Les registres de la ville révèlent comment les conseillers et le secrétaire créent la mémoire consulaire, en cherchant à définir une norme englobant ce qui doit être considéré comme archive et comment les productions écrites de l’institution doivent être pensées et réalisées. Les registres consulaires, écrits par le secrétaire, réalisés selon les règles définies par les conseillers sont le témoignage de ce que les élites lyonnaises jugent digne de figurer par écrit, et de la façon dont se constitue leur mémoire. Les conclusions qui ont été apportées rejoignent celles de P. Geary dans son ouvrage, La mémoire et l’oubli à la fin du premier millénaire 914 . Les supports de conservation de la mémoire, le choix des choses à se remémorer et les modalités de la remémoration sont des éléments clé pour comprendre quelle image les consuls lyonnais cherchent à renvoyer. La mémoire de son passé est pour chaque institution la clef de sa capacité à répondre aux défis du présent ; sa perte est le pire des dangers. Cette approche pose les premiers jalons pour l’analyse de ce que peut être la mémoire collective de ce groupe : lien entre le présent et le passé, elle est sélective car elle ne garde que ce qui intéresse l’identité collective, c’est-à-dire ce qui favorise la solidarité et la mobilisation du groupe 915 . Le second thème que nous allons aborder s’inscrit dans cette dialectique : il n’existe pas de souvenir gratuit, toute mémoire poursuit un ou des buts précis (identitaire, moral, « publicitaire », …) qu’il convient de démasquer. Dans le cas des consuls lyonnais, c’est la définition de leur identité qui est au cœur de ces documents. Quel idéal prend-elle pour modèle ? Comment se construit-elle ?
P.J. Geary, La mémoire et l’oubli à la fin du premier millénaire, Aubier, Paris, 1996. Se rendre maître de la mémoire et de l’oubli est une des grandes préoccupations des groupes qui dominent les sociétés. Les oublis, les silences de l’histoire sont révélateurs de ces mécanismes de manipulation de la mémoire collective. Voir aussi J. Le Goff, Histoire et mémoire, Gallimard, Paris, 1977, réédition 1988.
M. Halbwachs, La mémoire collective, Paris, PUF, 1950, réédition Paris, Albin Michel, 1997.