a) Rôle politique et liens entre les conseillers.

La carrière des conseillers lyonnais, c’est-à-dire le nombre de mandats qu’ils ont occupés, nous donne une première indication sur leur rôle dans la vie politique lyonnaise.

Les mandats des conseillers.
Nombre de mandats 1 2 3 4 5 6 7 979 8 980 9 981 11 982 14 983
Proportion de conseillers (%) 44 18 11 7,5 9 4,5 1,5 1,5 1,5 0,5 1

44% des conseillers n’exercent qu’un mandat : pour ces individus, la charge consulaire est une récompense, ils l’obtiennent en vertu de leurs mérites, de leur prestige ou des services qu’ils ont rendus à la ville 984 . Ces conseillers ne sont pas ceux qui font la politique de la ville, ce sont ceux qui suivent les avis des « habitués de la chose publique ». 29 % des conseillers sont élus deux ou trois fois : leur rôle politique les intéresse et ils sont reconnus aptes à l’exercer par les maîtres des métiers qui leur renouvellent leur confiance. 27% des conseillers qui sont élus au moins 4 fois tiennent réellement le consulat et lui insufflent véritablement un esprit : ils dominent la vie politique de leur époque. On a des cas exceptionnels comme ceux de Mathieu Audebert, Pierre Brunier et Etienne Guerrier qui sont réélus 14 fois 985 , mais 21% des conseillers sont tout de même élus entre 4 et 6 fois.

Pour mieux cerner le poids de certains conseillers, il convient de les considérer non en tant qu’individu isolé, mais comme membre d’une famille consulaire : en effet beaucoup d’entre eux sont issus de quelques familles lyonnaises bien connues, qui sont au pouvoir à Lyon parfois depuis la fondation de la commune au XIVe siècle. Nous avons considéré que l’on pouvait parler d’une famille consulaire à partir du moment où deux membres de cette famille étaient élus pendant notre période, nous avons ainsi repéré 66 familles consulaires. Ces familles consulaires occupent 561 des 830 mandats de conseillers existant entre 1417 et 1519, c’est-à-dire 68% des mandats : ces dynasties dominent donc la vie politique lyonnaise.

Mandats consulaires et dynasties familiales.
Mandats cumulés au consulat Nombre de familles Noms des familles
2 4
Girardin, Gaudin, Martin, Durche
3 4
Bames, Cuchermoys, Giraud, Sève
4 4
Grollier, Faye, Beaujeu, Poculot
5 6
Du Peyrat, Fenoyl, Grant, Le Viste, Payan, Du Pra
6 6
Panoillat, Paterin, Pompierre, Greysieu, Guérin, Benoit
7 6
Buclet, Dublet, le Charron, Varinier, Bullioud, Sala
8 2
Buyer, Porte
9 5
Bellièvre, la Faye, Loup, Saint-Barthélemy, Taillemond
10 7
Chevrier, Garnier, Gontier, Rochefort, Rousselet, Le Maistre Fornier
11 3
Palmier, Chaponay, Thomassin
12 1
Dodieu
13 1
Laurencin
15 2
Audebert, Caille
16 2
Syvrieu, Villenove
18 1
Tourvéon
20 1
Villars
21 2
Baronnat, Guerrier
23 2
Buatier, de Nièvre
40 1
Varey

Plusieurs catégories de familles se dessinent : 24 familles cumulent entre 2 et 5 mandats ; 19 familles entre 6 et 9 mandats et 23 familles 10 mandats ou plus 986 . La première catégorie de famille occupe occasionnellement un poste de conseiller, il s’agit généralement successivement du père et du ou des fils, la charge consulaire est pour eux une récompense de leurs mérites et constitue pour leurs descendants une marque de reconnaissance sociale. Leur famille est distinguée parmi les notables de la ville, mais ils n’exercent qu’une influence discrète sur le pouvoir puisque chacun des membres distingués n’occupe qu’une ou deux fois la charge consulaire 987 .

Les familles qui exercent entre 6 et 9 mandats se divisent en deux groupes : une majorité, comme précédemment, apprécie l’honneur et la distinction d’avoir des conseillers, mais ne joue qu’un petit rôle politique du fait du faible nombre de mandats dévolu à chacun de ses membres (1 ou 2 par individu), qui est cependant en partie compensé par le nombre de ses représentants régulièrement élus (entre 3 et 5) 988 . Les autres familles de ce groupe ont une vision différente de la charge consulaire : leurs membres jouent personnellement un rôle politique important en étant élus fréquemment (4 fois et plus) 989 .

Quelques familles dominent véritablement le consulat lyonnais, ce sont celles qui exercent 10 mandats et plus. Pour mettre en lumière leur emprise sur le pouvoir lyonnais, nous avons réalisé un tableau faisant apparaître la répartition des mandats obtenus par chaque famille, par tranche de 10 années 990 . Ces familles ont été classées par ordre décroissant de nombre de mandats exercés. Nous avons aussi indiqué le nombre d’années passées au pouvoir que cela représente, puisqu’à partir de 1447, les conseillers ne sont plus élus pour un an, mais pour deux : le nombre de mandats ne reflète donc pas le temps passé au consulat.

Les mandats des familles lyonnaises accédant plus de 9 fois au consulat .
  1417 1420 1430 1440 1450 1460 1470 1480 1490 1500 1510 Nombre de mandats cumulés Nombre d’années de présence au consulat
Varey 2 10 13 6 2 3 1     1 2 40 49
Buatier   3 3 3 2 2 2 2 3 2 1 23 37
Nièvre 4 13 6                 23 23
Baronnat     4 3 1 1 2 7 2   1 21 34
Guerrier 1 4 3 4 1 1 1 3 2 1   21 30
Villars     2 3 4 3 2 1 2 1 2 20 38
Tourvéon 1   2 3 2 2 1 1 3 1 2 18 30
Syvrieu 2 3 6 2 1 2           16 20
Villenove 1 2 7 2 4             16 19
Caille 2 4   1 2 2 2 1 1     15 24
Audebert 1 3 3 4 2 1     1     15 20
Laurencin             2 2 3 2 4 13 26
Dodieu 2 1 2 2 2 1 1     1   12 17
Thomassin       1 2 1   3   1 3 11 19
Chaponay 2 2 3     2 1     1   11 14
Palmier   4 3       1   3     11 14
Le Maistre             2 3 2 2 1 10 20
Roussellet           2 2 3 3     10 20
Rochefort           1 2 1 3 1 2 10 18
Fornier   1 1   1 2 1 2     2 10 17
Garnier     1 1 1   1 3 1 2   10 17
Chevrier 3 4   2 1             10 11
Gontier 1 3 3 3               10 10

La situation lyonnaise n’a rien d’exceptionnel : dans les villes d’Italie « les grandes familles détiennent l’essentiel du pouvoir et monopolisent une grande part des charges publiques. Ainsi à Padoue où, à partir de 1420, 149 familles seulement voyaient leurs membres élus aux diverses magistratures et où 42 d’entre elles seulement obtenaient la moitié de ces offices. Ainsi à Vérone où, en 1495 encore, le Conseil comptait 140 citoyens pris parmi 79 familles et où 23 de ces lignages occupaient le tiers des postes » 992 .

Les Varey, les Buatier, les Baronnat, les Guerrier, les Villars et les Tourvéon ont des membres de leurs familles élus en continuité pendant presque toutes les décennies du XVe siècle. Non seulement leurs membres cumulent personnellement de nombreux mandats de conseillers, mais en plus ils sont nombreux à exercer une fonction de conseiller. Ainsi les Guerrier ont 3 membres élus des années 1410 à 1500 ; les Tourvéon, 5 membres élus des années 1410 à 1510 ; les Buatier, 5 membres élus des années 1420 à 1510 ; les Baronnat, 8 membres élus des années 1430 à 1510. La famille des Varey qui cumule de loin le plus grand nombre de mandats et de représentants au consulat (12) est présente des années 1410 aux années 1510, mais avec une éclipse durant la période 1480-1490. La domination des ces familles au sein du consulat se lit aussi dans le nombre d’années passées au pouvoir : toutes les familles citées plus haut sont là au moins lors du tiers des 103 années comprises entre 1417 et 1519, la palme revenant aux Varey qui sont présents lors de 49 années.

Outre ces familles qui tiennent véritablement le consulat, ce tableau permet de repérer deux autres cas de figures. D’abord des familles dont les membres apparaissent régulièrement au pouvoir tout au long du siècle, mais qui connaissent des décennies sans élus : c’est le cas pour de nombreuses familles qui obtiennent entre 10 et 15 mandats comme les Garnier, les Fourniers, les Palmiers et les Thomassin. Leur emprise sur le consulat est un peu moins manifeste que celle des familles citées précédemment. Enfin il y a certaines familles dont le pouvoir s’éteint au cours du siècle, ou au contraire naît petit à petit (nous les avons volontairement fait apparaître en gras dans le tableau). Les Nièvre, les Villeneuve et les Syvrieu dominent la vie politique de la première moitié du XVe siècle, puis s’effacent, soit par faute de descendants, c’est le cas des Nièvre et des Syvrieu, soit pour cause de changement de vie : ainsi les Villeneuve sont anoblis et sont donc exclus de ces activités politiques, puisque l’aristocratie n’a pas le droit de siéger au conseil de la ville. A contrario, d’autres comme les Laurencin, les Rochefort ou les Le Maistre entrent au consulat dans la seconde moitié du XVe siècle pour y jouer un rôle croissant. On notera aussi qu’aucune nouvelle famille amenée à occuper régulièrement le pouvoir n’apparaît après les années 1470 : non seulement quelques familles dominent le consulat, mais en plus à partir de la fin du XVe siècle, son recrutement se ferme manifestement, garantissant de fait la pérennité de cette domination 993 .

Le consulat peut donc être considéré comme une structure pyramidale, avec à sa base des conseillers qui ne font que passer, au centre des élus attentifs à la vie politique de leur ville et au sommet quelques familles dont les membres dirigent la ville pendant toute la période. Le népotisme est constitutif du pouvoir consulaire 994  : si différents membres d’une famille ne sont pas élus la même année, comme le spécifient les règles des élections, il n’en demeure pas moins que de consulat en consulat, les mêmes familles occupent les postes des conseillers.

Cependant, cette étude ne donne qu’une vision a minima de l’influence de ces familles, puisqu’elle est basée sur la patronymie et qu’elle ne tient pas compte des alliances entre familles. Nous avons donc recherché les alliances matrimoniales unissant les conseillers lyonnais. Or, les informations sur la vie privée de ces consuls sont rares : peu de leurs testaments ont été conservés et presque aucune charte de mariage ne nous est parvenue pour la période 995 .

En l’état des connaissances que nous avons pu réunir 996 , l’image générale qui se dégage tend cependant à renforcer les conclusions que nous avons pu tirer auparavant. Pour 60% des familles consulaires 997 , seulement une ou deux alliances matrimoniales avec d’autres familles consulaires ont pu être retrouvées. En revanche, pour 16 familles (soit 24%) plus de cinq alliances avec d’autres membres du consulat ont pu être établies. 11 de ces familles 998 font partie de celles cumulant plus de 9 mandats consulaires. Le prestige social, la richesse et la puissance de ces familles conduisent logiquement leurs membres à une forte endogamie 999  : ainsi les Buatier sont liés par mariage aux Baronnat, aux Thomassin, aux Buyer, aux Laurencin et aux Guerrier ; les Guerrier et les Thomassin sont aussi unis ; quant aux Laurencin et aux Thomassin, ils comptent chacun une union avec les Villars, qui eux-mêmes sont unis aux Chevrier, tout comme les Baronnat 1000 … Le pouvoir est donc non seulement aux mains d’un petit groupe de familles, mais en plus, ces dernières sont liées les unes aux autres par mariage. Ajoutons que la concentration des principales familles consulaires dans quelques rues particulières accroît indéniablement les solidarités de groupes qui existent entre elles 1001 . Quelques quartiers (la rue du Palais, le Change, saint-Nizier, la rue Mercière, la Graneterie,...) concentrent l’essentiel des fortunes bourgeoises : il est de bon ton d’avoir sa maison dans les quartiers d’affaires pour des raisons pratiques, mais surtout comme témoignage d’un réel prestige social 1002 .

Des liens très intimes unissent donc souvent les conseillers en place : ces réseaux de famille et d’amitié 1003 renforcent la domination de quelques uns. Mais les conseillers s’efforcent autant que possible de ne pas trop afficher ces liens ; ils essaient toujours de mettre en avant leur volonté de bien séparer sphère professionnelle et sphère privée, même si les démonstrations qu’ils donnent sont un peu artificielles, et surtout destinées à la population. Ainsi en 1469, lorsque Pierre de Villars demande qu’on accepte les travaux qu’il entend faire à un bâtiment qu’il possède devant la boucherie de la ville, tous les conseillers délibèrent sur le sujet, « excepté lesdits Chapponay et Michelet du Lart lesqueulx estoient yssuz avec le dessus nommé Pierre de Villars dudit conseil pour non oppiner en ceste matière » 1004 . Ce départ ostensible, noté avec soin, est là pour démontrer le désir de prendre des décisions en toute indépendance d’esprit : en effet Pierre de Villars est le beau-père de Philibert de Chaponay, et s’il n’a pas de liens familiaux avec Michelet Dulart, il est certainement lié amicalement avec lui puisqu’ils ont siégé ensemble lors de plusieurs consulats, notamment en 1456 et 1460. Partager le pouvoir consulaire crée des liens : lorsqu’en 1483, Pierre de Villars se retrouve au cœur d’une tentative d’enlèvement fomentée par des officiers royaux, il vient porter plainte au consulat « accompagnié de honnestes personnes Michelet Dulart, Jehan du Perat et Jehan Rosselet, aussi marchands citoyens dudit Lion, ses pairs et amys » 1005 . Les liens entre les familles apparaissent ici : ces hommes sont de la même génération et du même monde, tous plusieurs fois conseillers et parfois les mêmes années 1006 , avec des liens d’amitié revendiqués. En arrivant si bien entouré, Pierre de Villars opère une démonstration de force, c’est une mise en scène et une preuve de son prestige pour obliger la ville à réagir. Autre cas significatif, toujours en 1483, un scandale touche la famille Chevrier : le corps de feu André Chevrier devait être enterré au couvent des Jacobins « avecque ses prédécesseurs, néanmoins lesdits de Saint-Nizier l’avoient osté esdits religieux et violentement ravy et inhumainement pourté en ladite esglise de Saint-Nizier où ilz l’avoient enterré » 1007 . Immédiatement survient au consulat pour se plaindre « Claude frère dudit feu André Chevrier et substitueur es biens et héritaiges de leur feu père, accompaignié de messire Claude Vandel, docteur en loys, monseigneur le grand prieur de l’Isle [Barbe] et sire Pierre de Villeneusve, ses parents et alliéz, lesquels en complaigant leur a dit et exposé par la voix dudit messire Vandel, l’oultraige dessusditz, aut grant vitupère, derrision et deshonneurs de luy et de tous ses parents et amys, aussi de toute la ville, de laquelle lesdits parents et amys et leurs prédécesseurs ont esté bourgoys et citoyens de grande ancienneté, requérant pour ce esdits conseillers sur ce conseil, confort et aide, pour et affin fere réparer ledit oultraige » 1008 . Le secrétaire n’hésite pas à parler de « parents et alliéz » : en effet Pierre de Villeneuve est le petit-fils d’André Chevrier 1009  ; on ignore par contre quels liens unissent la famille Chevrier et les Vandel. L’affaire fait grand bruit au sein du consulat, non seulement à cause de son caractère extrêmement choquant, mais aussi parce qu’André Chevrier était un ancien conseiller, issu d’une famille consulaire 1010 très riche qui prête souvent de l’argent à la ville : l’affaire de son inhumation touche donc les conseillers 1011 .

Les liens entre conseillers se révèlent parfois très utiles pour convaincre certains d’entre eux d’accepter une mission : ainsi pour que Palmier et Varinier s’engagent à aller voir le roi et pour que leurs gages soient négociés, on insiste pour « que de ce leur soit parlé par les conseillers leurs plus familliers et arresté avec eulx » 1012 . C’est Jean Roussellet pour Palmier et Robinet Dupré pour Varinier qui s’en chargent. Les réseaux d’amitié sont mis à contribution pour servir les intérêts du consulat. Il arrive aussi que certaines décisions montrent surtout la collusion familiale qui existe entre les conseillers : leur endogamie fait que le groupe a des comportements et des réflexes, qui sont parfois au service de ses intérêts personnels. Ainsi lorsqu’en 1450 Pierre Fournier et André Chevrier font une requête pour récupérer les biens de feu Jean Paterin, volés lors de la Rebeyne de 1436, ils agissent non pas en redresseurs de torts ou en notables soucieux des intérêts d’un membre de leur groupe, mais uniquement parce que Paterin s’avère être leur beau-père 1013 . Le népotisme apparaît rarement, soit parce que le secrétaire le censure, soit parce que l’on prend soin de ne pas le laisser paraître, mais il arrive cependant que celui-ci affleure, comme lorsque Rolin Guérin, receveur de la ville, annonce aux conseillers en 1457 qu’il « ne povoit bonnement et ne entièrement vacquer à recevoir les deniers desdites taillies que pour ceste cause il avoit et a donné charge à Jaquemet Garin, son cosin de recevoir la taille » 1014 . On peut aussi se poser la question de la légalité de l’attribution des fermes du barrage et du Xème du vin en 1488, lorsque le consulat décide qu’elles soient « bailléz audit hostel commun sans icelles fere crier ne bailler à la chandoille pour obvier qu’elle demeurent entre mains de gens faisant bruit et noyse et traictant mal les gens et privéz et estrangiers comme ont fait ceste années passée » 1015  : ne serait-ce pas pour favoriser certains de leurs amis ? Mais la règle implicite du consulat semble qu’il ne faille pas trop afficher ses amitiés et ses liens familiaux : aux yeux des autres conseillers il ne s’agit pas d’un secret 1016 , mais c’est vis à vis de la population qu’une distance respectueuse s’impose, pour garantir l’impartialité des décisions consulaires. Les conseillers préfèrent se constituer une clientèle à partir des fils d’anciens consuls ou de personnalités n’ayant eu qu’un mandat : cela permet plus de discrétion dans les relations et le consulat donne moins l’impression de s’auto-favoriser. Ainsi on exempte d’impôts un certain Bottu pour « faveur aussi et contemplacion de plusieurs services fait par ledit Bottu le temps passé et que lesdits conseillers ont espérance qu’il fera au temps advenir à ladite ville » 1017 . De bonnes relations entre le consulat et certains notables sont entretenues et suivies : les conseillers accordent des faveurs à ceux qui les servent bien 1018 . Ledit Bottu est de la famille de Mathieu Bottu, un ex-conseiller des années 1420, les faveurs restent donc dans un cercle réduit.

La désignation régulière d’un petit groupe d’individus à la fonction de consul, mais aussi les liens familiaux et amicaux qui unissent nombre de conseillers, soulignent que le choix des meilleurs, effectué par les maîtres des métiers, contribue surtout à créer un fort népotisme au sein du consulat. L’accès au pouvoir est plus difficile que ne le laissent entendre les critères de désignation à la charge de consul. Quant à la réforme de 1447, en instituant des mandats de deux ans renouvelés par moitié tous les ans, elle a réduit le nombre de postes au consulat et amplifié cette confiscation du pouvoir par une oligarchie.

Notes
979.

Pierre Fornier, Guillaume Gontier, Claude Guerrier, Aymé de Nièvre, Jean I Palmier, Barthélemy de Varey.

980.

Jean Buatier, Michel Buatier, Michelet Dulart, Jean Roussellet.

981.

Pierre Beaujehan, Jean de Nièvre, Jaquemet II Tourvéon, Jean Villars.

982.

Bernard de Varey, Aynard de Villeneuve.

983.

Audebert Mathieu, Pierre Brunier, Etienne Guerrier.

984.

C’est d’ailleurs à propos de ce type de conseillers que l’on connaît le moins de chose, puisque du fait de leur bref passage aux affaires communes, les registres ne parlent quasiment pas d’eux.

985.

Mathieu Audebert est conseiller en 1419, 1424, 1426, 1429, 1431, 1434, 1437, 1441, 1443, 1446, 1449-1450, 1453-1454, 1457-1458, 1461-1462 ; Pierre Brunier est conseiller en 1430, 1433, 1444, 1446, 1449-1450, 1454-1455, 1458-1459, 1466-1467, 1470-1471, 1474-1475, 1478-1479, 1482-1483, 1486-1487, 1491-1492 ; Etienne Guerrier est conseiller en 1418, 1419,1421, 1424, 1426, 1428, 1430, 1433, 1435, 1441, 1444, 1446, 1449-1450, 1455-1456.

986.

Dans cette dernière catégorie, les Varey sont à considérer à part, étant donné qu’ils exercent deux fois plus de mandats que les autres familles de ce groupe. Nous reviendrons sur leur cas un peu plus loin.

987.

Exemples : Guillaume Bames occupe deux mandats de conseiller en 1425 et 1428 ; son fils Jean, un mandat en 1437. Antoine Grant est conseiller en 1420 ; ses fils Hugonin et Jean sont respectivement conseillers dans les années 1440 et les années 1450.

988.

Exemple : la famille Taillemond a 5 membres qui sont élus au consulat au XVe siècle : Pierre (en 1425), Denis (en 1458-1459 et 1462-1463), Claude (en 1472-1473, 1476-1477 et 1481-1482), Humbert (en 1483-1484 et 1487-1488), et Claude II (en 1505-1506).

989.

Exemple : François Loup est élu conseiller 5 fois (en 1421, 1423, 1427, 1429 et 1439) et son fils Denis 4 fois (en 1455-1456, 1459-1460, 1466-1467, 1476-1477).

990.

Sauf pour les années 1410 puisque notre étude ne débute qu’en 1417.

991.

Apparaissent en gras les mandats des familles qui sont concentrés sur la première ou la seconde moitié du XVe siècle.

992.

J. Heers, Le clan familial au Moyen-âge, Paris, PUF, 1993, p.250.

993.

Cette domination est connue et reconnue. Dans la première moitié du XVIe siècle, Claude de Bellièvre interroge son père pour connaître quelles sont les familles les plus anciennes et les plus réputées de Lyon, voici ce qu’il note dans ses mémoires :

« - Inter familias que Lugduni existans quas putatis antiquiores ?

- De viris que presencialiter sunt credo antiquiores domos des Dodieu, des Baronnat, des Paterin, des Guerrier, des Chapponay, des Palmiers, des Thomassin. Fuerunt tamen alie que fere defecerunt que erant multum famose des Julien, des Nyèvre, des Villeneuve, des Varey, des Pompierre, des Dulchy ».

Cl. Bellièvre, Souvenirs de voyage en Italie et en Orient. Notes historiques, pièces de vers, publié par Ch. Perrat, Lyon, 1956, p.69.

994.

Cette mainmise d’une oligarchie sur tous les pouvoirs urbains était déjà évoquée par Beaumanoir dans les années 1250 : « nous voyons plusieurs bonnes villes où les pauvres ni les moyens n’ont nulle part dans l’administration de la ville, mais les riches hommes les ont toutes parce qu’ils sont redoutés du commun pour leur avoir ou pour leur lignage. Aussi advient-il que les uns sont maires ou jurés ou receveurs et, l’autre année après, ils élisent leur frère ou leur neveu ou leur proche parent, si bien qu’en dix ou douze ans, tous les riches hommes ont toutes les administrations des bonnes villes ». Cité par J. Heers, Le clan familial…, op. cit., p.253.

995.

Les chartes de mariage sont très peu nombreuses pour le XVe siècle, la première ne date que de 1453 et elles ne sont en usage que parmi les familles les plus riches de la bourgeoisie.

996.

Nous avons aussi relevé toutes les indications qui ont être données par les historiens lyonnais.

997.

C’est-à-dire 39 familles sur un total de 66.

998.

Il s’agit des Baronnat, des Buatier, des Caille, des Chaponay, des Chevrier, des Dodieu, des Guerrier, des Rochefort, des Thomassin, des Varey et des Villars (ces noms sont donnés par ordre alphabétique).

999.

Les élites urbaines pratiquent des formes de solidarité très importantes. Une endogamie assez stricte règne parmi ces honorables gens ; on note qu’ils ne contractent cependant presque jamais d’alliances matrimoniales avec des gentilshommes des champs, ou avec des gens du commun qui ne peuvent doter assez richement leurs filles. De même, les mariages ne se concluent que rarement au sein d’une même profession : seule l’honorabilité fait référence. « De ce fait, dans toute famille honorable que ce soit à Tours, à Lyon, à Poitiers, à Paris ou ailleurs, l’avocat et l’officier cousinent sans vergogne avec le médecin, le receveur des aides, le grenetier ou le marchand. » (B. Chevalier, Les bonnes villes…, op.cit., p.139). La constitution de ces élites se fait par le rapprochement des genres de vie et des systèmes de valeurs.

1000.

Nous ne donnons que quelques exemples de ces liens matrimoniaux. Pour connaître précisément tous les mariages contractés par les différents conseillers, il est possible de se reporter en annexe 18. Les conseillers ont été classés par ordre alphabétique et nous avons regroupé toutes les informations trouvées pour chacun d’eux (nombre de mandats consulaires et de maîtrises, lieu de résidence, mariages, enfants, etc.).

1001.

Comme nous l’avons indiqué précédemment.

1002.

Cependant Lyon est une ville qui n’affiche pas sa richesse : il y a de belles demeures mais pas de palais, peu de décoration sur les façades pour ne pas trahir sa prospérité, peut-être par peur de la population ou par prudence à cause des impôts. Seuls deux édifices sortent de l’ordinaire : la maison Thomassin, place du change, avec des sculptures en bas relief qui figurent des animaux, d’où son nom de « maison des bêtes » ; et la façade de la maison Le Viste, avec des pommes de pin ciselées dans la pierre. La façade est en général insignifiante pour mieux masquer l’aisance des propriétaires, par contre dans l’intimité de la cour de la maison la richesse des familles s’expose : décors somptueux, escaliers à vis, puits ornementés de pilastres à fleurons, d’arcades ogivales…

1003.

Il existe probablement des liens confraternels entre les conseillers et l’élite urbaine, mais les listes des membres des diverses confréries lyonnaises ne nous sont pas parvenues. Seule la confrérie de la Trinité donne le nom de ses membres en 1422 : à cette époque, la moitié des confrères appartient à l’élite consulaire et économique et de la ville. Il est probable que ces liens se perpétuent au cours du XVe siècle. J. Tricou a aussi travaillé sur les « Enfants de la ville », une abbaye de jeunesse qui recrute parmi les familles riches, souvent les fils de conseillers, célibataires à l’admission, mais qui peuvent rester même s’ils se marient. Les liens entre conseillers sont donc beaucoup profonds que ne le laissent paraître les documents qui nous sont parvenus. J. Tricou, Les Enfants de la ville, Lyon, Audin, 1938.

1004.

1469, BB15 f50.

1005.

« Honneste homme Pierre de Villars, marchand citoyen de Lion, accompagnié de honnestes personnes Michelet Du Lart, Jehan du Perat et Jehan Rosselet, aussi marchands citoyens dudit Lion, ses pairs et amys, est venu audit hostel devers les conseillers, et en complaignant leur a dit et exposé comme le mercredi de la sepmaine saincte précédant passé, estoit en sa boutique au dessoubz de sa maison en l’Arberie, vindrent IV sergents royaulx comme il disoit et le constituèrent prisonnier par vertu d’une commission du petit seel, au nom et requeste comme ilz prétendoient de monseigneur Du Boschaige. Lesquels, il dit qu’il ne devoit rien à Monseigneur Du Boschaige et qu’il yroit devers monseigneur le lieutenant en obéissant à justice et à ce que justice luy adviseroit. Et ilz luy dirent que monseigneur le lieutenant et monseigneur le maistre d’ostel de Varey, lesquelz il pourroit parler se bon luy sembleroit et en telz lengaiges, le menèrent jusques au droit d’une ruete près des estuves que tient une femme nommé Casote. Et quant ilz furent là, ainsi qu’il vouloit tirer à Roanne devers lesdits monseigneur le lieutenant et monseigneur le maistre de Varey, lesdits sergens violentement et de force le ramirent en ung bateau qu’ilz avoient pour ce appresté sur la rivière de Saonne et par grant force firent nager ledit bateau contrebas ladite rivière jusques à Vienne où casuellement il se trouvoit en imunité de laquelle pour obvier à leur fureur, voyant qu’ilz se perforcoyent de le transporter il ne savoit où, il requit et demanda joyr mais par force l’en vouldrient tirer et tirèrent le menant contrebas tousjours se n’eussent esté certains ecclésiastiques, lesquelz advertyz que lesdits sergents avoient extrait ledit de Villars par force de ladite imunité, courirent après et tant firent que par sentence et ordonnance de juge, icelluy de Villars fut re( ?) et remis en ladite imunité de laquelle lesdits sergents l’avoient comme dit est extrait au moyen de quoy lesdits sergents avoient esté contraints le laisser par quoy s’en estoit retorné. Et pour ce que le cas estoit si grief et maulvais et deust mauvais et scandalleux exemple et conséquence que plus ne pourroit, car soubz umbre de justice, l’en pourroit transporter les plus grands de cestedite ville hors du Royaume et fere monter ou destourner », 1483, BB17 f49v-50.

1006.

Pierre de Villars (6 fois conseiller) et Michelet Dulart (7 fois conseiller) siègent ensemble en 1456, 1460, 1469-1470, 1475-1476 et 1480 ; Pierre de Villars siège avec Jean Du Peyrat en 1479-1480 ; il ne siège jamais avec Jean Rousselet (5 fois conseiller) mais ce dernier est conseiller en 1464 avec Michelet Dulart.

1007.

1483, BB17 f61v.

1008.

1483, BB17 f61v-62.

1009.

Il est le fils d’Etienne de Villeneuve et de Catherine Chevrier, qui est la fille d’André Chevrier.

1010.

Son père, son oncle et son frère ont été conseillers.

1011.

On trouve dans les registres d’autres cas, mais il n’est pas toujours possible d’établir avec certitude les liens qui pourraient unir certains conseillers et des plaignants : ainsi en 1465, Léonard Baronnat, étudiant, demande une exemption d’impôt aux conseillers qui décident de délibérer sur le sujet « excepté lesdits Paterin et Offrey, lesqueulx pour rayson de l’affaire qu’ilz ont avec ledit Baronnat n’ont voulu oppiné en ceste matière », 1465, BB10 f125. Impossible de connaître les raisons personnelles évoquées ici.

1012.

1483, BB17 f70.

1013.

« Pierre Fornier et Chevrier leur ont requis de leurs fere baillier et délivrer par la vesve de feu Anthoine Gontier, certaines robbes, manteaulx et autres gaiges prins à l’encontre dudit feu Anthoine messire Paterin ou temps de la Rybayne et ledit Paterin estant en l’article de la mort bailliez en garde à Perin Gontier, filz dudit Anthoine », 1452, BB5 f169v. Pierre Fournier et André Chevrier ont épousé les filles de Jean Paterin.

1014.

1454, BB5 f213v.

1015.

1488, BB19 f107v.

1016.

Ces liens d’amitié se retrouvent par contre dans les testaments des conseillers : Guichard Bastier désigne « noble homme André Chevrier son bon compère et ami », (Les Masures…, op. cit., p.399) ; Pierre Thomassin parle de « Humbert de Varey son compère », (Les Masures…, op. cit., p.642).

1017.

1457, BB7 f60.

1018.

Exemple : la famille des Villars. Lorsque Pierre de Villars est arrêté de façon indue, aussitôt le consulat intervient pour lui, soulignant qu’il « a esté toute sa vie ung notable marchand et des plus grand et bien apparentz de ladite ville, aussi a bien servy et fait son devoir au consulat d’icelle ville, tant comme conseiller comme aussi ung des suppostz de ladite ville », 1483, BB17 f51. Villars est en effet fort riche et appartient aux notables de la cité, il a été plusieurs fois conseiller (6 fois entre 1446 et 1480) et a apporté son aide financière de nombreuses fois au consulat. Tous les critères qui en font un homme honorable sont ici réunis, énumérés et classés : un bon métier, une situation professionnelle, pécuniaire et morale irréprochable, un vrai sens de l’intérêt commun au service duquel il se met toujours. On dresse le portrait du conseiller et du citoyen idéal : un modèle pour les autres, qu’il faut donc aider. Quand quelques années plus tard, son fils Barthélemy de Villars demande que ses impôts soient revus : « luy a esté respondu qu’il viegne compter de tout ce qu’il prétend luy estre deu, aussi de ce qu’il doit à ladite ville et ce fait l’en fera tant qu’il sera content », 1497, BB24 f82v. Son père et son oncle Jean ont été souvent conseillers (8 fois pour le père, 5 fois pour l’oncle entre la fin des années 1430 et les années 1470) et maîtres des métiers (respectivement 10 et 11 fois pour la même période). Le consulat a fait de nombreuses fois appel à cette famille pour s’occuper de missions pour la ville, ou prêter de grosses sommes d’argent. Quant Barthélemy demande un apurement des comptes qu’il a avec la ville, les conseillers se sentent redevables envers lui, et sa requête est accueillie avec bienveillance, on va prendre le soin d’examiner les comptes avec lui, preuve supplémentaire de considération.