Même si la langue maternelle des Lyonnais est le francoprovençal, c’est en français que ces élites vont créer un « bon usage ». L’analyse de la mise au point d’une norme langagière est un élément décisif dans l’approche des mentalités d’une époque : les règles que s’impose une société reflètent toujours son état d’esprit. A Lyon comme dans de nombreuses villes de France, le XVe siècle est une période d’instauration d’une langue normée, mais qui se définit et se développe de manière complexe et latente. En effet elle n’est pas imposée volontairement par une autorité supérieure : le francien s’insinue par les voies de la centralisation monarchique mais, comme le souligne M. Mollat, « sans autre pression cependant que celle d’une prééminence reconnue » 400 . Dès le XIIIe siècle se développe l’idée d’une supériorité du langage parisien : cela devient même un topos de la littérature, puisque de nombreux auteurs débutent leurs ouvrages en s’excusant de ne pas posséder complètement la langue de Paris, comme le fait Jehan de Meun, pour éviter tout reproche sur sa traduction de Boèce :
‘« Si m’excuse de mon langageL’administration royale laisse libres les villes de choisir leur langue : l’idée d’harmonisation n’existe pas. Ce choix du français est donc aussi un signe identitaire fort, qui nous amène à nous interroger sur le rapport que ces élites entretiennent avec les langues et dialectes. Pour une bonne mise en perspective de ces problèmes et afin de pouvoir en tirer une analyse socio-historique précise, il convient tout d’abord de faire un point sur deux notions linguistiques essentielles, qui vont étayer notre propos : bilinguisme et diglossie.
M. Mollat, Genèse de la France moderne (XIV e -XV e siècles), Paris, Seuil, 1977, p.116.