Chapitre 2. La remise en cause du modèle

Le chapitre précédent a montré comment se construit l’identité consulaire, ou du moins l’image que le consulat souhaite donner de lui, à la fois à ses pairs, à sa population mais aussi à tous les autres pouvoirs. Mais cette identité est-elle aussi claire que les registres veulent bien la présenter de prime abord ? Ce groupe si uni, mais aussi tellement lisse, est-il bien une réalité ou seulement une construction ? Dans toutes les cités où l’institution municipale a été étudiée, Y. Barel souligne que « la production et la reproduction du patriciat apparaissent comme un processus partiellement contradictoire. Fusion et différenciation s’effectuent au milieu d’une conjoncture, où selon les époques le patriciat reste plus ou moins ouvert aux nouveaux venus ou au contraire se ferme à eux » 1277 . En effet, si le patriciat en tant que groupe a le monopole du pouvoir, les patriciens sont généralement trop nombreux par rapport au nombre de places. Ceux qui sont exclus cherchent donc en permanence à prendre possession de ces places. Les luttes au sein des élites sont ainsi permanentes, et d’une manière générale on remarque chez ces élites une tendance très nette à la fermeture vers la fin du Moyen-âge.

Qu’en est-il à Lyon ? La formation identitaire qui s’élabore au cours du XVe siècle exclut-elle pour autant un processus de différenciation interne ? L’image idéale du consulat lyonnais consacrée par les registres de la ville n’est-elle pas un masque ? La construction d’une identité consulaire est intimement liée aux hommes qui accèdent au pouvoir, or l’historiographie lyonnaise a mis en lumière la double composante du groupe consulaire : G. de Valous, R. Fédou et H. Gascon 1278 ont montré que marchands et hommes de loi constituent deux entités au sein du consulat. On peut donc s’interroger sur leurs rapports : sont-ils sous le signe de la complémentarité ou de la concurrence ? Y-a-t-il donc un ou des modèles consulaires ? En outre le consulat est présenté dans les registres comme un pouvoir qui se consolide de façon volontariste tout au long du siècle : n’a-t-il pour autant rencontré aucun problème, aucune crise ? Ne peut-on pas trouver en creux dans les registres, des indices prouvant que cette évolution n’est pas aussi limpide ?

Notes
1277.

Y. Barel, La ville médiévale..., op. cit., p.90.

1278.

G. de Valous, Le patriciat lyonnais…, op. cit. ; R. Fédou, Les hommes de loi…, op. cit. ; R. Gascon, Grand commerce et vie urbaine…, op. cit.