1. L’acquisition délicate d’un hôtel de ville.

L’indépendance du pouvoir politique lyonnais passe par l’affirmation symbolique de sa présence dans la ville. Dans nombre de bonnes villes en France, les pouvoirs urbains mettent un point d’honneur à acquérir rapidement un bâtiment en propre, pour affirmer leur domination sans partage sur la ville. Lyon se trouve dans une situation fort différente : bien que commune depuis 100 ans 1029 , son consulat n’a toujours pas de maison commune ou d’hôtel de ville en 1417 et cette situation perdure jusqu’en 1462. Pendant toute la première moitié du XVe siècle, il n’y a pas un mais des lieux de réunion, qui révèlent à leur manière une conception particulière du pouvoir consulaire.

Les lieux de réunion du consulat (1417-1457).
Les lieux de réunion du consulat (1417-1457).

Statistiquement le principal lieu de réunion est la chapelle saint-Jacques, appelée aussi saint-Jaquème, près de saint-Nizier : c’est un lieu emblématique, lié à l’histoire de la commune, une vraie charge émotionnelle et politique lui est associée. Les quelques syndicats qui nous restent pour le XIVe siècle mentionnent déjà ce lieu, comme en 1358 où il est indiqué : « que ils [les conseillers] venent tous les vendros et les autres jours que leur semblera bon en la chapelle de San Jaquemo, ou alhours lay ou voudrant ». Ce lieu fait d’ailleurs l’objet de soins, des travaux sont mêmes réalisés par un particulier en 1419 :

‘« Pierre Rillieu, notaire et citien de Lion, pour l’amour et affection qu’il a comme il dit ou bien et utilité publique de ceste ville de Lion, et considéré que la chapelle de Saint-Jaquème où l’on a acoustumé soy assembler pour les besongnes communes de ceste cité, doit estre lieu honnourable, sans ordure et puantise, et pluseur autres choses qui sont à considérer en ceste partie, de son bon grè et certaine science ou voulenté, a offert et présenté à messires les conseilliers dessus nommez, de faire, à ses propres costs et despens, clorre la place qui est devent ladite chapelle, en forme de barrière » 1030 . ’

Cette volonté d’agir pour « pour l’amour et affection […] ou bien et utilité publique de ceste ville de Lion » en rendant plus agréable le lieu de réunion du consulat, n’est pas curieusement le fait des conseillers. Ce particulier qui propose de faire nettoyer la place devant l’entrée de la chapelle et de mettre une barrière, témoigne d’un désir de matérialiser l’honorabilité du lieu des réunions de la ville ; peut-être cet homme espère-t-il ainsi être nommé en remerciement conseiller dans les années à venir, mais cela ne se fera pas. Il faut remarquer que c’est un notaire qui prend cette initiative, et non pas un marchand : peut-être que sa culture juridique lui permet de mieux concevoir que l’image du pouvoir ne doit pas être soignée uniquement dans ses actions, mais aussi dans les signes extérieurs de sa présence en ville 1031 . L’influence de l’idée que les juristes se font du pouvoir de la municipalité s’insinue dans le consulat aussi grâce à ce type d’action.

Il ne faut cependant pas négliger d’observer les autres lieux de réunion. Il est courant que les conseillers se rassemblent chez un particulier, dans son « ouvroir », « devant [sa] table du change » 1032 ou bien dans une étude ou un « ostel » 1033 . Ces réunions intimes se déroulent dans des lieux choisis souvent en relation avec l’affaire traitée, et se prêtent aux tractations à l’amiable. D’ailleurs parfois les conseillers ne souhaitent pas qu’il y ait de trace de ces conciliabules chez des particuliers, comme le suggère cette indication : « le lundi XXIIe jour de février, devant l’ostel messire Guicher Bastier, au regart des six conseillers, et au regart de Bernert de Varey et de Robert Court en leurs hostels, mès l’on dira és mandemens cy dessoubz escrips, donné à Lion, tant seulement » 1034 . Il est probable que ces réunions auraient dû plus légitimement se tenir à la chapelle Saint-Jacques, et non pas dans les maisons particulières des conseillers : cette omission du lieu dans les mandements est bien le signe qu’on ne souhaite pas prêter le flanc à des attaques soulignant la collusion entre intérêt privé et intérêt commun des conseillers. La discrétion est aussi une arme du pouvoir.

Quand les réunions ont lieu à la maison de Roanne, en « l’ostel du Roi », c’est que la présence du bailli est nécessaire. Les lieux religieux, comme le couvent des Cordeliers, ou celui des Frères Prêcheurs sont aussi fréquemment utilisés, essentiellement pour des questions de place quand des assemblées générales sont convoquées 1035 .

En fait à partir de 1425 1036 , la ville tente d’acheter un bâtiment appelé « la maison Charnay » pour en faire sa « maison de la ville » 1037  : la chapelle saint-Jacques n’est pas abandonnée pour des motifs religieux, car même après l’acquisition de cet hôtel commun, de grandes assemblées s’y tiennent toujours. Donner un lieu propre au pouvoir municipal est donc l’unique motivation de cet achat. Cependant l’installation dans la maison Charnay est loin d’être immédiate : un procès de plus 40 ans va en effet opposer la ville et l’archevêque de Lyon, il s’agit en effet d’un bien épiscopal.

Pour comprendre l’importance de cette affaire, il convient de suivre son déroulement pas à pas. Tout commence le 15 décembre 1424 1038  : Rolin de Mascon et Denis Becey, notaires, passent un acte de vente au profit de la ville. Le consulat n’a pas à sa disposition les 80 écus d’or « pour les introges 1039 de la meyson », c’est pourquoi les conseillers font une avance avec leurs propres deniers. En plus des « introges », ce contrat d’acquisition stipule le paiement d’une rente annuelle et perpétuelle de 20 écus due au vendeur, rachetable à 300 écus 1040  ; s’ajoute à cela le service dû au seigneur direct, l’archevêque 1041 , une pension de 12 livres au recteur de la chapelle de Sainte-Marie-Magdaleine, mais aussi deux pensions rachetables dues à la famille de Varey 1042 . Or, l’archevêque de Lyon Amédée de Talaru, seigneur direct, ne veut pas donner l’investiture de la maison Charnay au consulat : la ville et l’archevêché entrent alors en procès 1043 .

Pourquoi le consulat n’achète-t-il pas directement un bien de franc alleu 1044  ? Peut-on penser que les conseillers ignoraient que cette maison était propriété de l’archevêché ? C’est impossible car ils payent les droits d’introge, et reconnaissent aussi le servis et les autres droits dus à l’archevêque de Lyon. Cette situation est surprenante car dans de nombreuses villes, l’affirmation du pouvoir municipal passe par une émancipation du pouvoir ecclésiastique : par exemple à Beaulieu, dans le Bas Limousin, la maison commune appartient à l’abbaye bénédictine de saint-Pierre, elle est soumise à l’hommage, au cens et aux droits de mutation. Lorsque les conseillers décident d’acquérir un nouvel hôtel de ville, ils choisissent un bien franc et noble pour se soustraire au pouvoir de l’abbé, et consacrer l’indépendance de la ville 1045 . Pourquoi donc les consuls lyonnais achètent-ils un tel bien 1046  ? Ce conflit est en réalité le symbole d’une lutte quasi féodale entre l’ancien et le nouveau pouvoir de la ville : c’est un conflit provoqué sciemment par le consulat, dans le seul but de s’affirmer comme pouvoir unique dans la ville, en faisant plier l’archevêque. Cet éclairage permet de mieux comprendre l’entêtement des deux parties : l’archevêque a le droit pour lui et refuse toutes les propositions du consulat. Il n’est pas question d’argent, mais du pouvoir symbolique sur la ville : le consulat veut prouver que l’archevêque est obligé de composer avec lui.

Pendant toute la durée du procès, le consulat ne siège pas dans cette maison pour laquelle il a beaucoup déboursé et surtout n’y met pas ses archives, par crainte d’une saisie de la part de l’archevêque puisque celui-ci ne reconnaissant pas la vente, la maison lui appartient de droit, ainsi que tout ce qui s’y trouve. Le consulat refuse de porter atteinte à la dignité de la ville en siégeant dans une maison non affranchie, où ses titres et privilèges se trouveraient sous le coup d’une saisie. Des solutions provisoires sont trouvées successivement : certes la chapelle saint-Jacques est toujours occupée 1047 , on y fait même quelques travaux, comme en 1458 lorsque l’on change les verrières 1048 . Cependant, on cherche à l’abandonner progressivement et les conseillers multiplient les changements de lieux de réunion. On s’assemble selon les anciennes habitudes, notamment souvent chez Rolin Guérin, le receveur des deniers communs dans les années 1440 1049  ; les conseillers louent aussi un comptoir qui appartient à Jean de Chaponay, puis une salle que possède Rolin Guérin en 1456.

Mais les conseillers doivent faire face au problème de la maison Charnay :

‘« ils ont conclu et esté d’oppinion et commun consentement que veu et considéré que la maison ja pieça acquise et laquelle est en débat avec mons. de Lion, est plus chargié de pension qu’elle ne rend de loage et qu’elle va en ruyne et est inutile à la dicte ville, que l’on parle de rechief à M. Simon et au corrier, lesqueulx ont charge pour mondit seigneur de Lion, pour savoir se l’on pourra paciffier ledit débat et avoir en paix ladicte maison, et que l’on offre pour les loz et autres droits de retenue jusques à la somme de CCC escus que mieulx ne pourra » 1050 . ’

Le consulat est le propriétaire, bien que contesté, de la maison puisqu’il l’a achetée à un particulier et qu’il y a eu acte de vente, c’est donc lui qui doit payer pendant toutes ces années les pensions qui sont sur cet hôtel, même s’il ne l’occupe pas. Ce bras de fer revient donc extrêmement cher à la ville. Le conflit avec l’archevêque était en partie calculé, mais les risques et les conséquences ont été mal jugés : le coup d’éclat s’est transformé en boulet pour le consulat qui ne peut céder, son honneur et l’image de son pouvoir étant en jeu. Les conseillers décident de réagir et de faire l’acquisition d’une autre maison en 1454, cette fois de franc alleu pour loger le consulat : il s’agit de l’hôtel du Lion, appartenant à Antoine Gerbe 1051 . François Guérin, conseiller, est chargé des négociations et rapporte aux conseillers qu’il a parlé « à Anthoine Gerbe et sa femme de la vendicion de leur maison du Lion et qu’ils lui ont fait response qu’ilz n’avoient tout à un mot : six cens escus avec les charges » 1052 . Les choses semblent bien avancées puisque les époux Gerbe sont conviés à venir négocier au consulat et à apporter « tous les tiltres et acquests de ladite maison pour y conclure se fere se peut » 1053 . Mais bizarrement cela n’aboutit pas, puisqu’en 1458 de nouvelles négociations sont reprises pour acheter cette maison du Lion 1054 .

L’hôtel du Lion est bien finalement acquis, mais ce bâtiment est dans un état de délabrement tel, que les conseillers sont obligés de faire des travaux de réparation 1055 et le mettent en location. Du coup le consulat se replie dans l’hôtel Jacques Cœur pour tenir ses séances entre janvier 1459 et mai 1461 1056  ; nombre de réunions ont aussi lieu un peu partout en ville. L’acquisition de cette maison du Lion reste difficile à comprendre : pourquoi acheter volontairement cette maison en si mauvais état ? Pourquoi faire cet achat, si cette maison coûte de l’argent à la municipalité en plus de la maison Charnay ? Une explication apparaît peut-être lors du règlement du problème de la maison Charnay en février 1462.

Un accord est trouvé entre l’archevêque et la municipalité 1057 . Les arguments de l’archevêque sont simples : il possède plusieurs maisons et possessions dans la ville, mouvant de son domaine direct, notamment la maison de Charnay ; ces maisons et possessions, outre le servis annuel, les lods et les ventes dus à chaque mutation, ne peuvent ni doivent être vendues à des églises, des villes, des communautés ou des municipes. C’est le rappel d’une règle de droit canon : une personne morale ne peut se voir accenser un bien d’église. En effet cette personne morale, par définition, ne meurt jamais et n’a aucune raison de revendre ce bien accensé ; or ce qui rapporte à l‘archevêque, ce n’est pas le servis, c’est-à-dire le cens annuel versé pour un édifice, mais les droits de mutation, c’est-à-dire tous les frais versés à chaque changement de propriétaire, à la fois par l’ancien et le nouveau. Si une telle transaction est réalisée, la communauté de Lyon ne paiera jamais que le servis annuel à l’archevêque, ce qui ressemble, ni plus ni moins à une rente : de fait l’archevêque perdra symboliquement la propriété de ce bien puisqu’il ne le récupérera jamais 1058 . L’archevêque se plaint aussi que le consulat ne tient plus ses assemblées dans l’église de saint-Nizier 1059  : les conseillers tiennent à se soustraire au patronage symbolique de l’Eglise et donc au pouvoir de l’archevêque, en choisissant des lieux de réunions laïcs et privés. Leur volonté de se rendre propriétaires d’une maison, pour en faire leur hôtel de ville, est le signe qu’ils revendiquent l’indépendance de leur pouvoir : laisser le siège du consulat dans l’église saint-Nizier 1060 , serait reconnaître que l’archevêque leur concède le droit de se réunir dans ses murs, donc une sorte de sujétion symbolique de la ville à l’Eglise. Outre la perte financière que représenterait cet accord pour l’Eglise, l’archevêque laisse parfaitement entrevoir que ce qui le dérange, c’est de perdre sa suprématie sur la ville.

Le consulat débute son argumentaire en soutenant son droit de siéger où bon lui semble, et en affirmant qu’il serait plus digne que le corps consulaire s’assemble dans une maison appartenant à la communauté : tout cela va de soi, la ville a droit effectivement à un hôtel commun, rien ne s’y oppose. Les conseillers expliquent ensuite que la vente n’a porté aucun préjudice à l’archevêque, ce qui est totalement inexact : le consulat sait très bien que de fait, l’archevêque perdra la possession de ce bien puisqu’il ne pourra jamais le retrouver. Ils soulignent aussi que ce type d’acquisition se fait dans toutes les villes, ce qui est un argument totalement fantaisiste : si de nombreuses villes font effectivement l’acquisition d’un hôtel de ville, elles ne provoquent pas un conflit aussi prévisible avec les autorités religieuses, elles choisissent des biens francs. Les conseillers terminent leur propos en offrant de doubler voire de tripler le servis, tout en sachant pertinemment que ce n’est pas la question d’argent qui arrête la décision de l’archevêque.

Un accord est finalement trouvé : l’archevêque accepte de faire de la maison Charnay un bien franc, en échange le consulat lui cède la maison du Lion. Cette permutation est une victoire pour le consulat : l’archevêque a cédé, la maison de la ville sera le symbole éclatant de leur pouvoir. Le consulat est bien le seul maître de la ville, s’opposant à toute intrusion du pouvoir de l’archevêque. Pourtant l’origine du conflit est une intrusion des conseillers dans les possessions de l’archevêché : en voulant devenir propriétaires d’un bien appartenant à l’archevêché, ils tentent de subtiliser une partie des propriétés de l’Eglise dans la ville de Lyon. Certes ils gagnent ce bras de fer, la maison finit par leur appartenir, leur honneur et l’image de la ville ressortent vainqueurs de cet interminable procès. Mais à quel prix : en plus de toutes les pensions qu’ils ont payées pendant plus de 40 ans pour la maison Charnay et de l’acquisition ruineuse de l’hôtel du Lion, ils doivent dédommager l’archevêque de l’arriéré du service et des lods et payer 300 écus d’or. En plus, ils s’engagent à vendre pour lui la maison du Lion dans un délai de six ans, si ce délai n’est pas respecté l’archevêque pourra en remettre le prix à la ville. Au cas où le consulat ne respecterait pas ces clauses, l’archevêque pourra le contraindre au paiement annuel de 100 sous tournois hypothéqués sur la maison de Charnay : ce qui reviendrait à payer un cens sur l’hôtel de ville, qui retournerait symboliquement à l’archevêque, comme s’il était encore de sa directe. L’hôtel du Lion est vendu en février 1469 1061 . Financièrement, c’est une victoire à la Pyrrhus…

L’archevêque Charles de Bourbon et le chapitre de saint-Jean approuvent cet accord, respectivement le 28 juillet et le 4 septembre 1462 1062 . Les conseillers s’installent dans le nouvel hôtel de ville au mois de décembre 1462 ; dès 1464 des rénovations sont faites 1063 .

Les lieux de réunion du consulat au XV
Les lieux de réunion du consulat au XVe siècle.

L’hôtel de ville devient quasiment le seul lieu de réunion 1064  ; c’est le symbole du pouvoir des conseillers 1065 . Comme pour la période précédente, quelques réunions ont encore lieu en dehors de l’hôtel de ville, même si elles sont de moins en moins nombreuses : chez des particuliers, en général pour des raisons de commodité 1066 , ou à l’hôtel de Roanne par convocation des officiers royaux 1067 .

Les conseillers développent une volonté très nette de rendre le consulat plus prestigieux, aux yeux de la population et de l’histoire, à partir de la fin du XVe siècle. Dans cette optique, ils font faire de multiples travaux à partir des années 1510. Les registres donnent quelques indications sur ce lieu : deux pièces bien différenciées servent aux conseillers, une « salle » et une « chambre » 1068 . La nuance a son importance : la salle est la pièce de réception du consulat, là où se tiennent les réunions, la chambre sert plutôt de pièce de dépôt ou de travail. La salle bénéficie d’une certaine décoration puisqu’il est ordonné la réalisation d’une tapisserie de Flandres pour son parquet 1069  ; des « archebancs » de noyer, peints aux armes de la ville sont aussi commandés 1070  : la notion de prestige associée à la fonction de conseiller rejaillit désormais sur le lieu du consulat, il faut qu’il soit représentatif de la position de la ville et des conseillers. C’est une nouveauté, les conseillers prennent conscience de la nécessité du paraître jusque dans les lieux de leur pouvoir. Il est fait référence à quelques éléments : les cheminées qui chauffent les deux pièces 1071 , les chandelles qui sont utilisées abondamment par les conseillers lors des réunions tard le soir 1072 , les collations c’est-à-dire des repas légers servis certainement lors de ces longues discussions 1073 . Les torches commandées indiquent que les réunions durent parfois très tard, et qu’il faut raccompagner de nuit les conseillers jusque chez eux 1074  : ils risquent en effet de se faire attaquer dans les rues de la ville par des mécontents ou simplement par des voleurs 1075 .

Il est possible d’avoir une petite idée de l’allure de la salle du conseil de la ville grâce à une miniature : Guillaume Gautheret, apothicaire chargé du garbeau de la ville 1076 en 1519, se fait peindre en tête de son livre de compte assistant à une séance du consulat 1077 . Le miniaturiste a cependant apporté plus d’attention aux personnes qu’au lieu représenté : le long des murs se trouvent les archebancs dont il est question précédemment ; des panneaux de bois sans décoration particulière recouvrent les murs jusqu’à mi-hauteur. Au fond de la pièce, sous une sorte de dais rouge et or, se trouvent les armes du roi de France et de la ville ; au centre de la pièce, il y a une table recouverte d’un tissu vert, autour de laquelle se trouvent les conseillers 1078 . Malgré les quelques allusions à la décoration de la salle du consulat, le désir de prestige des conseillers reste étonnamment sobre s’il est comparé à celui d’autres cités : on connaît en effet des décors monumentaux peints et armoriés dans les hôtels communs de plusieurs villes. A Albi, en 1391, l’acquisition d’un immeuble pour en faire la maison commune, est suivie d’un contrat pour un décor : au fond de la salle on fait représenter un trône de majesté ; en haut de l’escalier, saint Christophe, dans le cabinet des conseils un Christ en croix et Marie, au portail les armes de la ville. A Rouen, l’échevinage choisit la représentation de l’Annonciation ; au Capitole à Toulouse, les murs sont couverts de portraits des capitouls à partir de 1442 1079 .

Le prestige du consulat passe aussi par une limitation de son accès : n’importe qui ne peut plus prétendre venir interpeller les conseillers, ni assister aux réunions à moins d’y être convié 1080 , d’ailleurs pour plus de tranquillité, une mesure radicale est prise en 1512 : « a esté ordonné que à la première porte de l’entrée de la salle sera faicte une fenestre serrée pour veoir ceulx qui clocheront et demanderont à entrer, affin que nul n’entre sans le sceu et vouloir de messires les conseillers » 1081 . Les entrées sont filtrées pour que les délibérations ne puissent pas être interrompues, ni perturbées par des intervenants extérieurs.

Notes
1029.

La charte de création du consulat date de 1320. Voir à ce sujet A. Guigue, Etudes sur les origines de la commune de Lyon (1173-1320), Paris, Picard, 1913 ; J. Deniau, « Autour de la réunion de Lyon au royaume de France », Revue de l’université de Lyon, oct. 1929, p.379-391.

1030.

1419, RCL1 p.198.

1031.

Pierre Rillieu est un citoyen actif, on le remarque en effet souvent dans les assemblées : il est régulièrement porte-parole auprès des conseillers dans les assemblées (1420, RCL1 p.241, p.274).

1032.

Les conseillers « assemblés devant la table du change François Salame, pour le afaire commun de la cité de Lion », 1416, RCL1 p.6.

1033.

Th. Dutour souligne aussi l’absence de lieu fixe de réunion à Dijon (Une société de l’honneur…, op.cit., p.117).

1034.

1434, RCL2 p.365.

1035.

Voir à ce sujet la troisième partie, chapitre 1 : « Les assemblées lyonnaises ».

1036.

Pour la rédaction de ce passage, nous avons en partie utilisé le travail de V. de Valous, Les anciens hôtels de villes ou maisons communes de Lyon, Lyon, 1862.

1037.

1425, RCL2 p.135.

1038.

1424, RCL2 p.123.

1039.

Les « introges » correspondent à un droit d’accensement, versé au seigneur lors de la prise de possession d’un bien.

1040.

Le 18 février 1443, le consulat rachète la pension de 20 écus. DD281, pièce 6.

1041.

Le service ou servis désigne le cens dû à l’archevêque.

1042.

DD281, pièce 1 (la pièce 2 est la copie XVIIIe de l’original).

1043.

Le secrétaire-procureur de la ville est le premier concerné, puisque le 11 juillet 1426 il note : « ils m’ont commandé que je suive la cause de la ville contre Monseigneur de Lion, à cause de la maison de la ville », RCL2 p.187.

1044.

Il n’est jamais question de faire construire un hôtel de ville : cette attitude correspond à celle de la plupart des municipalités qui ont loué, acheté puis aménagé une maison existante. « La maison des syndics » de Louvain, la maison du « nord du fief de l’Ancre » à Dieppe, la « cohue » d’Alençon, « l’hôtel des Singes » de Dijon, « le Bayaerd » à Mâlines, « le Montauban » à Verdun et quantité d’autres par la suite furent des maisons achetées à des particuliers. (…) Rares furent les bâtiments construits complètement de neuf », J. Heers, La ville au Moyen-âge, Paris, 1990, p.406.

1045.

J. Ribiéras, « Beaulieu en Bas Limousin, du XIIIe au XVe siècle : la difficile émancipation du pouvoir consulaire », Espaces et pouvoirs urbains dans le Massif Central et l’Aquitaine du Moyen-âge à nos jours, Actes du colloque d’Ussel, septembre 1993, Paris, 1994, p.65.

1046.

En fait il ne s’agit pas d’un véritable achat mais plus d’un accensement puisque les biens d’église ne sont jamais vendus, on ne vend que l’usufruit et non la pleine propriété.

1047.

Le secrétaire met d’ailleurs particulièrement en valeur les réunions qui y ont lieu en soulignant le nom de saint-Jaquème dans ses registres, pour bien le différencier des autres lieux de réunion, comme lorsque les conseillers se réunissent dans l’hôtel du change de Rolin Guérin. Ex. : 1452, BB5 f171.

1048.

Gages de « Jehan de Juys, peyntre, pour la verrière fecte de novel en la chapelle saint-Jacques », 1458, BB8 f64.

1049.

Mais on s’assemble aussi chez d’autres particuliers : « ont arrestez de soy assembler demain heure de tierce en l’ouvreur dudit Denis Loupt », 1457, BB7 f59.

1050.

1451, BB5 f143.

1051.

« Ont donné charge audit messire Jehan Grant, présent et prennant icelle charge, de marchander et achater se fere se peut en son propre et privé nom, la maison de Anthoine Gerbe, appellée du Lion, à tel pris qui secrètement sera veu et advisé entre lui et lesdits conseillers pour icelle maison remectre à ladite ville et lequel messire Jehan Grant ont prins garder de dommage à occasion dudit achat », 1454, BB5 f213v.

1052.

1454, BB5 f227v.

1053.

1454, BB5 f228v.

1054.

« Veu et considéré la nécessité que icelle ville a d’une mayson et que ladite mayson dudit Gerbe est de franc-alleu, que icelle soit achetée et retenue qui de icelle pourra avoir pris et marchié compétent », 1458, BB7 f86.

1055.

Travaux « en l’ostel de ville, appelé du Lion, tant en charpenterie comme en massonnerie et pour recouvrir ledit ostel comme appert par ung rollet de papier contenant lesdits réparacions », 1460, BB7 f164v.

1056.

« … louage de la chambre et occupation de la grant saule qu’ilz tiennent de luy (Antoine Guichard) en l’ostel de feu Jacques Cuer pour tenir le consulat de la ville », 1461, BB7 f215.

1057.

Nous donnons ici le résumé des arguments avancés lors de la transaction entre le représentant de l’archevêque, Jean de Amariaco, vicaire général et les représentants du consulat, Hugonin Bellièvre et Jacques Mathieu, secrétaire de la ville, en y apportant quelques commentaires. DD281, pièce 12 (la pièce 13 est une copie XVIIIe de cet acte en latin ; la pièce 14 est constituée par des extraits, traduits en français au XVIIIe siècle).

1058.

Et il serait privé des droits dus à sa directe.

1059.

Les conseillers sont malgré tout attachés à cet édifice et acceptent en 1458 de participer à la réparation de Saint-Nizier « pour honneur et révérence de Dieu premièrement, pour raison aussi et considération de ce que ladite esglise est lieu des notables collièges de ladite ville, en laquelle esglise de tous temps l’on a acoustumé de publier et fere collacion et lecture, appelé le peuple de ladite ville au son de la grosse campane de ladite esglise, du syndical de ladite ville et aussi icelle cloche au service du commun et bien publicque de ladite ville tant à sonner le gros seral comme en cas d’effroy et de feu », 1458, BB8 f74v.

1060.

Quant à la chapelle saint-Jacques, les Chaponay qui en sont propriétaires causent régulièrement des soucis au consulat, comme en 1464 : Philippes de Chaponay revendique « le droit et possession qu’il dit avoir d’ancienneté en la chapelle saint-Jaquème », 1464, BB7 f399.

1061.

Il est vendu à Jean de Bruyère, 1469, BB15 f40.

1062.

DD281, pièces 15 et 16.

1063.

« Ont plus ordonné que les portes des fenestres et aussi les verrières d’icelles fenestres de la grant sale basse dudit hostel soient reffaictes et mises en point », 1464, BB10 f18v. D’autres travaux ont lieu quelques années plus tard quand les conseillers demandent à faire une fenêtre donnant sur la cour de l’hôtel commun « pour avoir clarté », en indiquant de « fere ferrer ladite fenestre et icelle estoupper et murer de pierre et mortier », BB352, 17 mars 1482.

1064.

Bizarrement Etienne Dupin, futur conseiller (1465-1466) vient faire une requête pour qu’« il puisse fere les nosses de son filz audit hostel de la ville », 1464, BB10 f18v.

1065.

Pourtant en mars 1492, les conseillers doivent se résoudre à vendre l’hôtel de ville, mais à condition de rachat pour la somme de 1 200 écus (BB19 f250v ; acte de vente : DD281, pièce 20). C’est Barthélemy Bellièvre qui le rachète : jusqu’à la Noël 1500, date du rachat du bâtiment par la ville, Bellièvre héberge le consulat puisque les conseillers continuent à siéger dans leur ancien hôtel de ville. D’ailleurs Bellièvre fait partie des consuls dès 1493 : cette vente ressemble donc plutôt à un prêt sur gage.

1066.

En 1511, une réunion a lieu chez Claude Vandel, docteur en droit, conseiller et président du conseil, semble-t-il parce qu’il est malade et ne peut se déplacer, 1511, BB28 f266.

1067.

Il existe un cas particulier où les conseillers délocalisent volontairement leur réunion à l’hôtel de Roanne : ils « se sont transportez au lieu de Roanne, territoire accordé pour ce qu’ilz doubtoient aller en l’ostel commun pour doubte de peste, pour ce qu’ilz sont mortz là emprés de peste », 1506, BB25 f54v.

1068.

1517, BB37 f26.

1069.

1517, BB37 f129.

1070.

1518, CC665, n°2. Cité par E. Vial, « Les costumes consulaires », Revue d’histoire de Lyon, 1904, p.43-60.

1071.

Il est fait fréquemment référence au bois acheté pour chauffer la salle et la chambre des papiers : 1517, BB37 f48v ; 1518, BB37 f227, f231 ; 1520, BB39 f2v.

1072.

1520, BB39 f93v.

1073.

1520, BB39 f93v.

1074.

« Passe mandement de V livres XI sols III deniers tournois, c’est assavoir XXIV sols pour VI torches achaptées de Jehan de Troye apoticaire, pour acompaigner messires les conseillers revenans de l’ostel commun les jours du consulat », 1517, BB37 f48v ; « passe mandement à Jehan Roze dict de Troyes de XLV sols tournois pour XII torches achaptées de luy pour servir à messires de seoir sortissans du consulat quant ilz demeurent tard esdits consulatz durant cest yver », 1518, BB37 f124.

1075.

De telles mésaventures ne sont pas rares dans une société violente : exemple, un particulier veut faire passer une rue par sa maison pour rejoindre deux rues (ce qu’on nomme aujourd’hui à Lyon une traboule) : « a esté dit et oppiné qu’on ne doit souffrir ne permectre se fere se peut que ladite rue soit faicte close par dessus pour obvier es grans maulx et dangers qui surviendroient illec de nuyt, tant murtres que autres maulx et très grandes puanteurs et infections à cause des gens qui se retiroient dedans pour y faire leurs naturelles nécessitez », 1502, BB24 f375.

1076.

Cela signifie que Guillaume Gautheret est chargé de lever une taxe sur les marchandises entrant à Lyon, notamment les épices.

1077.

Miniature : 1519, CC4292, f2v. Nous en donnons une reproduction en annexe 9.

1078.

G. Guigue, « La salle du consulat au XVIe siècle », Revue d’Histoire de Lyon, t.2, 1903, p139-141.

1079.

Ch. De Mérindol, « Représentations du pouvoir urbain : sceaux, décors monumentaux, bibliothèques d’échevinage », La ville au Moyen-âge, sous la direction de N. Coulet et O. Guyotjeannin, CTHS, 1998, p.572.

1080.

« Par plusieurs raisons et meures délibérations eues entre mesdits sires les conseillers et mesmement en ensuivant le contenu en l’instrument du scindicat et ce qui a esté observé de toute ancienneté, a esté ordonné que aucune personne n’assistera es consulatz de ladite ville, sinon mesdits sires les conseillers, esleus et nommez audit instrument du scindicat, procureur général et secrétaire de la ville qui auront préallablement faitz les sermentz acoustumez », 1509, BB28 f88v.

1081.

1512, BB28 f345v.