b) Critères culturels et désignation des commis du consulat.

Les marchands du consulat adoptent donc le langage des hommes de loi pour décrire l’écrit : ce changement est très pragmatique, les marchands ont conscience de l’importance grandissante du droit et de son intérêt dans la gestion et la maîtrise de pouvoir consulaire. Il ne s’agit cependant que d’un vernis culturel, l’aptitude à employer des mots spécialisés n’implique aucunement l’abandon d’une part de la culture marchande. On ne pourrait véritablement parler d’une acculturation de ces hommes que s’ils renonçaient à certaines de leurs valeurs, pour adopter une partie de celles des juristes. Peut-on repérer un tel changement dans les registres ?

Pour répondre à cette question, nous avons décidé d’examiner les critères qui président à la désignation des commis et des envoyés du consulat : ces individus représentent le consulat dans la ville ou en France, ils doivent donc être à l’image des conseillers. Peut-on déceler une évolution de ces critères au cours du siècle ? Comme pour les études précédentes, 1447 nous servira de césure.

Dans la première moitié du XVe siècle, quels critères servent à désigner les représentants du consulat ?

Critères de désignation des commis de la ville (1417-1447).
 
Critères 1764
Renommée et qualités morales Connaissances Habileté oratoire
1417 Honnorable homme
Aucune notable personne
Ung homme espécial seur
Espers
Espers
Une notable personne entre les autres qui sache parler et respondre
1427 Notables personnes
Notables personnes
   
1434 Personnes saiges et preudommes
Notables personnes
Notables personnes et saiges
Personnes notables
   
1447 1765      

La renommée, les qualités morales sont des critères essentiels : les adjectifs « notable », et « sage » sont ceux qui reviennent le plus fréquemment, associés parfois à « seur » ou « prudhomme ». Le choix des représentants de la ville se fait à partir des valeurs qui président au choix des conseillers eux-mêmes : leur réputation est plus importante que leurs aptitudes. Rappelons que le principal qualificatif que se donnent d’ailleurs les conseillers est celui « d’honnorables » 1766 . Ils se disent aussi « saiges », en souhaitant se présenter comme les autorités vers lesquelles on peut se tourner, ils sont qualifiés pour cela. Il n’est donc pas étonnant qu’on fasse ensuite référence à leurs connaissances pour pacifier des débats : ils ont le savoir, ils font référence 1767 . Le critère de connaissance apparaît sporadiquement, mais il est toujours là lorsqu’il s’agit de problèmes juridiques ou techniques : on fait toujours appel à un spécialiste de droit dans ces cas là, ou à un artisan.

L’habileté oratoire n’est pas un des critères déterminants. Cependant pour être exact, on trouve des exemples pendant cette période où l’art de la parole est requis chez les commis à certaines charges : en 1421, on désigne pour aller devant le Dauphin des gens notables mais surtout « qui ayent audace de parler » 1768  ; on félicite Ymbaut de Bléterens qui a été envoyé devant le doyen et qui « lui a assés respondu tant que ledit doyen en a esté content » 1769 . De même, lorsque les conseillers chargent le secrétaire d’aller négocier à la cour des Elus la commission de la taille de la ville, ils lui commandent que « que toutes les excusations que [il pourrayt] dire que [il] les dit, pour non prendre ladicte commission et au fort s’il fault que la preigne, [il] la [prendra] avec protestation » 1770 . Le consulat cherche à envoyer en mission des gens qui maîtrisent la rhétorique, qui sachent convaincre. Il n’est pas fait systématiquement recours aux juristes, peut-être par crainte de leur donner trop de pouvoir. Ainsi en 1420, on choisit Claude de Pompierre, terrier, pour « [porter] les parolles pour la ville par devant monseigneur le Daulphin » 1771 . Le conseiller juridique de la ville prend cependant de plus en plus de place, et à la fin des années 1440, on fait souvent appel à lui pour « pour porter lengage » 1772 devant les grands. Les conseillers restent cependant prudents et n’hésitent pas à mettre des garde-fous en délimitant précisément le pouvoir de ces envoyés : ils ne leur délèguent qu’une toute petite partie de leur pouvoir, spécifiant bien qu’ils « tracteront le mieulx qu’ils porront et n’auront aucune puissance de conclurre pour le présent, fors tant seulement de rapporter au commun ce qu’ilz auront fait » 1773 .

L’image d’un monde autocentré est visible dans les qualités requises pour servir le consulat : les adjectifs retenus sont les mêmes que ceux donnés par les maîtres des métiers pour choisir les conseillers, c’est donc la reproduction du modèle consulaire dans toutes les sphères de compétences qui est mise en avant ; renommée et qualités morales sont les conditions d’obtention des charges, parce qu’elles sont les valeurs clés du monde des marchands. Ce modèle consulaire se trouve aussi dans les professions de foi des commis qui doivent faire serment « de non faire autres choses que pour la ville » 1774 . Ils s’engagent sur de nombreux points : le premier est celui de la loyauté et de la fidélité envers la ville, comme l’ont fait aussi les conseillers. L’interdiction de venir à l’encontre des intérêts de la ville est affirmée avec véhémence : le commis s’engage à n’avoir qu’un seul maître, la ville, ce qui peut sembler très autoritaire puisque nombreux sont ceux qui servent aussi le roi ou l’archevêque, à commencer par les conseillers. Cette position tranchée s’explique peut-être par le fait que le commis a une tâche spécifique à accomplir et qu’elle ne souffre aucun délai. Ceux qui occupent d’autres offices sont susceptibles de ne pas être assez disponibles, d’ailleurs le consulat se trouve obligé en 1434 de destituer Etienne Guerrier, « admodureur », parce qu’il « a pluseurs autres occupations, tellement qu’il ne puet vacquer continuellement ausdictes amodurations » 1775 . Cette erreur de recrutement est un désaveu pour eux, ils risquent en plus d’être soupçonnés de favoriser des gens qu’ils connaissent, au détriment de personnes réellement compétentes. C’est pourquoi le secrétaire ne cache pas cette erreur : au contraire il la note pour souligner le mea culpa des conseillers et leur clairvoyance. Ce type d’exemple n’est là que pour rehausser l’image des conseillers après des choix contestables.

Fort peu de problèmes avec les commis sont relatés dans ces années là. On remarquera seulement une allusion peu ordinaire du secrétaire à une défection : Jean de Chaponay, commis à se rendre devant monseigneur de Bourbon à Anse, « n’y povoit aller pour les fièvres qu’il avoit prins la nuyt précédent » 1776 . Il est surprenant que le secrétaire note des évènements aussi personnels. Cette « fièvre » est une des rares informations affectives qui soit donnée sur les membres du consulat ou ceux qui travaillent pour lui : il existe une certaine pudeur à parler de choses appartenant à la sphère de l’intime, certainement aussi parce que le corps est tabou. Ce type de détails est peut-être aussi jugé indigne de figurer dans les pages des registres consulaires. Les seuls cas où le secrétaire s’autorise des débordements pour expliquer des problèmes personnels, concernent des pauvres gens qui demandent une modération ou une suppression de leur impôt 1777 ou bien à qui il est arrivé des ennuis, alors qu’ils servaient la ville 1778 . Cependant dans ces exemples, les propos restent très stéréotypés : il n’y a pas d’empathie avec ces gens. L’affectif est réservé aux pauvres, les informations objectives aux membres du consulat : on ne parle pas de leur intimité ni de leur famille, parce que c’est indécent.

Mais dans les moments critiques, pour de vraies missions de confiance, les conseillers ne choisissent pas des commis parmi les notables de la ville, mais parmi les membres du consulat 1779 . D’une manière générale, ceux qui sont choisis sont en majorité des marchands, il y a encore peu de juristes dans ces fonctions. L’image de la ville, des conseillers et de leurs serviteurs est la même, diffractée. Tout converge vers une unité de ton, une recherche de l’unanimité et de l’identique.

Dans la seconde moitié du siècle, ces critères évoluent, comme le montre le tableau suivant.

Critères de désignation des commis de la ville (1457-1517).
  Critères
  Renommée et qualités morales Connaissances Autres
1457 1780      
1467 Homme seur Gens bien instruyz et advertiz
Sage et expers et aiant et cognoissance à court
Homme expers
Homme propice et convenable
Gens propices et discrets
1477     Personnage expert, propice, souffisant et ydoine
Souffisant et ydoyne
1487 Bons personnages sages et discretz Ung homme clerc cognoissant fort de procès
Gens intruitz des afferes de la ville
Personnages propices
1497 Bon personnage d’apparence   Homme propre
1507 Homme de bien 1781   Ung notable et expert
1517     Bons personnaiges ydoines et expérimentez
Bons personnaiges bien instruictz
Bon et loyal, souffizant et expert

La renommée, les qualités morales, critères dominants de la première moitié du XVe siècle pour les marchands qui dirigent alors le consulat, existent toujours 1782 , mais ils sont désormais associés à la notion de compétence, et plus seulement à celle de discernement 1783 . La réputation ne suffit plus pour se faire entendre auprès du roi ou des grands : elle ouvre des portes, permet certes des appuis, mais sans la connaissance et l’intelligence des sujets que l’on défend, les mots n’ont pas de poids 1784 . En 1478 on décide ainsi de reconduire messire Garnier « actendu qu’[il] a desja encommencé à poursuyvre la matière et scet et est informé de tout et, avec ce, a entrée au grant conseil et cognoissance à monseigneur le chancellier et cognoit procureur et advocat, meilleur sera que ledit messire Garnier y retorne que autre » 1785 . Quand une affaire piétine ou se trouve en posture délicate, on ne choisit plus nécessairement le marchand qui a la plus grande réputation, on prend « ung bon personnage qui ait sens, audasse et entrée pour informer et advertir le seigneur des charges et affaires de ladite ville et que icelle n’est point telle qu’on luy baille le bruyt » 1786 .

Les juristes savent faire évoluer le consulat : pour réussir en politique il faut une formation particulière, une culture spécialisée 1787 . Ils profitent de ces changements qui font d’eux des personnes indispensables : en 1463, après l’échec du procureur pour faire vérifier les lettres des foires, on décide d’envoyer Jean Grant, docteur en droit, pour tenter de régler cette affaire : « auquel ont prié et requis prandre de ce charge, lequel leur a respondu qu’il y délibèrera et pensera encoures avant et demain leur fera response ». Le lendemain il « s’est déclairé que quant il ne trouveront autre plus propre que luy que pour servir tousjours la ville et le bien publicque d’icelle, laquelle déclaration ainsi faite, ont appoincté » 1788 . Ce juriste est en position de force : il se sait indispensable pour le consulat et n’hésite donc pas à faire patienter les conseillers avant de donner sa réponse, empreinte d’une fausse modestie flagrante.

Il existe une sorte de consensus entre les valeurs des marchands, représentées par l’attachement à la renommée 1789 et celles des juristes, centrées sur les connaissances et l’art de la parole 1790 . Mais jusqu’à la fin du XVe siècle, le vocabulaire biaise quelque peu : ces hommes ne sont pas dits « notables et experts », ou « sages et instruits », au contraire, on trouve rarement de couples de ce genre. On préfère un adjectif plus général, qui résume tout sans devoir l’expliciter : « propice », « convenable », « ydoyne », « propre » 1791 . Il faut attendre le début du XVIe siècle, pour que les critères fassent explicitement la part belle à ces deux aspects, et soulignent l’influence mutuelle qu’exercent ces deux groupes l’un sur l’autre. Les valeurs communes qu’ils ont adoptées deviennent la norme 1792  ; mais ces hommes se rendent aussi compte que le monde change et que désormais pour être reçu par un grand ou même par le roi, il faut avoir ses entrées 1793 .

Marchands et juristes inventent donc une nouvelle manière de s’exprimer, traduisant leurs compromis et leur influence mutuelle : des mots nouveaux pour traduire leur entente, des termes identifiant les valeurs communes qu’ils ont adoptées. L’image du consulat ne peut pas être seulement celle du monde des juristes : bien que leur domination soit une réalité, une certaine influence mutuelle entre leur monde et celui des marchands est tangible dans l’évolution de ces critères. L’assimilation ne s’est pas faite à sens unique : c’est particulièrement visible dans l’image que les conseillers ont de leur ville. Elle est la même en 1510 qu’en 1450 : Lyon jouit d’un grand renom 1794 , d’abord grâce à ses foires et à ses marchands. Mais il n’est pas bon de trop faire connaître sa richesse, car elle risque d’attirer les convoitises 1795 , c’est pourquoi il convient de toujours rester modeste, voire de minimiser la prospérité de la ville 1796  : ce sont des idées typiques des marchands.

Le mélange de ces deux cultures est en outre visible au sein de quelques grandes familles consulaires où juristes et marchands voisinent. Ce peut être le résultat de mariages 1797 , mais c’est aussi le témoignage que certains grands marchands poussent leurs fils à s’engager dans une carrière juridique 1798 , ou que les deux professions sont également représentées dans les familles 1799 . Il n’y a donc ni tentative d’imposer arbitrairement leur culture de la part des hommes de loi, ni refus systématique des marchands de voir évoluer leur culture. Un groupe ne remplace pas vraiment l’autre, il y a plutôt une fusion, ce qui explique aussi en partie que la domination des juristes puisse exister, sans qu’ils soient numériquement supérieurs aux marchands au sein du consulat.

Notes
1764.

Dans cette optique nous avons relevé tous les termes spécifiant les qualités requises pour être chargé de mission ou commis lors des années repères.

1765.

Aucune indication n’a pu être trouvée pour 1447.

1766.

1417, RCL1 p.48. Pour l’analyse des qualificatifs consulaires voir le chapitre précédent sur les « Registres consulaires ». L’adjectif honorable est associé à tous les conseillers ; ceux de Saint-Flour comme ceux de Dijon, qu’étudient A. Rigaudière et T. Dutour, sont aussi qualifié d’honorables.

1767.

L’adjectif « sage » est une qualité couramment associée à ceux qui ont des responsabilités et justifie le choix de ces hommes pour des missions ou des actions de confiance. B. Guenée souligne que dans la Chronique de Charles VI du Religieux de Saint-Denis, ceux qui sont qualifiés de « sages » sont l’élite de l’élite, ceux qui ont autorité (connétable, chancelier, maréchal de France, conseillers du roi, théologiens, conseillers du parlement,…). B. Guenée, L’opinion publique à la fin du moyen-âge d’après la « Chronique de Charles VI » du Religieux de Saint-Denis, Paris, 2002, p.150-152.

1768.

1421, RCL1 p.331.

1769.

1421, RCL1 p.313.

1770.

1435, RCL2 p.429.

1771.

1420, RCL1 p.219.

1772.

« … considéré par eulx les charges et affaires, plaiz et procès de ladite ville, esquelles pourveoir il est nécessaire plus que jamais d’avoir conseil, les dessus nommez consulz ont retenu pour conseil de ladite ville et es clause, plédoyeries et autres affaires d’icelle touchant point de droit et aussi pour porter lengage devant seigneurs, se mestier estoit, c’est assavoir maistre Jacques Bennot, licencié en loys », 1448, RCL2 p.562.

1773.

1427, RCL2 p.216.

1774.

1417, RCL1 p.53 ; « a juré de non y faire autre chose que le fait de la ville », 1427, RCL2 p.221.

1775.

1434, RCL2 p.385.

1776.

1434, RCL2 p.403.

1777.

Quelques exemples : « ilz ont exempté des terraux cy en là la grosse Tiévena, attendu sa povreté et sa vieillesse et aussi qu’elle a tousjours peiné de mander les exposées et les annuaulx », 1433, RCL2 p.352 ; « ont mis et admodéré Pierre Billiet, costurier, attendu sa vieillesse et qu’il ne fet guières de son métier, à VII solz VI deniers pour taillie entière », 1446, RCL2, p.501 ; « veu une supplication baillée par la releyssée de Jehan Jalie alias Gorguillion, naguère tué aux jostes, et attendu la charge d’enfans et povreté d’icelle, ilz l’ont remis et amodéré à X solz pour taillie d’un denier », 1446, RCL2 p.502.

1778.

Les conseillers offrent ainsi 20 s.t. à un nommé Bachelar car « ledit povre homme fut très fort bleciés, en la tour et sur la porte des Farges où il faisoit le guet, par la fouldre, et tellement qu’il est en aventure de demourer impotent », 1419, RCL1 p190.

1779.

En 1434 « ilz ont ordonné les clés de Saint Marcel, pour ce moys de décembre, à Bernet et Girert de Varey ; les clefs du pont du Ron, à Pierre Beaujehan et Pierre Brunier, et les clefs de Bornuef à Léonart Masson et maistre Jehan Palmier », 1434, RCL 2 p.404. Tous les individus cités sont des consuls…

1780.

Aucune allusion à des chargés de mission n’est faite, nous n’avons aucune indication à reporter pour nos comparaisons.

1781.

Quatre apparitions : BB25 f100v, f101v, f103, f107.

1782.

C’est aussi vrai pour les chargés de mission qui véhiculent l’image de la ville à l’extérieur : on exige honnêteté et loyauté, efficacité, mais la première des vertus est la prud’homie, signe de moralité et d’un honneur sans tâches Le dévouement est la clé d’une bonne équipe servant les conseillers : tous ces hommes insistent sur leur devoir, leur désintéressement ; leur soumission à l’intérêt commun. Exemples : « … informez et soy confians du seurz, loaulté et prudomye de Gilet de Chaveyrie, citoyen de ladite ville », 1457, BB8 f57v ; « confians à plain des sens, diligence et proudomie de André Archimbaud, filz de feu Pierre Archimbaud jadiz mandeur du consulat et peseur du pain de bolongerie de ladite ville », 1464, BB7 f383v ; « homme seur, sage, discret, agréable », 1465, BB10 f70v ; « homme proudonne pour soy prendre garde que vexacion ou molestacion ne soit faicte aux marchands fréquentant les foyres », 1465, BB10 f128 ; « confians à plein des sens, diligence et prodomie de Jehan Chaboud », 1467, BB10 f264 ; « certiffie de la loyaulté, proudomie et bonne renommée dudit Jehan Dosties », 1468, BB15 f8 ; « sens, léaulté et proudomye », 1474, BB12 f83v ; « confians à plein des sens, leyaulté et diligence de honneste personne Alardin Varinier », 1474, BB12 f85 ; « lesdits conseillers, confians des sens, loyaulté et grande diligence dudit Claude Taillemond », 1477, BB14 f32.; « un homme prudent et saiges avecque bonnes instructions et mémoires » BB352, 6 janvier 1482 ; un « personnage saige et de bonne apparence », 1486, BB15 f371.

1783.

L’adjectif « discret » était dans la première moitié du siècle réservé aux seuls conseillers (ex. 1446, RCL2 p.497), il s’applique désormais aux commis de la ville. Ce terme désigne la capacité de juger, d’avoir un bon discernement, ce qui suppose donc de l’expérience et fait la part belle à la subjectivité (voir à ce sujet B. Guenée, L’opinion publique…, op. cit., p.143-145). Désormais, le discernement va nécessairement de pair avec le savoir.

1784.

Pour régler un procès en 1475 on cherche un « homme sage et discret entendant la matière », 1475, BB13 f24v. On envoie devant le roi des « gens notables propices, agréables et bien entendans la matière » des foires réclamées par ceux de Savoie, 1466, BB11 f112.

1785.

1478, BB350, cahier 2, f22.

1786.

BB351, cahier 3, 31 janvier 1480.

1787.

Procès avec ceux du plat pays, on décide d’envoyer « gens notables, clercs et entendans la matière », 1469, BB15 f56 ; on envoie auprès du roi « ung homme bien instruit », BB352, 18 avril 1481 ; pour régler un procès entre les conseillers et l’archevêque on décide d’« envoyer ung homme de ladite ville, le plus seur et expert qu’ilz pourront pour soliciter », 1482, BB17 f24 ; pour la réunion des Trois Etats on choisit « messire Paterin, le procureur général de ladite ville, qui est instruit des afferes d’icelle », 1483, BB17 f97-v.

1788.

1463, BB7 f348v.

1789.

De nombreuses personnes sont toujours recrutées par les conseillers d’abord sur leur renommée comme le laissent penser les expressions les qualifiant : Marc de Navaronne d’Espaigne est chargé de l’office de « corratage » grâce à sa « souffisance, preudommie et loyaulté », 1493, BB20 f102v ; pour choisir un homme pour le poste de guet, « mesdits sires les conseillers ont ordonné que l’en s’enquerra de la vie et bonne fame de luy avant que procéder oultre, actendu que ladite geyte pourroit fere beaucop de maulx s’il vouloit mal versé », 1509, BB28 f100v ; pour l’office de « contrerolleur de la rêve » (contrôleur du droit de rêve), les conseillers choisissent Pierre de Villars « qui leur a semblé estre homme de bien, de bonne conscience et souffizant », 1511, BB28 f321.

1790.

Ces qualités sont aussi parfois mises seules en valeur : on décide d’envoyer devant le roi des « gens qui soient prudent et éloquens et avec hardiesse et amour de la matière » (1492, BB20 f4v) ; quelques années plus tard, toujours pour aller voir le roi les conseillers « doivent envoyer devers luy quelque personnage qui sache aller et parler » (1495, BB22 f64). L’art de la rhétorique est aussi celui de la diplomatie, lors de la première venue du roi à Lyon en 1499, les conseillers élaborent à l’avance ce qu’ils lui demanderont pour la ville et surtout ils décident ce dont ils ne lui parleront sous aucun prétexte afin de placer cette prise de contact sous les meilleurs auspices possibles : « l’on doit taire le remboursement des dix mil francs. Taire l’exemption de la ville. Taire ledit remboursement jusques à une autre foys », 1499, BB24 f201.

1791.

Exemples : « leur a semblé que messire Jehan Palmier, docteur en loys, seroit bien propice et luy ont donné leurs voix s’il en veult prandre charge », 1464, BB10 f26 ; « avoient desja esleuz les personnages qui pour se fere leur sembloyent estre propices, soffisant et ydoynes », 1484, BB15 f259.

1792.

Les commis sont choisis parce qu’ils sont des « personnaiges ydoines et souffisans », 1502, BB24 f357 ; idem 1504, BB24 f442 ; 1509, BB28 f99 ; 1511, BB28 f281v ; aussi parce qu’ils sont « personnaiges de bon conscience et à ce experts », 1511, BB28 f296. Ce mélange de renommée et de connaissance est particulièrement recherché dès qu’on recrute une personne représentant la ville à l’extérieur : ainsi le solliciteur des procès et affaires de la ville de Lyon à Paris, Mathieu de Redonnet, est un « homme diligent, expert et scavant et confians de luy de sa preudommye et dilligence », 1512, BB28 f352v.

1793.

On doit envoyer un homme à la cour, au sujet des foires, « lequel feust de bonne apparence et eust entrée et cognoissance en court pour savoir respondre sur les arguments et charges que l’en vouldroit fere contre ladite ville », 1493, BB20 f105v. En 1511, on apprend que la ville de Troyes a obtenu une foire à Pâques en même temps que Lyon : on décide d’envoyer quelqu’un à la cour pour se plaindre de la concurrence et l’on choisit « Glaude Thomassin pour ce qu’il entend l’affaire et a très bon introite chez messires les chancellier et trésorier général », 1511, BB28 f262.

1794.

« … cestedite ville est une des clefz du royaulme et qui a grant bruit et grand renom », BB351, cahier 3, 28 juillet 1480 ; qu’on pense aussi à l’oraison doctorale de Chanet en 1509…

1795.

Le fantasme de la destruction de la ville à cause de sa trop grande richesse alimente régulièrement la paranoïa consulaire. En 1493, le consulat écrit au roi, car on craint que des « gens du Roy des Romains ou autres amassez en Bourgoigne ou ailleurs ne se veinsent au couverte gecter sur ceste ville pour icelle soubdainement piller, brûler ou gaster », 1493, BB20 f56v. Même chose en 1513 : « les Suysses avoient le plus grant envye du monde de venir en ceste ville pour la pillier et après y mectre le feu ou rançonner le feu de CCCM escuz », 1513, BB30 f263.

1796.

En 1480, l’un des trois marchands élus pour aller à Arras revient, il a réussi à convaincre les officiers royaux de demander quelqu’un d’autre ; le roi en est mécontent, et demande l’envoi immédiat d’un autre marchand sous les 8 jours sous peine d’une amende de 1 000 livres. Une réunion se tient immédiatement où les conseillers et les notables déplorent les exigences du roi, basées sur (soi-disant) une surévaluation des richesses de la ville : « considérans que ladite ville est toujours chargée à cause du grant renon qu’elle a et que ledit renom luy est donné à cause des marchans ytaliens qui y sont retraitz soubz ombre des foyres, lesquels sont pompeulx en abilliemens et apparence et que, en ce et autres chose, ledit renon pourroit porter grant dommaige à ladite ville et au corps commun d’icelle par faculté de remonstrance, leur a semblé qu’il seroit bien nécessaire envoyer devers le roy ambaxade pou remonstrer audit seigneur la vérité de la chose et comme ostez lesdits marchans estrangiers ytaliens, c’est une pouvre chose de ladite ville », BB351, cahier 3, 27 janvier1480. En 1483, on envisage d’ailleurs de prendre une loi somptuaire pour rendre moins visible la prospérité de la ville : « il estoit vray que depuis le commencement des foyres ou festes de ladite ville, les habitans d’icelle s’estoient merveilleusement eslevez en grans et pompeulx estatz et habilements (…). Et à ceste cause, ladite ville avoit plus grand apparence de richesse et pour ce estoit au moyen de ce se faisoient et commectoient de grands, énormes et exécrables vices et péchez et tellement que se remède n’y estoit briefvement mis, estoit fort à doubter que ladite ville et habitans d’icelle n’eussent beaucoup à souffrir », on propose donc l’instauration d’une loi somptuaire car « bon seroit de donner quelque ordre pour réprimer l’abbuz qui se fait touchant lesdits estatz », 1483, BB17 f70v-71v. Rien n’est cependant adopté.

1797.

Quelques exemples : Mile Baronnat, drapier (conseiller en 1436 et 1446) est le beau-frère de Guichard Bastier, docteur en droit (conseiller en 1433, 1436, 1445 et 1453) ; Audry Chevrier, drapier (conseiller en 1420, 1422 et 1425) est le beau-frère de Jean Paterin docteur en droit (conseiller en 1428, 1430 et 1433) ; Guillaume Dodieu, changeur (conseiller en 1469-1470 et 1474-1475) est le gendre de André Porte, docteur en droit (conseiller 5 fois entre 1438 et 1465) ; Michelet Dulart, mercier (conseiller 8 fois entre 1452 et 1486) est le gendre de Jean Palmier, docteur en droit (conseiller 7 fois entre 1422 et 1439)…. Ces mariages permettent d’ailleurs parfois aux juristes de poursuivre leurs études : ainsi Pierre Balarin paye son doctorat grâce à son mariage avec Jaquemette Dodieu, fille de l’un des plus gros marchands de Lyon. (B. Chevalier, Les bonnes villes…, op. cit., p.140).

1798.

Quelques exemples : Jean de Beaujeu (conseiller en 1491-1492) est changeur, et son fils Aynard (conseiller en 1510-1511) est licencié en droit ; Jacques Caille (conseiller 5 fois entre 1457 et 1478) est épicier, et son fils Jean (conseiller en 1486-1487, 1493-1494) est docteur en droit ; Paquet Le Charron (conseiller 5 fois entre 1437 et 1452) est drapier et son fils Claude (conseiller en 1497-1498 et 1502-1503) est docteur en droit ; Jaquemet Porte (conseiller en 1425, 1427 et 1431) est mercier et son fils André (conseiller 5 fois entre 1438 et 1452) est docteur en droit …

1799.

Quelques exemples : Amé Bullioud (conseiller 6 fois entre 1493 et 1521) est mercier, et son oncle Guillaume (conseiller en 1472-1473) est docteur en droit ; Jaquemet II Torvéon (conseiller 9 fois entre 1431 et 1468) est mercier, son fils Jacques (conseiller 4 fois entre 1471 et 1518) est mercier aussi, mais son fils Pierre (conseiller en 1478-1479) est docteur en droit…