L’écrit est bien un signe de pouvoir, mais c’est d’une autre façon qu’il est envisagé à partir des années 1490. Il devient le moyen supplémentaire de diffusion des informations et des décisions consulaires : les registres indiquent en effet une multiplication des placards émanant de la ville, qui mettent en avant le pouvoir consulaire. Certaines décisions sont placardées pour que nul ne les ignore : elles concernent la sécurité de la ville comme la garde des portes, notamment en temps de peste 881 , les lieux où l’on soigne les pauvres et les malades 882 , ou le commerce 883 . Un cas en 1494 est emblématique : l’écrit est utilisé par le consulat pour dénoncer ceux qui refusent de payer l’impôt. Des panneaux explicatifs sont fixés sur leurs portes qui sont aussi scellées pour dénoncer leur comportement 884 , un geste de rétorsion très symbolique : on scelle la porte de leur boutique pour les empêcher de gagner leur vie, tout comme eux scellent le déshonneur de la ville en empêchant ces levées d’impôt pour le roi. Ils sont désignés de cette façon à la vindicte populaire, une manière de détourner sur eux le mécontentement des contribuables les plus modestes ayant le sentiment que d’autres plus riches sont exempts d’impôts. Où sont la concorde et l’idée de l’union de la ville dans cette décision ? Il semble que cela soit surtout une menace intéressante pour contraindre les délayants à payer. Il existe aussi un tableau au consulat qui affiche le prix du pain 885 : il faut donc aller chercher cette information à l’hôtel commun, ce qui souligne le contrôle que les conseillers entendent avoir et imposer aux boulangers pour le bien commun.
Ces écrits ont une valeur importante aux yeux des conseillers, pourtant beaucoup d’habitants ne savent pas lire ; il semble de surcroît que tous ces placards soient en français. A qui s’adressent donc ces documents ? Il est probable que ce soit aux classes moyennes, celles qui sont les plus remuantes, composées d’artisans modestes qui savent lire et qui sont souvent à l’origine des contestations en ville. Un écrit institutionnel, utile et contrôlé se répand dans la ville.
Les notions de vérité et d’exactitude sont associées à l’écrit 886 , il est donc impératif de surveiller les productions des particuliers pour éviter les esclandres et la propagation des rumeurs. Cet aspect est pris en compte à partir des années 1480 : le pouvoir de ce qui est écrit implique de contrôler tout ce qui pourrait être diffusé sous cette forme dans la ville. C’est pourquoi le consulat impose d’être consulté chaque fois qu’un habitant entend écrire ou faire graver quoi que ce soit dans un lieu public. Ainsi Benoît Clavel doit venir faire une requête devant les conseillers pour qu’ils acceptent « de luy imputer licence et faculté de mectre par escript en une pierre qu’il vouldroit fere poser et assigner en la muraille dudit hospital, la fondacion par luy fecte de quatre messes qu’il veult estre dictes audit hospital chacun an perpétuellement » 887 . Cet épisode est anodin, mais d’autres habitants ont bien compris que l’écrit pouvait constituer une menace pour le pouvoir : en 1487, la banque de Néry Cappon, qui veut être remboursée des 6 000 livres empruntés par le consulat, menace de prendre les noms des cautions « et par escripteaulx les fere nommer par les carrefours de ladite ville » si rien ne lui est reversé rapidement 888 . Les prêteurs et cautions sont des conseillers, divulguer leur nom de la sorte serait une lourde atteinte à leur honneur, puisque le scandale pourrait se propager dans toute la ville et sortir du cadre feutré du consulat. Ce banquier l’a bien compris et sa menace est une manière de faire pression sur les conseillers et leurs amis notables.
Tout écrit d’un particulier doit obtenir l’aval de la municipalité pour exister légalement. Les conseillers ont peur de l’écrit non contrôlé dans la ville, qui pourrait se retourner contre la ville et contre eux. En 1489, la population s’agite à cause de mauvaises récoltes, le blé commence à manquer et des rumeurs se mettent à circuler en ville que « l’en avoit deffendu la traicte en Bourgogne, au Daulphiné, en Dombes desquelz lieux ladite ville avoit acoustumé estre pourvue. A cause de quoy et pour ce que l’en avoit dit que les aucuns de ladite avoient bléz en greniers » 889 . Selon les registres, ces bruits sont amplifiés pour la première fois par leur mise par écrit : il est rapporté aux conseillers qu’il « avoient esté diz plusieurs lengaiges mal sonnans fectes plusieurs murmuracion et telle que à la croix du pont de Saonne et en plusieurs autres lieux de ladite ville, avoient esté affigez et coullez occultement certains escripteaux par lesquelz estoient menassez les gens de la justice et conseillers de ladite ville » 890 . Même si le nombre de personnes sachant lire reste faible dans la population 891 , tous ceux qui ne maîtrisent pas la lecture attribuent à l’écrit un statut de vérité irréfutable, ce qui inquiète les conseillers.
Certains ex-conseillers ont parfaitement compris ce pouvoir de l’écrit et cherchent à l’utiliser à leurs propres fins. Ainsi en 1515, Jean Sala, ancien conseiller 892 , tente de s’approprier une tour des murailles de la ville 893 , qui se trouve au fond de son jardin : les conseillers rapportent que « combien que l’on eust mis les armes de ladite ville en icelle tour avec ung écripteau contenant Ceste tour est à la ville, néantmoing puis peu de temps en ça ledit Salla a mis en icelle tour ses armes et ung escripteau contenant telles parolles : Jehan Salla a faict faire ceste tour. Et pour ce que à l’advenir les armes et escripteau faict et mys par ledit Salla pourroit tourner à conséquence et ledit Salla ou les siens et successeurs en pourroit prétendre possessoirs. A ceste cause a esté ordonné que l’on face abbatre lesdites armes et escripteau dudit Salla » 894 . Cette tentative est une atteinte au pouvoir de la ville : les conseillers interviennent immédiatement, conscients que cette appropriation indue pourrait être légitimée par le temps si rien n’est fait. Les conseillers tentent de canaliser l’écrit, car pour garantir leur pouvoir, ils doivent toujours contrôler ce qui se dit dans la cité ou ce qui peut s’y écrire. Seul l’écrit institutionnel devrait être diffusé en ville. Le consulat est le seul lieu où l’on peut dire et écrire les choses sans crainte des conséquences puisque le secret des débats est garanti, même si les conseillers ont toujours l’inquiétude que des informations filtrent jusqu’à la population ou parviennent aux oreilles des autres pouvoirs.
Malgré cette surveillance, les années 1510 voient la multiplication de l’utilisation de l’affichage comme façon de régler des comptes dans la population. Il est difficile de mettre en rapport de façon certaine ces comportements avec le développement de l’imprimerie car dans tous les exemples que dénoncent les registres de la ville, il n’est jamais dit que ces écrits sont imprimés. Beaucoup de tensions semblent en effet exister entre les différentes communautés de marchands étrangers résidant à Lyon. En 1511, des menaces et des insultes sont placardées anonymement en ville contre certains marchands : « monsire le courrier de Lyon, Guillaume Guerrier a envoyé ung des placartz escriptz en grosses lectres parmy les carrefours de ceste ville, contenans telles paroles : Marraus, vuydez, vuydez, car si ne vuydez, le boys encherir ferez, et vous gardez de Tholose aprocher car si vous y allez, brulez serez ainsi qu’a esté de Molyna, docteur in medicina. Lesquelz placartz l’en ne scet qui les a faitz ne placquez, au moyen desquelz placatz plusieurs marchans de Montpellier et d’Espaigne fréquentans les foires dudit Lyon, combien qu’ilz ne soient marraux, néanmoingz car ilz sont du quartier d’Espaigne, le peuple présume que c’est contre eulx » 895 . Un problème similaire se produit en 1517 lorsque des marchands suisses se plaignent des Lucquois qui ont non seulement placardé des écrits diffamatoires mais qui y ont ajouté des dessins les représentant enchaînés en enfer 896 . Dans chacun de ces cas, le consulat réagit rapidement et avec inquiétude : les conseillers ont peur que les marchands étrangers ne prennent ombrage de ces attaques, quittent Lyon et ne fréquentent plus ses foires 897 . De plus l’honneur de la ville est en jeu : si Lyon a une mauvaise image auprès des étrangers, cette méfiance rejaillira sur la réputation des conseillers. L’écrit échappe donc au contrôle strict des conseillers.
La multiplication et donc la banalisation des écrits s’accompagnent d’une prise de conscience qu’ils peuvent devenir dangereux. La crainte principale des conseillers est que des particuliers obtiennent des documents contre la ville, utilisables lors de procès. Cette inquiétude est partagée par les consuls de nombreuses villes : en 1479 deux consuls de Saint-Symphorien leur demandent conseil au sujet d’un procès qu’ils ont avec deux de leurs administrés, les frères Charpin qui se prétendent anoblis. La multiplication des procès entre les communautés et certains habitants anoblis, souvent par l’achat de biens nobles ou par l’acquisition d’offices, est un souci récurrent. Il importe donc de décourager les prétendants aux exemptions d’impôts de se pourvoir en justice. Les conseillers lyonnais répondent de la façon suivante à leurs confrères :
‘« il leur sembloit que lesdits habitans de Saint-Symphorien préallablement devoient avoir tous les minutes de leur procès, si possible leur estoit, puis faire veoir ledit procès par troys ou quatre des plus fameulx et souffisants docteurs de cestedite ville, affin de veoir si à la conduicte dudit procès a eu aucune faulte et les points esquelz lesdits conseillers généraulx se sont arrestéz, pour puis advisé, par quelle voye l’en pourra obvier aux entreprises desdits Charpin. Et ce fait lesdits conseillers sont délibéréz si par lesdits docteurs est ainsi avisé de conforter, aider et conseillers lesdits suppliants en tout ce que possible leur sera et que faire pourront » 898 .’Il est nécessaire de faire appel à des spécialistes du droit pour lutter contre les demandes de certains habitants : les conseillers de Lyon connaissent les mêmes soucis avec des particuliers qui se disent nobles et exempts d’impôts. Leur suggestion montre aussi que c’est l’écrit qu’il faut attaquer, la forme avant le fond : les vices de procédure permettent d’annuler ou de faire traîner en longueur ce type de conflit 899 ; les particuliers se lasseront peut-être. Cette attitude, très moderne face à l’écrit juridique, est due certainement au fait que les conseillers sont pour beaucoup des juristes ou qu’ils ont eu à participer à de semblables affaires à Lyon. La maîtrise de l’écrit passe par la connaissance de ses failles : il est possible de le contrer en cherchant les erreurs dans sa rédaction pour le décrédibiliser. Mais cette méthode est à double tranchant, elle peut servir aux individus contre le consulat, d’où les soins apportés aux vérifications des documents consulaires : les conseillers travaillent à rendre leurs documents formellement parfaits pour éviter ce genre de problème. L’écrit devient un outil de puissance complexe, dont la maîtrise des règles de production asseoit le pouvoir de celui qui les possède. La professionnalisation du consulat, le recrutement de grands juristes sont donc indispensables pour assurer le pouvoir consulaire.
Nous avons déjà longuement évoqué la nécessité pour le consulat de réaliser des documents parfaits pour éviter toute contestation, et surtout de conserver précieusement ces preuves 900 . Or malgré le soin et l’attention manifestés par les consuls, ils doivent subir plusieurs déconvenues liées à leurs écrits. Certains tentent d’imiter en leur faveur des documents consulaires : en 1506 quelqu’un rédige faussement un laissez-passer au nom du maître des ports et du procureur de la ville, pour laisser sortir de nuit une personne de Lyon 901 .Pour la première fois, les registres nous apprennent qu’il est possible que des documents consulaires soient contrefaits. Les conseillers s’émeuvent de ces pratiques : est-ce à donc leur première déconvenue ? Impossible de trancher, peut-être que ce genre d’incident était autrefois étouffé. Il se trouve aussi en 1511 un fermier indélicat qui est accusé d’avoir rendu à la ville de faux comptes 902 : l’existence de faux documents est une atteinte à l’honneur du consulat et pourrait compromettre les conseillers, c’est pourquoi il est immédiatement destitué.
C’est surtout la crise de 1497 qui secoue les conseillers : des particuliers attaquent en effet le consulat devant le roi pour malversation, sous-entendant que les estimes sont truquées 903 . Tous les documents des impôts doivent être fournis en justice pour vérification ; c’est aussi le signe le plus net que les documents du consulat et les conseillers sont liés, attaquer la validité des uns c’est mettre en doute l’honneur des autres, les productions du consulat sont à son image, elles reflètent une partie de son identité. Or la possession jalouse des informations sur la ville est quasiment de l’ordre du réflexe conditionné : le trésorier de la ville, Jean de Bailleux, rejette la demande des envoyés du roi « pour ce qu’il avoit le serement à ladicte ville a différé baillier lesdits papiers sans le sceu et consentement d’icelle ville » 904 . Les conseillers font des difficultés pour montrer ces papiers comme par le passé, « car en faisant exhibicion desdits papiers, l’on manifestera la povreté ou la richesse de ladite ville, le dénombrement des feuz et habitans en icelle qui pourroit estre cause au temps à venir de facillement et plus hardiment assaillir ou piller ladite ville et pourroit l’on congoistre par ce moyen et savoir les povretez ou les richesses dont plusieurs inconvéniens s’en pourroient ensuivre » 905 . Mais comme précédemment, par crainte du courroux royal, ils cèdent et montrent les documents, non sans avoir assorti cet accord de conditions restrictives : tout doit se passer sous les yeux des conseillers et des notables de la ville, à l’hôtel commun, les papiers ne peuvent en aucun cas sortir de leur sanctuaire 906 .
Mais ce qui fait aussi céder les conseillers est la défense de leur honneur : ne pas donner ces documents c’est risquer de donner corps à l’idée qu’ils avaient commis « quelque faulte, dont souppeçon perpétuel leur en demourroit, laquelle chose ilz ne devoient vouloir pour tout l’or du monde » 907 . L’honneur dont il s’agit n’est pas celui du consulat, mais bien celui individuel de chacun des conseillers. L’affaire est tellement grave qu’on s’inquiète de pouvoir trouver des candidats au poste de conseillers les années à venir : être submergé de travail ne rebute pas les gens, en revanche risquer son honneur est impensable 908 . C’est la seule fois où ces conséquences néfastes pour l’institution consulaire sont évoquées. Les conseillers acceptent l’enquête des envoyés royaux non pas pour le bien commun de la ville, mais d’abord pour laver leur honneur : d’ailleurs dans les paragraphes rapportant ces évènements, le couple vérité-mensonge n’existe que pour appuyer celui d’honneur-deshonneur… 909 Les envoyés du roi blanchissent les conseillers : ils « avoient veu et visitez iceulx papiers que l’on avoit à entendre au Roy que les conseillers avoient beaucoup plus imposé de deniers qu’ilz ne devoient pour l’emprumctz environ quarante mille francs. Et qu’ilz desroboyent le menu peuple, laquelle chose ne feust, s’est trouvé ains le contraire qu’ilz ont bien et honnestement gouverner et qu’ilz n’y ont trouvé aulcune faulte sinon par adventure qu’il y peut avoir quelque inéqualité, laquelle chose ilz ne pourront et ne sauront obvier pour ce qu’ilz ne cognoissent au vray les faultes de habitans » 910 . Cet épisode marque fortement le consulat, puisqu’en 1509 il y est fait référence pour justifier un contrôle strict des comptes de la ville 911 .
Les registres de la ville soulignent combien les conseillers ont un rapport passionnel avec l’écrit. La conservation de la mémoire urbaine et de leur rôle, en tant qu’acteurs de la vie politique lyonnaise, conduit les consuls à se donner de plus en plus de mal pour garder et classer les archives de la ville. Pourtant il faut attendre le milieu du XVIe siècle pour qu’une histoire de Lyon soit rédigée, suivie par d’autres, à la gloire de l’institution consulaire 912 . La prise de conscience tout au long du XVe siècle du caractère indispensable des archives consulaires est certainement à l’origine de ces œuvres historiques. Leur réalisation, qui peut sembler tardive en comparaison de ce qui se passe dans les cités marchandes italiennes ou allemandes à la fin du moyen-âge, est rendue possible par cette évolution capitale des mentalités.
L’autre aspect essentiel du rapport qu’entretiennent les conseillers avec les écrits consulaires est lié à leur volonté de réaliser des documents parfaits, reflétant la perfection morale et professionnelle des membres de l’institution. L’épisode de 1497 est emblématique : les détracteurs des conseillers cherchent en vain le miroir de leurs turpitudes dans leurs nommées. Mais la victoire du consulat n’est que temporaire : la querelle très grave qui éclate en 1515 entre les conseillers et une partie de la population reprend ce même type d’accusations 913 .
Personnes nommées pour la garde des portes « selon les pataffles miz esdites portes », 1508, BB25 f250 (on remarquera l’emploi un peu surprenant du terme de « pataffle » dans ce contexte, puisqu’il désigne habituellement un tarif affiché sur la place publique) ; en temps de peste « a esté faict ung tableau qui sera leu et monstré à ceulx qui vouldront entrer en ladicte ville » par les gardes des portes, 1519, BB37 f294.
« … pour l’hospital de saint Eloy, l’on y face ung escripteau pour remonstrer qu’il y a hospital pour les pouvres », 1500, BB24 f228v.
C’est d’ailleurs le seul exemple pour la période antérieure à 1490 dans les registres : le secrétaire évoque en 1421 à propos de la détermination des droits d’entrées « certaines autres marchandises contenues és cédules affixés és portes de ladite ville », RCL1 p.314. Ces feuilles volantes sont communément utilisées dans les villes (plus encore à partir du moment où se diffuse l’imprimerie) : il en existe de toutes sortes, faire-parts, affiches, gravures, prospectus, placards… Affichés dans les tavernes (comme le montre les tableaux de Bruegel), sur les portes des églises (cf. les thèses de Luther à Wittenberg), où sur les piliers des halles des marchés, ils familiarisent la population à l’écrit. Pour plus de précisions voir N. Petit, L’éphémère, l’occasionnel et le non-livre (XV e -XVIII e siècle), Klinksieck, Paris, 1997.
Certains refusent de payer l’impôt, donc la levée traîne : « ont lesdits conseillers arresté que l’en fera seeler les portes des boutiques des reffusans ou délaians paier. Et que l’on y mectre peninceaulx en signiffiant ledit seel tant es propriétaires que es inquilins [= locataires] desdites maisons », 1494, BB22 f18.
« De la requeste faicte par les boullengiers tendant affin de fere essay de la cuysson du pain, pour ce qu’ilz dient que l’essay dernier fait selon le tableau estant en l’ostel commun n’a pas esté bien carcullé ains est excessif à leur préjudice », 1497, BB24 f132 ; cuisson du pain « à XVIII blans le bichet et selon le tableau estant en l’ostel commun », 1507, BB25 f156v.
On met tout en œuvre pour que la véracité d’un document soit incontestable. Dès que l’on fait un double on prend soin de certifier qu’il est réalisé d’après l’original : « ont esté d’oppinion que le procureur de ladite ville leur demande le double d’icelles leurs lectres, collacionné aux originaulx pour y mieulx et plus seurement délibérer soit en voye amiable ou en voye de justice », 1470, BB15 f112.
1488, BB19 f78v. Autre exemple : en 1496, Guillaume Darien « a fait requeste à mesdits sires les conseillers contenant que quelque homme de bien, qu’il n’a voullu nommer, ayant sa dévocion à monseigneur saint Gilles, vouldroit mectre une ymaige à l’onneur de Dieu et révérance dudit saint en certaine place qu’il estre propice au devant la chapelle saint-Nicolas à la porte de pont du Rosne » ; les conseillers donnent leur accord mais à condition qu’il « n’y mecte point ses armes ne escripture sans leur licence et congié », 1496, BB24 f24.
1487, BB19 f163.
1489, BB19 f138v.
1489, BB19 f138v.
Pour faire connaître une décision, il faut toujours faire une criée : « faire publier et interiner les lectres royaulx devant la cour du roy en ceste ville. Et samedy les faire publier par les carreffours de ladite ville à son de trompte et voix de crie affin que personne n’en puist prétendre cause d’ignorance », 1506, BB25 f38v.
Il a été élu en 1507-1508.
Entre saint-Paul et saint-Just.
1510, BB28 f184v.
1511, BB28 f323.
« Touchant les patafles qui a esté plaige par les Luquoys en ceste ville contre les Suysses et ont mys et adjousté au pié et oultre la signature, ung enfert avec certains Suysses enchaintz qui est chose inacoustumée et que jamays n’a esté fait en ceste ville et pourroit irriter lesdits Suysses sans cause contre la ville, a esté ordonné le remonstrer audits Luquoys à ce qu’ilz ostent ledit enfert et diable autrement que l’en les fera appeler en justice », 1517, BB37 f61.
Les conseillers « ont demandé que l’en saiche qui c’est qui a fait et mis lesdits placartz affin que pugnicion en soit fecte, aultrement seroit donner occasion ausdits marchans estrangiers mesmement d’Espaigne et de quartier du Pays Bas absenter ladite ville. Surquoy a esté ordonné s’enquérir secrètement et par informacion de ceulx qui ont mis lesdit placartz affin d’en faire pugnicion comme de raison », 1511, BB28 f323.
1479, BB351, cahier 1, f15.
Cette pratique est communément utilisée : dans son ouvrage Les origines médiévales du contentieux administratif (XIV e -XV e siècles), K. Weidenfeld consacre la première partie de son chapitre sur « Les moyens d’invalidation des actes » aux vices de procédure (p.48-57) et donne de nombreux exemples de leur utilisation à cette époque. Ainsi en 1479 Louis XI présente au Parlement une ordonnance sur la draperie : les parlementaires profitent d’un défaut de forme pour substituer leur propre appréciation à celle du souverain législateur. Les origines médiévales du contentieux administratif (XIV e -XV e siècles), Romanité et modernité du droit, De Boccard, Paris, 2001, p.81.
La conservation des écrits dans les villes italiennes est aussi d’abord dans un but de protection : les municipalités conservent des preuves pour parer à toute attaque en justice. Voir l’article de T. Behrmann, « Pragamatic literacy in the Lombard City Communes », dans Pragmatic Literacy, East and West, 1200-1300, édité par R. Britnell, Woodbridge, 1997, p.25-41.
« Mesdits sires les conseillers ont esté advertiz que dimenche dernier passé, entre X et XI heures demy, le maistre des portz escripvit et signa unes lectres adressées au commis ayant la garde des clefz des portes de la ville au pont du Rosne, dont la teneur est telle : Monseigneur le portier, laisse passer le présent porteur qui s’en va pour les afferes du roy. Escript à Lyon le VIII e de février. Secondin Viel. Et unes autres lectres dont la teneur est telle : Garde des clefz au pont du Rosne, laissez passer le présent porteur, lequel s’en va pour les afferes du roy et à celle ne faictes point de reffus, ainsi signé Garbot. (…) Et après la vision d’icelle lectres maistre Denys Garbot, procureur général de ladite ville a desavoyé les lectres signées de son nom, lesquelles ont esté et sont faulces et contrefaictes, entendant pour ce pugnition en estre fecte. Et après a esté ledit maistre des portes mandé et est venu, lequel a recogneu avoir escript et signé les lectres signées et son nom cy devant inserrés. Et au regard des autres signées du nom de Garbot a dit qu’il ne les veist jamais », 1506, BB24 f535.
Jean Guérin « a renduz faulx compte et baillé en reste grant quantité de nommez esdits restes qui luy avoient payéz comme appert par plusieurs de ses quictances, signées de sa main et de son commis. (…) Veu qu’il a malversé en ladite charge de recepte », il est destitué, 1511, BB28 f282v.
Une attaque d’un même genre avait touché le consulat en 1449, mais elle émanait de deux frères en procès avec la ville pour le calcul de leur impôt, et n’avait pas eu de conséquence : « pour ce que ledit Hugonin Tardu, en plédeant, proposa que les quernés desdites taillies, produiz par la partie desdis conseilliers, estoient faulx et qu’il les vouloit impugner de faulx, qu’il soit mis en délibération de conseil et que, s’il se treuve avoir injurié aucunement par ledit pléder le corps de ladite ville, qu’il en soit pugny par bonne justice », 1449, RCL2 p.613.
1497, BB24 f74.
1497, BB24 f75v. Cette crainte est aussi partagée par les notables qui optent pour le même style hyperbolique pour imaginer les conséquences qu’une telle présentation des estimes induirait : ils disent que « tant qu’il touche de bailler les papiers et chartreaulx des XVIII deniers, ilz ne les doivent point bailler ne monstrer pour le dangier qui en pourroit advenir. Car par ce moyen la puissance ou povreté et le dénombrement des habitans de ceste ville se pourroit clairement et promptement savoir tant par les ennemys du roy nostre sire que par autres, par quoy iceulx notables et maistres des mestiers ont deffendu et deffendent esdits conseillers de non bailler lesdits papiers », 1497, BB24 f77v.
« Touteffois pour non irriter le roy, s’il vouloit que lesdits papiers feussent veuz, l’on luy doit supplier qu’il les face veoir céans hostel commun de ladite ville sans les transportez ailleurs et sans en retenir ne faire aucun double », 1497, BB24 f78.
1497, BB24 f79.
« Pareillement que en usant de tels commissions l’on travailleroit ceulx qui devroient estre soulagez c’est assavoir lesdits conseillers qui ont toute la peine et le soing des affaires commis et quant en lieu de remunéracion ilz auroient vexacion, l’on ne trouveroit personne qui voulsist prendre ne accepter la charge du consulat qui seroit moyen de mectre ladite ville en désordre et toutalle perdicion », 1497, BB24 f75v.
« Mesdits sires les conseillers se doivent justiffier pour leur honneur et descharge et pour monstrer que les inventeurs de ceste matière sont faulx et desloyaulx au Roy », 1497, BB24 f77v ; « ceste matière touche leur honneur ou deshoneur dont ils se veullent justiffier et monstrer que faulcement ilz ont esté accusez par quoy sont délibérez y procéder par bon conseil au moins mal qu’il pourront (….) pour leur descharge et pour oster toute souppeçon », 1497, BB24 f80 ; « ce sera à l’onneur et louange desdits conseillers s’il est trouvé qu’il n’y ait faulte et au vitupère, deshonneur, infamye et opprobe des accusateurs et inventeurs de ceste matière », 1497, BB24 f80v.
1497, BB24 f91v.
« Il sera bon de commectre ung contrerolle ordinaire tant que durera l’oeuvre du pont et autres réparations de la ville, qui fera papier de contrerolle et sera tenu assister à tous acquestz tant de pierre, chaulx, mortier, boys et autres matières que s’achaptera pour ladite réparation de ville et escripra audit papier les receptes et les fraiz qui se font et feront pour oster toute suspection et aussi pour obvier es inconvéniens et danger qui pourroient advenir s’il advenoit que le roy commist quelque commissaire à veoir les comptes de ladite ville comme autreffois a esté fait et qu’on ne puisse prétendre cause de suspection », 1509, BB28 f86.
Les Mémoires de l’histoire de Lyon, de G. Paradin de Cuyseaulx, datant de 1573, furent dédiées aux « nobles, honorables et très vertueux seigneurs, messieurs les consulz, échevins, syndicz et notables citoyens du Consulat de la cité de Lyon », et leur auteur a pour unique mérite, selon A. Kleinclausz, d’avoir été un précurseur (Histoire de Lyon, op. cit., Introduction : p. VI.). L’Histoire véritable de la ville de Lyon, de Cl. De Rubys reconnaissait l’insuffisance de l’ouvrage de Paradin et promettait de « purger l’histoire de Lyon d’une infinité d’absurdités et mensonges, de ceux qui en ont escript avant lui » : Rubys s’est un peu vanté sauf pour ce qui concerne l’histoire municipale, qu’il connaissait bien pour avoir été procureur général de la ville de 1565 à 1595. Voir aussi à ce sujet F.Z. Collombet, Etudes sur les historiens du Lyonnais, Genève, 1969.
Nous verrons ce conflit très complexe en détail dans le dernier chapitre de la troisième partie.