a) Règles comportementales et tabous linguistiques.

Une norme comportementale est instaurée au sein du consulat, comparable aux règles de bonne entente dans les confréries 1127  : dans les statuts de 1422 de la confrérie de la Trinité, il est spécifié que « tous les confrères de ladite confrérie seront tenus et doibvent estre en charité, amour et dilection, sans discordes quelconque et sans murmuration nulle les ungs entre les autres » 1128 . Il s’agit aussi d’une certaine conception de l’attitude convenable que doit adopter tout bourgeois pour se différencier du reste de la population : dans son Livre du corps de policie, Christine de Pisan souligne qu’il « leur appartient estre preudommes véritables, et gens de foy et de discret langaige » 1129 .

L’existence de paroles taboues, l’attention portée à un langage correct et châtié ne sont pas seulement le fait de normes comportementales véhiculées par les confréries, elles reflètent aussi des préoccupations religieuses. La parole est à surveiller : il existe en effet, selon les docteurs de l’Eglise, 22 péchés de langue, tous frappés d’interdiction. Ce sont « le blasphème, la médisance, la défense du péché, le parjure, le mensonge, la diffamation, l’accusation, la loquacité, les propos oiseux, l’obscénité, l’indiscrétion, l’injure, la querelle, la dérision, les mauvais conseils, les propos semant la discorde, la malédiction, l’adulation, le double langage, les racontars, la jactance, la divulgation des secrets » 1130 . D’une manière générale pour les clercs, les gens parlent trop et parlent mal, il est indispensable de réglementer la parole et de définir des normes pour déterminer bons et mauvais mots. Aux XIVe et XVe siècles, se multiplient des sommes morales dont la construction suit les Dix Commandements et dont la réflexion s'intéresse aux péchés de langue 1131 . Les Lyonnais connaissent des sermons sur ces sujets puisque c’est un thème qu’affectionne Jean Gerson, réfugié à Lyon en 1419 au couvent des Célestins. Plusieurs de ses sermons condamnent ainsi le blasphème, « les fausses assertions des flatteurs », le mensonge, et insistent « pour qu’on réfrène sa langue » en prenant soin d’avoir une parole qui « se doit faire sobrement et discrètement », et en bannissant le bavardage et la garrulation, c’est-à-dire le plaisir gratuit de la parole 1132 . Ces mises en garde fleurissent aussi dans la littérature profane. Le bourgeois du Mesnagier de Paris fait de longs discours à ce propos à sa jeune épouse, lui expliquant que le « péché de bouche consiste à parler follement de nombreuses manières : dire des paroles oiseuses, se vanter, flatter, se parjurer, se disputer, se révolter, se rebiffer, blâmer. Il n’existe pas de parole aussi insignifiante soit-elle, qui n’exige un compte rendu devant Dieu. Hélas ! Que ne dis-tu pas à prime qu’à tierce tu as déjà oublié ! » 1133 . Et il conclut : « c’est par la bouche que le Diable tente l’homme. (…) L’homme a la bouche la plus petite en proportion du corps ; s’il a les autres parties du corps en double –deux oreilles, deux narines et deux yeux – il n’a qu’une seule bouche. Cela nous indique que c’est avec sobriété qu’il doit manger et boire, et aussi parler » 1134 .

Il n’y a pas à proprement parler de traces de disputes ou d’insultes entre les membres du consulat en place. Le seul exemple que nous ayons date de 1417 :

‘« pour ce que Claude de Pompierre avoit esté nommé l’un des auditeurs des comptes de Nantuas, et Nantuas a dict qu’il est son mal vueillant, Léonard Caille dira audit Claude ladite suspicion, afin qu’il soit content que l’on en y mecte un autre en son lieu, et raportera ledit Léonard ce que ledit Claude lui aura dit » 1135 . ’

Un sérieux contentieux oppose Claude de Pompierre, l’un des conseillers et Audry Nantuas, le trésorier-receveur de la municipalité. Leur opposition est relatée dans un langage cependant très correct. La querelle a-t-elle réellement eu lieu en ces termes choisis ou a-t-elle été atténuée ? Difficile à dire, mais la violence est sous-jacente : le secrétaire cherche peut-être à la minimiser en relatant sobrement cet incident, avec un minimum de détails, mais les mots et les comportements trahissent une crise plus importante. Le consulat ne cherche pas à connaître la cause de ce conflit, peut-être d’ailleurs n’est-ce pas un secret ; tout ce qui importe, c’est éviter le scandale. Dans cette optique il est décidé de démettre Claude de Pompierre de sa charge d’auditeur des comptes, et on charge un autre conseiller, Léonard Caille, sûrement un de ses amis, de lui exposer le problème et de lui annoncer la solution choisie. Hormis cet incident, plus aucune trace de dispute entre membres du consulat n’est indiquée. Il est possible que la courtoisie ait été érigée en norme comportementale inhérente à la charge consulaire, mais peut-être aussi que ces insultes sont censurées par le secrétaire de la ville…

Cependant dans les années 1420, il semble que cette façon de se comporter ne soit pas complètement intégrée puisque en 1421, des insultes éclatent en plein consulat entre le prévôt le ville, Humbert de Varey et Aymé de Nièvre, l’un des conseillers qui l’aurait volontairement trop taxé et ce « pour cause de certain ayne qui est entre eulx deux 1136 , mesmement que, en la présence des dessus dis, ledit prévost et Aymé ont eu content et noyse de parolles, tellement que ledit prévost a dit audit Aymé, entre autres parolles : qu’il ne le prise plus que un carnassier ; et ledit Aymé lui a respondu : que ne fait il lui plus que un pendu. Et pour ce que ledit prévost a commencé lesdites injures en leur présence et contempt, ilz m’ont commandé les escripre » 1137 .

Il est demandé explicitement au secrétaire de noter les injures, cette entorse à la norme s’explique du fait que ces propos ont été prononcés dans l’enceinte du consulat, à l’encontre d’un conseiller. Tous ses compagnons sont témoins de cette atteinte à la bienséance qui régit implicitement leurs relations : les paroles exactes sont relevées pour souligner leur indignation. Le secrétaire reprend peut-être aussi ces termes dans un autre but : cette trace écrite fait honte à ceux qui les ont prononcés ; la mémoire de la ville gardera une image écornée de ces hommes. La violence et la crudité des termes employés surprennent cependant. De plus, ces propos sont choisis avec soin : on peut en effet parler d’un choix car les attaques ne sont pas immotivées et la spontanéité qu’elles pourraient révéler est à nuancer. Varey traite Nièvre de « carnassier » : ce mot ne qualifie pas à l’époque un animal qui se nourrit de chair, c’est un terme de francoprovençal qui désigne le bourreau. Le prévôt de Lyon transforme donc, par ses paroles, le receveur de la taille en un faux justicier. Nièvre lui répond qu’il ne vaut pas mieux qu’un « pendu ». Varey est prévôt de la ville, il est en partie responsable de l’application de la justice donc des pendaisons ; Nièvre l’assimile à ceux qui sont condamnés, sous-entendant par là qu’il ne vaut guère mieux. Mais dans quelle mesure ces hommes ne mettent-ils pas en scène leur dispute en la rendant visible aux yeux de tous ? Ce scandale correspond à un comportement qui est encore admis : les élites agissent encore comme les hommes de la rue, mais la spontanéité n’est que de façade. On peut se demander si la violence des termes n’est pas recherchée comme un signe de puissance : on répond d’abord par l’injure et on règle les problèmes entre soi. La disparition de ces pratiques des registres de la ville témoigne pour le moins de l’acceptation d’une nouvelle norme comportementale, si ce n’est de son application.

Le tabou des paroles indignes est respecté par les conseillers durant toute la période, sauf en 1519. Fait rare, les registres renferment la trace d’un glissement lexical pour le moins surprenant, alors que le secrétaire cherche à préserver ses écrits des termes grossiers ou vulgaires. Les conseillers évoquent le risque d’une nouvelle épidémie de peste et pour tenter d’éviter la contagion « a esté chargé ledict procureur se retirer devers le corrier et autres officiers de monsire l’arcevesque pour faire vuyder les maraulx putaniers qui sont venuz en ceste ville puys ung moys en ça, aussi les religieux qui viennent et sont chassez de Paris à cause de la peste, et faire vuyder les exgiptiens 1138 qui sont en ceste ville » 1139 . Il est étrange que les conseillers osent s’exprimer ainsi, mais ce genre de propos est peut-être dû au fait que dans leur esprit, un maraud ne fait partie ni de leur groupe, ni de la communauté urbaine. Le mépris autoriserait les écarts de langue.

Toutes les municipalités prennent des mesures pour punir les agressions verbales dont pourraient être victimes leurs membres. Ainsi à La Rochelle, tout écart de conduite envers le maire est sévèrement puni. Dès le début du XIIIe siècle, il est décidé que si un bourgeois dit quelque injuste vilenie contre le maire, en sa présence ou en son absence, il sera privé de commune à jamais ; si un bourgeois parle au maire « sans reverance et par arrogance » alors qu’il siège en l’échevinage ou en conseil, il sera privé à jamais de toute place au corps de ville. Ces sanctions sont réellement appliquées : en 1329, un échevin qui s’est permis de dire au maire en plein conseil « qu’il ne sçavoit qu’il disoit et qu’il faizoit le maistre trop de premier » est aussitôt privé de sa place d’échevin et du conseil pour un an et jour, et doit payer une amende de 50 marcs d’argent. Un autre qui a déclaré qu’il ne ferait rien pour le maire, doit faire amende honorable devant tout le conseil, genoux à terre, mains jointes, chaperon au cou 1140 .

La norme comportementale qui veut que les conseillers emploient un langage châtié se transforme rapidement en censure : les injures sont taboues dans le consulat, par conséquent lorsque des incidents sont rapportés, les insultes ne sont que rarement précisées, et ce dans des cas bien précis. On peut en effet établir une typologie de la présence des injures dans les registres du consulat. Lorsque l’honneur des conseillers est attaqué par des propos insultants, le secrétaire opte pour un style minimaliste, s’interdisant d’écrire dans les registres tout ce qui pourrait être choquant. On ignore quelles peuvent être les grossièretés qui ont été prononcées, on sait seulement, par exemple, qu’un certain Jasseron « a dit certaines parolles injurieuses contre les conseillers en faisant sa queste, en diffamant la barre du pont » 1141 . Ce type de langage est hors norme et ne peut donc figurer dans les registres. Il est possible que le secrétaire refuse d’écrire ces violences verbales parce qu’elles sont sanctionnées par la loi, notamment les blasphèmes. La sévérité de la législation ne fait aucun doute à ce propos : en 1254, La Grande Ordonnance de Louis IX indique que les coupables de blasphèmes seront marqués au fer rouge sur la langue 1142  ; en mai 1397, Charles VI ordonne des peines corporelles pour les grands blasphémateurs et des peines de prison pour les petits ; Louis XI confirme ces directives en 1478 et 1486 1143 . D’une manière générale, les tribunaux sanctionnent les paroles reçues comme  « un défi à la société établie, à la morale consentie ou associées à des comportements subversifs » : les déviances sont nombreuses, mais les plus graves concernent toujours la négation d’une autorité de référence, et dans ce cas, aucune tournure n’est innocente 1144 . Toutes les paroles grossières sont exclues des notes du secrétaire. On peut avancer une deuxième explication à cette attitude : la crainte du scandale. Les conseillers ont toujours peur qu’un scandale ne vienne entacher la réputation du consulat et de ses membres : en juin 1425, les registres consulaires ne font qu’évoquer les lettres anonymes mettant en accusation le consulat sans en donner le contenu 1145 .

Le secrétaire contribue à entretenir cette norme comportementale, notamment en ne rapportant que de façon indirecte les quelques altercations qui ont lieu au consulat, ce qui tempère les paroles prononcées, et les déforme aussi potentiellement. Ainsi en 1471, l’un des conseillers, Guillaume Baronnat, s’emporte violemment contre ses compagnons à propos d’une demande de baisse d’impôt qu’il a faite et qui n’a pas encore été examinée 1146 . Le secrétaire et les conseillers sont choqués par son attitude qui déroge aux règles de courtoisie qui doivent régner entre conseillers. D’ailleurs, dans sa manière de rapporter l’incident, le secrétaire insiste davantage sur l’incongruité du comportement de Baronnat, que sur la validité de sa demande. On sent d’ailleurs la censure qui entoure ce qui peut être dit à l’égard du consulat : les « vociférations et murmuracions » de Baronnat sont condamnées, mais on ignore le contenu de celles-ci et surtout en quels termes il les a prononcées.

Un seul cas échappe à cette règle. Le conflit se passe en 1424 : Jean Caille 1147 , receveur en Lyonnais de l’aide décidée aux Etats de Selles, s’est plaint des retards de rentrée d’impôts. Lorsque le 10 mai 1424, Aymé de Nièvre 1148 et Bernard de Varey 1149 sont désignés pour rejoindre Selles, où le roi a convoqué les Etats du Languedoc, Caille leur donne une lettre pour le chancelier. On ne sait pourquoi, les deux messagers en prennent connaissance et découvrent que Caille les dénonce comme responsables des lenteurs de la perception et comme des rebelles qu’il recommande à la sévérité du souverain 1150 . Le consulat ordonne aussitôt qu’on le « face pugnir du mal qu’il a fait » et il est « démys de tous privilèges et honneurs communs de ville » 1151 . Or, le secrétaire narre un épisode capital de ce conflit au style direct : il s’agit de l’intervention houleuse que fait le frère d’Aymé de Nièvre, Pierre Mandront.

‘« Comme vous savez tous, mon frère, Aymé de Nièvre est allé à Poictiers à sa journée qu’il y a pour le fait de la ville, et pour une faulce lettre que Jehan Caille escript contre lui et autres ambasseurs qui estoient allés par devers le Roy, pour le fait de la ville, et jassoit ce que il ait esté ordonné par deux ou trois fois que la chose se poursuist aux despens communs, toutesfois ledit Aymé y est allé à ses despens, et mieulx vauldroit que l’on parlast d’envoyer argent audit Aymé, qui est en tel danger pour le fait de la ville par le moyen de cellui puant pelletier, et lessier toutes autres choses. Mes vous et vous – en monstrant au doy lesdis Pompierre et Léonart Caille – les destourbés tout.
A quoy ledit Léonart lui a respondu que ledit Mandront estoit aussi puant comme ledit Caille.
Et ledit Mandront lui a respondu qu’il mentoit.
Et ledit Caille lui a respondu que més ledit Mandront mentoit.
Et ledit Pompierre respondit audit Mandront que ledit Aymé avoit ladicte peine à sa coulpe pour ce que s’il eust voulu, il s’en feust aussi bien mis hors comme les autres à qui la chose touchoit comme audit Aymé de Nièvre » 1152 .’

Cette intervention est prononcée d’une manière assez théâtrale et a pour but de déplacer le conflit : il ne concerne plus seulement deux individus, mais deux familles. En effet ni Aymé de Nièvre, ni Jean Caille ne sont présents. Les attaques opposent des membres de leurs fratries : Pierre de Nièvre, dit Mandront, le frère d’Aymé 1153 et Léonard Caille, le frère aîné de Jean 1154 . Cette dispute entre les deux frères des protagonistes du conflit fait apparaître nettement le premier niveau de solidarité dans lequel tout individu est inséré au Moyen-âge : la famille. Mandront dénonce le manque de solidarité que les conseillers ont manifesté à son frère, ce qui est quasiment un manquement à l’éthique consulaire 1155 . Sa rhétorique, bien que marquée par l’émotion, est pensée : il martèle intentionnellement l’expression « pour le fait de la ville », comme pour faire de son frère un martyr consulaire, qui subit une épreuve en faisant son devoir au service de Lyon. Ces répétitions sont aussi une manière habile de culpabiliser les autres conseillers, en leur rappelant l’exemplarité d’Aymé et leur propre médiocrité. Mandront n’hésite pas à dramatiser, pour émouvoir et culpabiliser son auditoire, en soulignant qu’Aymé « est en tel danger » pour le bien de la communauté, et qu’il est donc du devoir des consuls d’honorer la promesse qu’ils ont faite à son frère de l’aider dans cette affaire.

L’énervement le fait ensuite sortir des limites de la bienséance, puisqu’alors qu’il accusait simplement Jean Caille d’avoir écrit une « faulce lettre » au début de son intervention, il en vient à l’insulter, le traitant de « puant pelletier ». Cet écart de langage est surprenant dans la bouche de cet homme, mais l’émotion n’explique pas à elle seule ce manquement à la politesse. On peut se demander s’il ne s’agit pas d’un dérapage contrôlé et assumé : puisque Jean Caille a délibérément rompu la solidarité de classe qui aurait dû le lier à Aymé de Nièvre, il n’est plus digne d’égards. Dans cette logique, Mandront n’hésite donc pas à diffamer publiquement Léonard Caille et Claude de Pompierre, les « monstrant au doy », parce qu’ils seraient complices de Jean Caille 1156 . Les réponses des interpellés ne se font pas attendre ; le secrétaire abandonne cependant le style direct, peut-être pour atténuer l’atmosphère de pugilat régnant à ce moment-là. Caille commence par retourner l’insulte en disant que « Mandront estoit aussi puant comme ledit Caille ». Suit une accusation mutuelle de mensonge, type même de la négation du discours de l’autre dans un conflit, sous une forme un peu frustre. Ces insultes mettent en cause l’honneur des deux familles : c’est l’infamie que chacun cherche à faire retomber sur l’autre, pour l’exclure symboliquement du groupe des notables. La rivalité entre ces familles éclate en plein jour : l’enjeu du conflit devient la place prééminente que chacune veut s’arroger au sein des élites 1157 . Le duel verbal se clôt sur le départ de Mandront, s’en allant « soy corrossant très assertes », et qui par cette attitude donne l’impression qu’il fuit le conflit et s’avoue vaincu. C’est une preuve que le langage est une arme et que celui qui la manie le mieux sort toujours vainqueur, quelle que soit sa légitimité.

Notes
1127.

Cette norme comportementale reste cantonnée à l’attention portée au langage ; il existe des municipalités qui vont beaucoup plus loin. Dans les villes allemandes de cette période, les comportements des membres de la municipalité sont strictement réglés, mais aussi leurs dispositions vestimentaires. Tout manquement est sanctionné par des peines et des amendes : la conduite des conseillers est disciplinée par la contrainte. Voir à ce sujet l’article de E. Isenmann, « Ratsliteratur und städtische Ratsordnungen des späten Mittelalters und des frühen Neuzeit. Soziologie des Rats – Amt und Willensbildung – politische Kultur », dans La ville et le droit au Moyen âge, édité par P. Monnet et O.G.Oexle, Göttingen, Vandenhoek and Ruprecht, 2003.

1128.

J. Tricou, Le livre des confrères…, op.cit., p.23.

1129.

G. Monbello, « Quelques aspects de la pensée politique de Christine de Pisan, d’après ses œuvres publiées », Culture et politique en France à l’époque de l’humanisme et de la Renaissance, Actes du congrès international de l’Académie des sciences de Turin, 1971, études réunies par F. Simone, Torino, 1974, p.43-153.

1130.

Le passage qui suit est tiré de C. Casagrande, S. Vecchio, Les péchés de la langue, Cerf, Paris, 1991 ; et C. Casagrande, S. Vecchio, « Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain : le Décalogue et les péchés de langue », dans La ville et la cour. Des bonnes et des mauvaises manières, sous la direction de D. Romagnoli, Fayard, Paris, 1991, p.89-93.

1131.

Exemples : Henri de Friemar Tractatus decem preceptorum (1324), Jean Nider Preceptorium divine legis (1380-1438), John Wyclif De mandatis divinis (1375), Jean Beets Commentum super decem preceptis decalogi. C. Casagrande, S. Vecchio, « Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain : le Décalogue et les péchés de langue », op. cit., p.94.

1132.

Sermons n°310, n°325, n°328, n°331, dans Jean Gerson. Œuvres complètes, Introduction, texte et notes Mgn. Glorieux, L’œuvre française, Desclée, Paris, 1966, volume VII.

1133.

Le mesnagier de Paris, texte édité par G. Brereton et J. Ferrier, Lettres gothiques, Livre de poche, 1994, I, iii, p.89 ; p107.

1134.

Le mesnagier de Paris, op.cit., I, iii, p.127. On peut aussi citer les enseignements d’un père noble à son fils (milieu du XVe siècle) : « c’est belle chose à un homme noble, soit prince ou comte ou autre de moindre degré de noblesse, d’avoir silence en la bouche. Et j’entends par silence mesure et tempérance de parole » ; « chasse de toi, s’il y est ce très damné et maudit vice d’être menteur ; sois vrai disant et prends mesure de ton langage ; jamais un jeune homme n’est blâmé de peu parler. Et souviens toi d’avoir silence en la bouche » ; « aie souverainement crainte et honte de blâmer Dieu notre créateur, le renier, le défier et faire vilains serments détestables, jouer aux dés ou à d’autres jeux qui sont déshonnêtes et défendus ». Ghillebert de Lannoy, Œuvres, édition Ch. Potvin, Louvain, 1878, p.447-472.

1135.

1417, RCL1 p.80.

1136.

Il s’avère que Humbert de Varey a épousé Guillaumette de Nièvre, cousine dudit Aymé. Des liens entre ces deux familles font plutôt envisager que le conflit oppose bien uniquement ces deux individus.

1137.

1421, RCL1 p.316.

1138.

« Egyptien », c’est-à-dire « de l’Egypte » s’applique à cette époque aux personnes membres de tribus nomades, en général des tziganes d’Espagne, qu’on croyait originaires d’Egypte. L’emploi de ce mot est assez surprenant car d’après différents dictionnaires d’ancien et de moyen français consultés, ce terme est rare avant le XVIe siècle (le terme de gitan n’apparaît que fin XVIe, c’est un emprunt à l’espagnol gitano, issu par aphérèse de Egiptano).

1139.

1519, BB37 f294v.

1140.

R. Favreau, « Commune et gens du roi à La Rochelle (début XIIIe-début XVe), La ville au Moyen-âge, op. cit., p.422-423.

1141.

1426, RCL 2 p.211.

1142.

J.C. Schmitt, « Les images de l’invective », Actes du colloque L’invective au Moyen-âge, Paris, 1993, p.11-20.

1143.

J. Hoareau-Dodinau, « Le blasphème au Moyen-âge. Une approche juridique », L’invective au Moyen-âge, op. cit., p.193-210. B. Leveleux-Texeira, « Dire et interdire. Le discours juridique entre omission et action. L’exemple du blasphème (XIIe-XVIe siècle) », Cahiers de recherches médiévales, n°7, 2000, p.105-128.

1144.

N. Gonthier, « La parole condamnée d’après les relations judiciaires de la fin du Moyen-âge », Conformités et déviances au Moyen-âge, 2ème colloque international de Montpellier, 1993, Cahiers du CRISIMA, 1995, p.145.

1145.

« …quant es lettres que l’on trouva à Saint-Nizier, dont lesdits maistres de mestiers ont demandé vision, les conseillers leurs ont respondu que, pour obvier à l’exclandre, il est besoing de les tenir secrètes (…). Et néantmoins lesdits meistrez des meistiers ont demandé vision de ladicte lettre trouvée à Saint-Nizier, esqueulx lesdiz conseillers ont respondu qu’ils s’assembleront les dix d’eulx que la virent et tout ce qu’ilz pourront faire sans avoir bruit ne noyse ilz le feront bien et volentiers en complaisans ausdits mestres de mestiers en tout ce qu’ilz pourront », 1425, RCL2 p.138.

1146.

« Est survenuz et entrez audit ostel Guillaume Baronnat, l’ung des conseillers de ladite ville, lequel Baronnat vacquans et entendans les autres dessus nomméz conseillers ses compaignons à ce que dessus. Après ce que icellui Baronnat eust ung peu esté audit conseil avec les dessus nomméz et qu’il eust veu et considéré la manière de procéder par ceulx que dessus esdits roelles et impost, commença à dire, murmurer et vociférer et de ce continuat qu’il n’avoit esté et n’estoit bien justement ne loyaulment fait en ce que desjà avoit esté fait et faisoit en ladite matière. Et que au regart de lui, il n’avoit esté et n’estoit bien justement ne loyaulment ains faucement et mauvaisement tauxéz et imposéz au regart de plusieurs autres, mesmement de Michelet Dulart et du procureur de monseigneur de Lion, disant icelluy Baronnat qu’il ne consentoit ains se opposoit à ce qui avoit esté fait et se faisoit, demandant sur ce acte lui estre faictes par moy notaire dessoubz signé. Et combien que les dessus nomméz conseillers et autres estans avec eulx deussent et invitassent ledit Baronnat qu’il eust pacience et les laisser besoigner et vacquer à ce que dessus, qui requeroit célérité et sur quoy il convenoit de fere promptement response esdits commisseres, et que se ledit Baronnat et autres se sentoient pour grevéz en ce que desjà avoit esté fait et qui encoures n’estoit du tout arresté, ilz le repaieoient avant que conclusion fust mise ; touteffoys ledit Baronnat ne se voulsit de ce contenter ne soy arrester, ains persévérant esdit vociféracions (= cris) et murmuracions (= murmures de mécontentement), yssit et se départit dudit hostel. Après lequel département les dessus nomméz conseillers et autres estans avec eulx furent troubléz et empeschez es leurdit procédure desdits roelle et impostz au moyen dudit Baronnat et desdits parolles, murmuracions et vociféracions », 1471, BB15 f168-69.

1147.

Jean Caille est un grand marchand pelletier de Lyon. Il a été maître des métiers en 1405 et 1408, conseiller en 1407 et 1409 ; il fut aussi élu sur le fait des finances de 1415 à 1429, puis receveur des aides à plusieurs reprises à partir de 1423 ; il est enfin régulièrement porte-parole de la ville à la cour. G. de Valous, Le patriciat…, op. cit., p.324-329.

1148.

Aymé de Nièvre est issu d’une grande famille de drapiers de Lyon. Son père, Aymonin, détient l’une des fortunes les plus considérables de la ville : en 1388, son « estime » s’élève à 7.187 fr. Il possède 73 maisons urbaines, mais aussi de nombreuses pensions, des granges, des vignes, des terres et quelques biens à la campagne. Aymé est conseiller de la ville en 1420, et semble être un personnage assez falot par rapport à son frère Pierre, dit Mandront, l’un des principaux acteurs de la vie politique du début du XVe siècle à Lyon. G. de Valous, Le patriciat…, op. cit., p.228-237.

1149.

Bernard de Varey est un drapier, conseiller 7 fois depuis 1408, en charge en 1424.

1150.

Il s’agit peut-être d’un règlement de comptes. En 1421, Caille est envoyé négocier le montant de l’aide que la ville de Lyon doit fournir au roi, or à son retour, ses négociations suscitent un tollé général, car on l’accuse à mots couverts d’avoir fait la politique du roi, plus que celle de la ville. Le ressentiment enfle à son égard en ville si bien qu’il vient au consulat et « se [plaint] d’aucuns, tant conseillers que autres, qui ont semé aucunes parolles injurieuses contre lui, pour ce qu’il est commissaire de la présente taille », 1421, RCL1 p.311. Pour calmer le jeu, les injures ne sont pas notées et la levée de la taille a lieu normalement, mais nombreux sont ceux qui gardent en mémoire cet épisode, à commencer par Jean Caille : il n’est pas impossible que Nièvre, conseiller en 1421, et Varey, notable, aient été impliqués dans les injures contre lui. Les règlements de comptes entre honorables hommes sont chose courante à l’époque : « la concurrence pour obtenir avantages, charges et offices, nourrit de solides haines entre les notables », (N. Gonthier, Délinquance, justice …, op.cit., p. 176).

1151.

1424, RCL2 p.99.

1152.

1426, RCL2 p.183.

1153.

Mandront est un personnage clé du monde politique lyonnais de l’époque : il est maître des métiers des terriers en 1418, et consul en 1393, 1419 et 1420. C’est aussi un chef de guerre de la commune, pris comme lieutenant par Imbert de Groslée, bailli de Mâcon : c’est l’exemple même de ces hommes fidèles à la fois au roi et à la ville. G. de Valous, Le patriciat…, op.cit., p.227-237.

1154.

Léonard Caille est lui aussi un éminent représentant des élites lyonnaises : très riche marchand pelletier, il est quatorze fois consul entre 1384 et 1424, et treize fois maître des métiers. A partir de 1405 c’est l’un des receveurs de l’œuvre du pont du Rhône ; il s’occupe aussi de la vérification des comptes et joue activement le rôle de banquier de la ville. Mais le prestige de Léonard Caille et de son frère Jean, est d’abord dû à leur métier de pelletier : ce sont eux les grands marchands de fourrures chez qui se font tous les achats importants pour les princes de France et leurs filles ; Monseigneur de Savoie délaisse les pelletiers de Chalon pour aller se procurer dans la maison Caille les fourrures rares telles que les peaux de loup-cervier en 1417. G. de Valous, Le patriciat…, op.cit., p.227-237 ; p.324-330.

1155.

La ville médiévale est un lieu de fortes solidarités, qu’elles soient verticales, c’est-à-dire incluant des individus issus de différentes catégories sociales, ou au contraire horizontales, regroupant des gens venant d’un même milieu. La sociabilité débute dans le voisinage, mais elle s’exprime aussi dans les confréries. Ces dernières ont des modes de fonctionnement ressemblant à ceux du consulat, et celui-ci partage les valeurs promues par ces associations, puisque ses membres sont nécessairement inscrits dans l’une d’elles. Les statuts de la confrérie de la Trinité à Lyon (A. Guigue, Le livre des confrères de la Trinité de Lyon (1306-1792), Lyon, 1898), l’une des plus importantes de la ville, vivier du consulat, il est dit que « nul des confrères contre son frère pour un homme estrange (ne doit parler) en cause criminelle, mais s’il estoit chose nécessaire, le défendre ». Attaquer Jean Caille au nom de la ville serait renier la notion de solidarité qui lie les membres de l’élite. Caille est au centre d’un réseau d’individus unis par des liens familiaux, économiques ou fraternels. Le fait d’avoir été maître des métiers des pelletiers et d’appartenir à la confrérie de la Trinité, le place en effet au cœur de plusieurs groupes de solidarité. Il use de son influence pour tenter de faire plier le consulat

1156.

Comme on l’a vu précédemment en 1417 lors du conflit avec Audry Nantuas, Claude de Pompierre et Jean Caille semblent amis.

1157.

On assiste à un conflit entre une famille installée à Lyon depuis le XIIIe siècle, les Nièvre, qui participa activement à la création d’un consulat à Lyon, et des patriciens de fraîche date, les Caille, qui ne sont pas mentionnés dans les actes de la commune avant 1358. Dans cette première moitié du XVe siècle, les Caille font partie de cette nouvelle élite sociale, issue de gros marchands qui se substitue progressivement aux anciennes familles dirigeantes.