la portée des modalités de l’énoncé. Leur déplacement peut être accompagné soit d’un changement de sens suite à un changement de portée, soit d’une anomalie qui rend l’énoncé inacceptable :

‘598. Quand il arrivait de bonne heure, il le surprenait dans son mauvais lit de sangle, que cachait un lambeau de tapisserie ; car Pellerin se couchait tard, fréquentant les théâtres avec assiduité. (ES, p. 95.)’ ‘(598a) *car Pellerin, tard, se couchait, fréquentant les théâtres avec assiduité.’ ‘(598b) *car tard, Pellerin se couchait, fréquentant les théâtres avec assiduité.’ ‘599. Les deux voisins, brouillés, s'abs­tenaient d'y paraître aux mêmes heures. Mais, depuis que Frédéric était revenu, le bonhomme s'y promenait plus souvent et n'épargnait pas les politesses au fils de Mme Moreau. (ES, pp. 159-160.)’ ‘(599a) Mais, depuis que Frédéric était revenu, plus souvent , le bonhomme s’y promenait et n’épargnait pas les politesses au fils de Mme Moreau.’

Il est bien évident qu’en changeant de position, le circonstant change de portée et change même de statut. Il n’est plus un circonstant intra-prédicatif, il est plutôt un circonstant extra-prédicatif qui porte sur l’énoncé dans son ensemble.

‘600. Frédéric fut charmé de ce désintéressement. Elle se ralentissait, il la crut fatiguée. Elle s'obstina à ne pas vou­loir de voiture et elle le congédia devant sa porte, en lui envoyant un baiser du bout des doigts. (ES, p. 234.)’ ‘(600a) Elle s'obstina à ne pas vou­loir de voiture et devant sa porte, elle le congédia en lui envoyant un baiser du bout des doigts.’

La différence est ici bien claire entre (600) et (601a) dans la mesure où le circonstant dans (600) localise dans l’espace le procès représenté par le verbe congédier, mais dans (601a), le circonstant localise à la fois : 1. l’actant représenté par le sujet, 2. le verbe de l’énoncé, 3. le complément de temps qui dénote la simultanéité des deux procès représenté par la forme verbale prépositionnelle généralement appelée le gérondif. Cette phrase peut être glosée par : tout cela a lieu devant la porte 1 .

Les subordonnées circonstancielles en quand et lorsque dans la subordination inverse peuvent, elles aussi, avoir le mode de fonctionnement intra-prédicatif :

‘602. Ils montaient dans leurs chambres quand un garçon du Cygne de la Croix apporta un billet. (ES, p. 61.)’ ‘603. Au milieu de la côte de Chailly, un nuage, crevant tout à coup, leur fit rabattre la capote. Presque aussitôt la pluie s'arrêta ; et les pavés des rues brillaient sous le soleil quand ils rentrèrent dans la ville. (ES, p. 429.)’ ‘604. Les confrères absents furent critiqués. On s'étonnait du prix de leurs oeuvres ; et tous se plaignaient de ne point gagner suffisamment, lorsque entra un homme de taille moyenne, l'habit fermé par un seul bouton, les yeux vifs, l'air un peu fou. (ES, p. 91.)’

On suppose toujours qu’il y a deux événements, l’un qui s’étend dans le temps et un autre événement plus court qui vient couper le premier pour le dater ou bien pour le localiser sur l’axe du temps.

Notes
1.

Ce critère est utilisé en annexe par L. Gosselin (1985), voir ici-même 1ère partie, chap. III.