Dans son étude sur les conseillers de Francfort-sur-le-Main, P. Monnet a montré comment le cercle dirigeant crée son identité et renvoie l’image d’un groupe habilité à gouverner. La richesse, le mariage sont des conditions pour appartenir à l’élite, mais ne constituent pas le sésame pour accéder à ce groupe. Les règles spécifiques à respecter ne sont pas tant conçues pour se différencier des autres couches sociales de la ville, que pour prouver sa capacité à intégrer l’élite en maîtrisant ses règles. Ce sont « des procédés de vérification sociale et pas seulement de concurrence sociale (…). En plus de la domination politique, sociale et économique, le pouvoir culturel compose le dernier élément de la supériorité. La maîtrise des représentations et de leurs codes, la manière de les écrire et de les mettre en scène contribue à consolider l’échelle de domination » 920 .
Appartenir à l’élite politique de Lyon, devenir conseiller, obtenir et conserver le pouvoir impliquent de connaître les règles qui régissent le fonctionnement du groupe dirigeant. Comment les conseillers lyonnais définissent-ils donc ce que doit être un consul et un consulat parfaits ? Quelle image veulent-ils renvoyer d’eux et de leur pouvoir ? Mais il ne suffit pas de définir un modèle idéal pour qu’il existe, il faut aussi se donner les moyens de le diffuser et de le pérenniser. Nous avons vu précédemment que la rédaction des délibérations consulaires n’obéit pas seulement à un objectif de mémoire, mais aussi à un désir de servir le pouvoir municipal. Comment les registres aident-ils les conseillers dans cette construction de leur image ? Enfin, l’élaboration et le respect de ce modèle s’adressent nécessairement à un tiers : comment les conseillers et l’institution consulaire sont-ils perçus dans la cité après tous ces efforts ?
P. Monnet, « Elites dirigeantes et distinction sociale à Francfort-sur-le-Main (XIVe-XVe siècles) », Francia, 27 (2000), p.117-162.