2.2.1. Les circonstants et les effets rythmiques dans la phrase

Dans l’Éducation sentimentale, nous constatons que les circonstants, par leurs structures détachées ainsi que par leur mobilité dans la phrase, influencent le rythme de la phrase en le ralentissant, le prolongeant ou le fixant. Ils aident, dans la plupart des cas, à fixer le mouvement de la phrase dans la durée tout en lui donnant une valeur musicale.

Sur le plan stylistique, la mobilité du circonstant selon qu’il est antéposé ou qu’il est dans les positions finales, peut créer des effets rythmiques importants dans la phrase. Par exemple, un circonstant dans la position initiale n’aura pas la même importance ni le même effet rythmique que dans la position finale.

Dans le premier cas, le circonstant contribue à la construction de la phrase par masses croissantes 1 . Il est considéré comme un élément qui assure sa cadence majeure, étant donné qu’il doit figurer dans une protase relativement plus courte que l’apodose :

‘« Souvent, ils manquaient le dernier départ. Alors, Mme Dambreuse le grondait de son inexactitude ». (ES, p. 507.) (Cadence majeure)’ ‘« À Bray, il n’attendit pas qu’on eût donné l’avoine […] ». (ES, p. 58.) (Cadence majeure)’ ‘« Toutes les semaines, il écrivait longuement à Deslauriers, dînait de temps en temps avec Martinon, voyait quelquefois M. de Cisy ». (ES, p. 79.) (Cadence majeure)’ ‘« Un matin du mois de décembre, en se rendant au cours de procédure, il crut remarquer dans la rue Saint-jacques plus d’animation qu’à l’ordinaire ». (ES, p. 81.) (Cadence majeure)’

Dans le deuxième cas, sa position dans l’apodose marque une chute dans la phrase. À ce moment-là, on peut dire qu’il assure sa cadence mineure :

‘« […] la tente de coutille formait un large dais sur sa tête, et les petits glands rouges de la bordure tremblaient à la brise, perpétuellement ». (ES, p. 58.) (Cadence mineure)’ ‘« Pellerin n'estimait plus ces travaux de sa jeunesse ; maintenant, il était pour le grand style ; il dog­matisa sur Phidias et Winckelmann, éloquemment ». (ES, p. 95.) (Cadence mineure)’ ‘« Pellerin battit le sol avec son pied, et souffla fortement, au lieu de répondre. Il se livrait à des travaux clandestins, tels que portraits aux deux crayons ou pastiches de grands maîtres pour les amateurs peu éclairés ; et, comme ces travaux l'humi­liaient, il préférait se taire, généralement ». (ES, p. 100.) (Cadence mineure)’ ‘« Enfin Arnoux se leva ; et, en disant :’ ‘« C'est fait ! » il lui passa la main sous le menton, familiè­rement. Cette privauté déplut à Frédéric, il se recula ; puis il franchit le seuil du bureau, pour la dernière fois de son existence, croyait‑il ». (ES, p. 1001.) (Cadence mineure)’ ‘« Mais il ne manquait pas, pour qu'on l'invitât aux dîners du jeudi, de se présenter à L'Art industriel, chaque mercredi, régulièrement ; […] ». (ES, p. 116.) (Cadence mineure)’

Vu leur mobilité dans la phrase, il est donc utile, dans une étude de leur rôle rythmique dans la phrase, d’étudier la puissance rythmique des circonstants en tête, au milieu et en fin de phrase.

Notes
1.

Carole Tisset parle ainsi des circonstants qui s’accumulent dans la protase : « Dans la protase s’accumulent toutes les circonstances dans lesquelles va s’inscrire le procès. Le grand nombre des circonstances attachées fait penser aux plumes d’un éventail ». C. Tisset, Analyse linguistique de la narration, Paris, SEDES, 2000, p. 130.