Chapitre 1. Les assemblées lyonnaises

A partir du XIIIe siècle, le monde occidental connaît une prolifération des assemblées. Outre les habituels synodes du clergé séculier, les chapitres provinciaux ou généraux des ordres monastiques et les conciles généraux 1856 , se développent avec le phénomène urbain les conseils communaux 1857 , les assemblées régionales de villes réunies en ligues, les assemblées provinciales ou nationales de notables, de nobles ou de représentants des trois états 1858 . La pratique des assemblées laïques n’est pas limitée à celle des municipalités urbaines. A partir de la fin du XIIIe siècle, les communautés rurales s’organisent aussi, l’assemblée des villageois est caractéristique des villages ayant acquis des franchises municipales 1859 .

A Lyon, comme dans de nombreuses cités, différents types d’assemblées se mettent en place : un conseil restreint, qui ne regroupe que les conseillers et que nous avons étudié précédemment, et des assemblées élargies, soit avec l’ensemble de la population, soit uniquement avec ses représentants, notables et maîtres des métiers. Ce sont ces assemblées là qui nous intéressent à présent. Avant d’analyser, dans un second chapitre, les prises de paroles et les comportements individuels, il convient d’abord de comprendre comment fonctionnent ces assemblées, ce qui revient à se poser plusieurs questions. Quand et où se réunit-on ? Qui participe ? Comment se déroule une séance ?

Ces aspects seront traités en deux temps : d’abord nous nous intéresserons à la préparation des assemblées, le choix de la date, du lieu et des participants ; puis nous verrons leur déroulement, de l’installation des présents à la prise de décision et à la conclusion.

Notes
1856.

L’Eglise pratique depuis le haut moyen-âge ces formes de collégialité : le concile est sa forme. Il peut être oecuménique ou national. Le concile de Latran IV fait aussi obligation de tenir des conciles locaux, réunissant les évêques d’une province, ainsi que les principaux dignitaires séculiers et réguliers. Dans ces réunions, chacun délibère et vote, exprime son avis par oral ou par écrit. Pour gouverner, chaque évêque doit aussi rassembler des synodes, mais la plupart ne nous sont connus que par des mentions fortuites, et ne peuvent constituer un outil de comparaison significatif. Le clergé régulier dispose lui aussi d’assemblées : généralement, après la messe, les membres d’une communauté se réunissent autour de leur supérieur dans la salle capitulaire de leur abbaye, pour examiner les problèmes de la vie commune. F. Rapp, L’Eglise et la vie religieuse en Occident à la fin du Moyen Age, PUF, 1971.

1857.

Dans le cadre urbain, les associations de métiers convoquent aussi des assemblées générales de leurs membres au moins une fois par an. Maîtres, apprentis et compagnons participent pour statuer sur les problèmes les plus importants et pour désigner ceux qui devront faire respecter les règlements (P. Lambrechts et J.P. Sosson (éd), Les métiers au Moyen âge, Louvain-la-Neuve, Université catholique de Louvain, 1994). Dans les confréries, la fête annuelle du saint patron est aussi l’occasion, en plus d’une messe et d’un banquet, d’une réunion au cours de laquelle les dirigeants rendent compte de leur gestion. (C. Vincent, Les confréries dans le royaume de France, XIII e -XV e siècle, Paris, 1994, p.24-25.).

1858.

A l’échelle du royaume, les assemblées d’Etats sont le lieu de parole des contribuables, évêques, seigneurs et délégués des bonnes villes : en France, ils n’obéissent à aucune règle de convocation régulière. Ils sont presque annuels au début de la guerre de Cent Ans, puis ne sont convoqués que trois fois au cours du XVe siècle. Des Etats locaux sont aussi organisés : les plus importants sont ceux de Bourgogne (J. Bullioud, Les Etats de Bourgogne aux XIV e et XV e siècles, Dijon, 1922.), de Languedoc (H. Gilles, Les Etats du Languedoc au XV e siècle, Toulouse, 1965) ou de Provence. Chaque représentant prend la parole et présente l’avis et les doléances de ceux qui le mandatent.

1859.

Ces assemblées ont lieu sur la place publique ou dans l’église. Petit à petit elles se contentent d’élire des représentants qui s’occupent des affaires de la communauté. (M. Bourin, R. Durand, Vivre au village au Moyen-âge, Paris, 1984, p.206-219. M. Bourin, Villages médiévaux en Bas Languedoc : genèse d’une sociabilité. T. 2 : La démocratie au village (XIII e -XIV e siècles), L’Harmattan, 1987. H. Babeau, Les assemblées générales des communautés d’habitants en France, du XIII e siècle à la Révolution, Paris, 1893).