Dans le premier chapitre de cette seconde partie, nous avons vu comment le pouvoir consulaire cherche à renvoyer une image modèle dans les registres de la ville, correspondant à son idéal politique 1568 . Cette aspiration est commune à tous les conseillers qui se succèdent, il n’empêche que leur groupe n’est ni uni, ni uniforme. Marchands et hommes de loi ont une culture différente et un rapport au pouvoir complexe : les premiers, héritiers des familles qui firent la commune au XIVe siècle, hésitent à laisser les seconds prendre de l’importance au sein de l’institution municipale. Comment, dans ces conditions, une culture consulaire commune peut-elle s’élaborer ?
L’élaboration d’une identité de groupe est l’objet de nombreuses analyses en sociologie 1569 . L’identité se construit par rapport à d’autres, par des mouvements d’assimilation et de différenciation. Les groupes n’existent que dans leurs rapports aux autres, qui leur permettent la prise de conscience de leur spécificité et qui sont aussi source d’échanges, d’emprunts et de transformations. Chacun se sent semblable aux membres de chaque groupe auquel il appartient, c’est « l’endogroupe », mais en est aussi séparé par un sentiment de distinction : « l’identité sociale se définit et s’affirme dans la différence » 1570 .
Dans le cas du consulat lyonnais, les juristes prennent le pouvoir dans le consulat sans pour autant supplanter numériquement les marchands, et tout en étant confrontés à une certaine animosité de la part des plus conservateurs de ces derniers. La prise du pouvoir par les hommes de loi change-t-elle quelque chose dans les actions du consulat ? Leur suprématie implique-t-elle que leur culture s’impose aux autres ? Quelles mutations, quels choix identitaires sont conduits à faire les membres du consulat ?
« Un groupe est défini autant par son être-perçu que par son être », P. Bourdieu, La distinction, Editions de Minuit, Paris, 1979, p.563.
Ces analyses sont résumées dans un article de E.M. Lipiansky, « Comment se forme l’identité des groupes », L’identité : l’individu, le groupe et la société, coordonné par J.-C. Ruano-Borbalan, Sciences humaines éditions, Auxerre, 1998, p.143-150.
P. Bourdieu, La distinction , op. cit., p.193.