a) Une présence dans les registres.

Le secrétaire ne participe pas aux délibérations, mais il est présent dans les documents car il lui arrive parfois de se mettre en scène, se considérant somme toute, comme un membre à part entière du consulat et de l’élite. Pour souligner sa présence dans les registres consulaires, nous avons relevé toutes ses apparitions lors des années test de notre période : cela permet d’analyser la manière dont il se perçoit et dont il est perçu. Les années test, 1417, 1427 et 1434 concernent toutes le même secrétaire, Rolin de Mâcon ; Mathieu Massoud est en dehors de ces sondages. L’année 1447 n’est pas comprise dans cette période puisque le secrétaire en charge à ce moment est Jacques Mathieu : c’est sa première année, or il reste trente ans à ce poste. Pour une raison évidente de cohérence, l’année 1447 est donc incluse dans la période suivante.

Evolution de la présence du secrétaire dans les registres (1417-1434)
Evolution de la présence du secrétaire dans les registres (1417-1434)
Désignations que se donne secrétaire dans les registres (1417-1434) .
  1417 1427 1434 Total
Moi / m’/ mon 2 11 22 35
Je 4 3 4 11
Procureur 4 5 2 11
Secrétaire 5 / / 5
Notaire 1 2 1 4
Tabellion public 1 / / 1

Le secrétaire apparaît volontairement dans les registres dans la première moitié du XVe siècle : « je », « moi », ponctuent quelques phrases dans chacune de ces années et affirment sa présence. Il n’est pas rare qu’il parle de lui à la première personne pour évoquer les tâches que lui confient les conseillers : « ils m’ont chargé », « ils m’ont passé un mandement », « ils m’ont commandé » 152 . Il arrive aussi qu’il signale sa présence, en écrivant « moy, notaire stipulant », « moy procureur » ou« je, procureur, leur ay dit… » 153 .L’augmentation notable des termes « moi/ m’/ mon » souligne son désir d’affirmer son individualité. Cette présence est parfaitement assumée : en 1427, il se met parfois dans la liste des présents, après les conseillers 154 , comme pour symboliser son insertion dans ce monde politique et son égalité avec les membres du consulat. Il se considère nettement comme un membre à part entière. Quand on observe la carrière de Rolin de Mâcon, cette attitude n’a rien de surprenant puisqu’il abandonne la charge de secrétaire pour devenir conseiller en 1442.

Le secrétaire ne se donne pas toujours le même titre : quatre termes différents font référence à divers aspects de son identité. Le terme le plus fréquent est celui de « procureur » : c’est une dénomination qu’il aime à se donner, car elle lui permet d’affirmer le statut particulier au sein du consulat que lui donnent ses compétences juridiques. C’est l’aspect le plus valorisant de sa fonction qu’il met en avant, beaucoup plus que celui de « secrétaire », qui est plus subalterne puisque n’importe quel clerc pourrait l’occuper. Ce terme renvoie pourtant à l’idée de confident à qui sont confiés des secrets, mais ce n’est pas cet aspect de son travail qu’il souhaite le plus souligner, peut-être parce que cette attitude va de soi.

Il se dit aussi « notaire » : sa formation est son identité première. L’étymologie de « notaire », désigne celui qui rédige des notae, c’est-à-dire qui prend des notes, et établit des documents officiels en étant attaché à un seigneur, une communauté ou une juridiction. Il utilise assez peu le nom de « tabellion publique » qui fait référence à un secrétaire d’une juridiction subalterne, certainement parce qu’il n’est pas très prestigieux.

Le secrétaire entend peut-être montrer qu’il est bien un acteur de la vie municipale, un rédacteur de procès verbaux qui n’est pas un fantôme ; s’il apparaît ainsi c’est peut-être pour exister, lui qui dans un lieu de paroles, ne fait que se taire et noter ce que disent les autres. Mais peut-on relever des indices prouvant que le secrétaire ferait des ajouts de son propre chef dans les registres de la ville ?

Notes
151.

Ces désignations sont données par ordre décroissant.

152.

1422, RCL2 p.27 ; 1423, RCL2 p.60, p.70. Ce sont quelques exemples arbitrairement choisis.

153.

1423, RCL2, p.33, p.43, p.55. Ce sont aussi des exemples choisis arbitrairement.

154.

1427, RCL2 p.229.