b) Le temps des assemblées.

Certains jours sont-ils plus propices que d’autres à la convocation des assemblées ?

Nombre de convocations pour chaque jour de la semaine.
  Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche Total
1417 1 . 2 2 1 . . 6
1427 6 3 4 7 4 2 10 36
1434 2 2 2 6 5 . 11 28
1447 1 . 2 . 1 . 3 7
1457 . . . . . . 1 1
1467 1 1 . 1 2 . 2 7
1477 . 1 1 0 0 1 4 7
1487 2 2 3 2 0 1 1 11
1497 . 2 2 0 1 . 1 6
1507 1 1 1 4 0 1 1 9
1517 . 1 . 1 1 . 4 7
Total 14 13 17 23 15 5 38 125

Des réunions sont convoquées tous les jours de la semaine, mais avec globalement une prépondérance le dimanche et le jeudi. Pourquoi ? Le dimanche présente peut-être l’avantage de pouvoir mander les gens plus facilement à la sortie de la messe. Faut-il s’étonner de la conciliation d’une activité politique et du jour du seigneur ? La même question avait été posée pour les réunions des seuls conseillers, ces derniers avaient d’ailleurs émis une restriction à la convocation de réunion ce jour là, au début des années 1450, mais elle était restée lettre morte. Cela ne constitue donc pas une contre-indication, et il est possible que l’aspect pratique soit retenu. Le choix du jeudi s’explique peut-être par le fait que les conseillers se réunissent déjà régulièrement ce jour-là, à partir des années 1440. Convoquer une assemblée générale le jeudi serait donc dans la continuité de leur action politique ; le milieu de semaine est peut-être aussi plus propice que d’autres jours pour s’organiser, puisque tous les participants aux assemblées travaillent. Mis à part le samedi, tous les jours de la semaine peuvent cependant être choisis pour des réunions urgentes, le jeudi et le dimanche sont seulement les jours les plus pratiques.

La date de la réunion est parfois accompagnée de précisions, il peut s’agir de l’indication d’une fête religieuse, ou d’un horaire de rendez-vous.

Précisions sur la date (% d’assemblées concernées).
Précisions sur la date (% d’assemblées concernées).

Extrêmement peu de dates sont données avec des indications religieuses, comme lors des réunions du consulat, à l’exception de l’Epiphanie et des jours liés au cycle de Pâques 1866 . Les horaires sont en revanche presque toujours indiqués à partir de 1467 : cet aspect est peut-être à mettre en liaison avec la plus grande précision des mandements. Par contre, il est difficile de lier ces différences aux changements de secrétaires car il n’y a pas de correspondance 1867 . Mis à part l’année 1417 où les horaires sont fréquemment notés 1868 , cette indication paraît plutôt liée à des habitudes et ne devient la norme qu’à partir de 1467 1869 . Peut-on identifier des horaires propices aux réunions ?

Les horaires des assemblées.
  Indications précises Nombre de références
Matin De matin
Heure de tierce
8 heures
7 heures
9
9
2
1 soit 21
Avant midi Avant disner 1870 1
Après-midi Après disner
Heure de vespres
32
3 soit 35

Il existe peu d’indications différentes d’horaires : les réunions ont lieu en majorité en début d’après-midi (61,5% des références), ou bien en début de matinée (37% des cas). Il est fort rare que d’autres moments de la journée soient retenus. On notera que ces horaires reprennent ceux choisis pour les réunions des seuls conseillers. Le mimétisme entre ces deux types d’assemblées tient essentiellement au fait que les conseillers les organisent en fonction de leurs disponibilités.

Les dates permettent de connaître le nombre et par conséquent la fréquence des assemblées.

Nombre d’assemblées convoquées lors des années test.
Nombre d’assemblées convoquées lors des années test.

Les conseillers convoquent peu d’assemblées, en moyenne 11 par an. Mais 1427, 1434 et 1457 sont des années particulières qu’il faut traiter à part ; si l’on excepte ces années, la moyenne sur le siècle tombe à 7, ce qui revient à convoquer les participants au minimum tous les deux mois. Mais il faut prendre en compte une donnée supplémentaire, la régularité de ces réunions. Or en observant les dates où sont convoquées ces assemblées, il apparaît clairement que les conseillers font appel à elles de manière très ponctuelle. Leur convocation exceptionnelle est là pour répondre à des problèmes précis, en aucun cas elle n’a pour but d’interroger régulièrement les habitants sur les réalisations du consulat.

Certaines années tendent à sortir nettement de la moyenne : 1457 où une seule assemblée est convoquée ; 1427 et 1434 parce que le nombre de réunions est 4 à 5 fois supérieur à celui des autres années. Pourquoi de telles disparités ? Une conjoncture particulière explique la situation de 1457 : aucune note n’est prise entre fin juin et mi-septembre puis entre début octobre et début décembre, soit en cumulé pendant 4 mois et demi. La ville est en effet gravement touchée par la peste, qui fait fuir loin de Lyon tous ceux qui ont la possibilité de partir, donc généralement les plus riches qui ont une maison ou quelques possessions à la campagne, où l’air semble moins vicié et contagieux. En l’absence de participants, il est impossible de tenir une réunion ; d’ailleurs le consulat marche au ralenti, peu de décisions sont prises à cette période.

Avant d’évoquer une conjoncture particulière pour 1427 et 1434, il convient de préciser que ces années-là, toutes les assemblées convoquées n’ont pas nécessairement pu être tenues, faute d’un nombre de participants suffisant. Ainsi en 1427, sur les 36 assemblées convoquées, 6 (17%) furent sans effet par manque de présents et il fallut les reporter 1871 . Le même problème, mais dans une moindre mesure, a contribué à l’inflation du nombre des réunions en 1434 : 2 réunions ont été aussi reportées 1872 .

Le problème récurrent des impôts, du fait de sa complexité, explique pour une bonne part le nombre élevé de réunions en 1427 : le roi demande une aide très importante à la ville, les réunions se multiplient pour tenter d’abroger puis de diminuer cette demande, puis pour élire des envoyés pour négocier avec l’administration royale, puis pour définir les modalités de la levée de cet impôt et nommer ceux qui en seront chargés. En tout, 26 réunions sur 36 traitent de ce problème, soit 72%.

En 1427 et 1434, le nombre de réunions est aussi très élevé à cause d’événements exceptionnels qui surviennent et qui nécessitent plusieurs assemblées pour leur trouver une solution. Ainsi en 1427, 3 assemblées (8%) sont convoquées à cause d’une brouille entre la ville de Lyon et le Prince d’Orange : ce dernier accuse des habitants de lui avoir volé quatre coursiers et menace la ville de mesures de rétorsion militaires, s’il ne lui est pas fait raison 1873 . En 1434, 3 assemblées (10%) sont tenues pour déterminer quel don il conviendra de faire pour la venue du roi à Lyon ; 4 autres (14%), évoquent le problème de la fluctuation de la valeur des monnaies et les mesures à prendre pour garantir le commerce en ville.

Notes
1866.

L’épiphanie est indiquée en 1447 et 1467 ; en 1427 le secrétaire note la « My-karesme », le dimanche « après mi-caresme », le lundi, mardi, mercredi et samedi saints ; en 1434, sont évoqués les Rameaux ainsi que le mardi et le jeudi Saint.

1867.

En effet Rolin de Mâcon rédige les registres de 1417, 1427 et 1434, Humbert Mathieu ceux de 1447, 1457 et 1467, or l’évolution des indications d’horaires n’a rien à voir avec le changement de scribe, puisque des variations existent pour chacun d’eux.

1868.

Il est difficile de trouver une explication à cette situation, d’autant que pour les années 1427 et 1434, le même secrétaire, Rolin de Mascon, ne trouve pas utile de préciser ces éléments pour la majorité des assemblées.

1869.

Il faut garder à l’esprit que l’année 1457 fausse un peu les données car il n’y a qu’une seule assemblée cette année-là. Nous reviendrons sur cet aspect un peu plus loin.

1870.

Le terme de « disner » semble désigner le repas de midi et non celui du soir. Le « disner » est bien le repas de midi pour les conseillers lyonnais puisque lorsque les horaires des commis à refaire les papiers des estimes de la ville sont fixés, il est dit qu’ils doivent travailler x heures le matin avant « disner », et x heures l’après–midi, après « disner ». Exemples : les commis doivent besogner « de matin depuis huits heures jusques à onze, et après dyner depuis deux heures jusques à cinq pour le moyns et ou cas », 1467, BB10 f312 ; ils « viendront à sept heures de matin et besoigneront jusques à neuf heures, et à trois heures après disner et besoigneront jusques à cinq », 1482, BB17 f7.

1871.

Ce sont les assemblées du 18 février, 27 mars, 19 avril, 13 juillet, 20 août et 23 novembre 1427 : « pour ce qu’ilz ne sont pas nombre souffisant, ilz n’ont rien peu conclurre sur la créance que leur a dit maistre Jehan de Dijon, (…) mès ont conclu demander à demain matin plus grant nombre et sur peine », 1427, RCL2 p.225 ; « pour deffault de nombre de conseillers et maistres de mestiers ilz n’ont pu appoinctier », 1427, RCL2 p.229 ; « l’on avoit mandé les conseillers vieux et noveaux, les maistres de mestiers et autres notables gens pour les cinq cens francs de la Saint-Jehan passée, mès ilz n’ont peu rien conclurre pour default de nombre plus grant », 1427, RCL2 p.234 ; « ilz ont continué jusques à demain après disner que l’on mandera plus de gens pour ce qu’ilz sont trop petit nombre », 1427, RCL2 p.251 ; « pour ce que les grans et qui paient les grosses sommes ne sont point venus, l’on a ordonné que l’on soit demain ensemble, entre sept et huit heures, et lors l’on mandera lesdits grans et sur peine, et les présens ont accordé de revenir demain », 1427, RCL2 p.240.

1872.

« Pour ce qu’ilz estoient en trop petit nombre pour conclurre en la matière dont dessus en faicte mention, ilz ont ordonné que l’on remendera après disner plus de gens aux Cordelliers pour appoincter sur ce que dit est », 1434, RCL2 p.381 ; « més, car lesdits assemblez estoient en trop petit nombre, ilz ont conclus d’estre aujourd’ui à deux heures après midi ensemble en plus grant nombre pour conclurre la meilleur response que faire se pourra », 1434, RCL2 p.392.

1873.

A ce propos voir l’article de R. Moutherde, « Un épisode lyonnais de la fin de la guerre de Cent Ans : l’affaire des quatre coursiers du prince d’Orange », Revue du Lyonnais, XI, 1891, p.102-115.