Après avoir étudié l’organisation de ces réunions, intéressons-nous au fonctionnement des 125 assemblées des années test.
Le secrétaire ne décrit jamais comment sont répartis spatialement les gens dans les assemblées, mais ces rassemblements répondent certainement à des normes précises d’organisation. Cette absence d’indications est peut-être le reflet d’une telle évidence qu’il est inutile de la souligner ; le secrétaire de la ville ne prend la peine de décrire cet aspect, que lors de réunions exceptionnelles qui ne concernent pas uniquement les Lyonnais : ainsi en 1482, sa narration de l’assemblée des trois Etats de la sénéchaussée de Lyon et du bailliage de Mâcon 1964 consiste presque uniquement en une description de l’organisation de cet événement. Il a lieu dans « la grande église de Lion », c’est-à-dire la cathédrale saint-Jean.
‘« Sur certains bancs pour ce arrangez en la grant nef de ladite église par la manière qui s’ensuyt, c’est assavoir : messires les officiers du Roy nostre sire au hault banc transversant au devant de la croix en ladite nef ; et à la part dextre, messires les évesques, chanoines et abbez desdits baillage et séneschaussée, et conséquement les nobles et officiers de Fouresez et Beaujoloys, tant que ung grand banc se povoit extendre tirant vers la grand porte de ladite église. Et au derrier dudit banc avoit ung autre banc de semblable longueur et estendue sur lequel estoient assiz les prieurs et autres gens d’église et eschevins, sindics et procureurs des villes closes desdits pays de Fouresez et Beaujoloys. Et à la partie senestre, estoient messires les doyens et chappitre de ladite grand église. Et après eulx les nobles lionnoys et roannoys, tant que ledit banc extendoit le long tirant vers ladite grand porte de ladite église. Et au derrier dudit banc avoit un autre grand banc, de semblable longueur et extendue sur lequel estoient les ecclésiastiques des églises collégiales de Lion. Et après eulx les eschevins, sindics et procureurs des villes closes desdits Lionnoys et Roannoys. Et au devant desdits deux bancs et au long d’iceulx, avoit ung banc de moyenne longueur sur lequel estoient les officiers en chief de monseigneur le cardinal arcevesque de Lion. Et sur ung autre banc transversant devers les grans porteaulx de ladite église, estoient ceulx des dessusditz officiers, eschevins, sindiques et procureurs desdites villes closes, desdits baillage et sénéchaussée qui ne pouveoient sur les bancs devers ditz. Et environ le milieu de la place au devers de tous lesdits bancqs ainsi encarréz, avoit une petite bancque à la manière d’un petit aultel d’église et ung petit banc de semblable longeur pour le greffier et secrétaire prins pour escripre et enregistrer ce qui seroit fait et dit par lesdits assembléez. Et par dehors tout autour desdits bancs avoit grand nombre de gens, tant des notables de ladite ville que autres gens desdits baillage et sénéchaussée » 1965 . ’Afin de mieux visualiser cette présentation, nous avons réalisé un plan schématique de Saint-Jean où nous avons placé les participants à cette réunion suivant les indications du secrétaire, et nous avons assigné à chaque groupe un numéro, celui de son ordre d’apparition dans la description :
Cette organisation reflète clairement une hiérarchie stricte entre les membres de l’assemblée : sans surprise, les membres du clergé sont les plus proches des représentants du pouvoir royal puisqu’ils sont le 1er ordre. Les nobles se trouvent assis aussi au premier rang, mais un peu plus loin des officiers du roi ; les membres du tiers état, échevins et syndics des villes, se trouvent derrière eux. Cette préséance se comprend aisément. Cependant, il est extrêmement surprenant que le premier des critères retenus pour placer ces gens dans l’église soit un critère géographique, puisqu’on prend soin de différencier ceux qui viennent d’une part, du Forez et du Beaujolais et ceux qui viennent d’autre part, du Lyonnais et du Roannais. Le critère social, l’appartenance à tel ou tel ordre n’intervient que dans un second temps.
Ces constatations peuvent inspirer quelques hypothèses quant au déroulement des assemblées de la ville : il est probable que la hiérarchie constatée précédemment entre notables et maîtres des métiers se traduise aussi spatialement, les premiers étant peut-être assis plus près des conseillers qui président l’assemblée, les seconds se trouvant peut-être derrière les notables ou relégués plus loin dans la salle de réunion. Des critères géographiques interviennent peut-être aussi dans le placement de ces hommes puisque Lyon est divisée en deux zones, côté Saône / côté Rhône et que les représentants des habitants sont choisis à part égale de chaque côté. Cela signifie-t-il que lors des assemblées de la ville ces critères géographiques viennent s’ajouter aux critères hiérarchiques ? Il semble difficile de croire en un placement indifférencié, d’autant que pour certaines villes, on sait que des règles strictes portaient sur cet aspect des assemblées. Ainsi à La Rochelle, les anciens maires sont aux premières places, chacun en son rang d’ancienneté, et les autres membres du corps de la ville sont aussi assis en fonction de leur ancienneté dans chaque rang ; c’est dans cet ordre que chacun donne son opinion 1966 . Il est dommage de ne pouvoir connaître pour la ville de Lyon ce type de données qui apportent un éclairage supplémentaire sur les pratiques d’assemblées.
L’installation des participants reste donc somme toute assez floue, est-ce à dire que rien ne nous renseigne sur les présents ou les absents lors de ces réunions ? Existe-t-il des réunions difficiles à mener, ou annulées par manque de présents ? Les annulations d’assemblées, l’absentéisme des mandés sont difficiles à appréhender de la même manière tout au long du siècle. Schématiquement deux périodes sont à différencier : la première moitié du XVe siècle où les secrétaires ne donnent pratiquement pas d’informations sur ces sujets, et la seconde moitié du siècle où petit à petit, ces données prennent une importance grandissante, avec notamment l’apparition de mandements chiffrant le nombre des individus à convoquer à partir des années 1460 et le développement de l’indication des listes des mandés à partir des années 1490.
Les reports de réunion sont les seules indications que l’on retrouve d’un bout à l’autre du siècle, avouant l’insuffisance du nombre des présents : c’est le cas pour deux assemblées en 1427 1967 , 1434 1968 et 1467 1969 , et pour une assemblée en 1447 1970 et 1487 1971 . Cependant ces cas de figure ne sont pas tous identiques, comme le montre le tableau ci-dessous.
Années | Participants à la 1ère assemblée | Participants à la 2ème assemblée | Augmentation des participants (%) |
1427 | 34 18 |
54 32 |
+60 +77 |
1434 | 30 28 |
45 38 |
+50 +35 |
1447 | 7 | 49 | +600 |
1467 | 17 14 |
62 102 |
+250 +630 |
1487 | 17 | 62 | +250 |
La fréquentation des assemblées de 1427 et 1434, où les présents demandent à ce qu’il y ait une nouvelle convocation, est loin d’être insuffisante : une vingtaine ou une trentaine de participants, ce qui est largement acceptable dans nombre d’autres réunions, pour preuve en 1427 et en 1434, 33% et 50% des assemblées affichent une proportion égale ou moindre de présents, sans être reconvoquées. A l’inverse en 1447, 1467 et 1487, ces mandements réitérés sont dus à un effectif trop faible de présents. Mais ce qui motive toutes ces nouvelles réunions est la difficulté à résoudre un problème : soit il s’agit de trouver de l’argent pour payer une aide demandée par le roi 1972 , soit il faut définir les modalités de levée d’une taille 1973 , soit une requête délicate est à faire à un grand 1974 . Problèmes de fonds ou démarches diplomatiques, ces sujets épineux requièrent une consultation plus large, car les mandés ne veulent assumer de se prononcer en si petit nombre, peut-être par crainte des conséquences délicates de leurs décisions 1975 .
Pour cerner l’ampleur réelle de l’absentéisme dans les assemblées, nous avons donc choisi de traiter à part la première moitié du XVe siècle, puisque c’est la période pour laquelle les informations sont les plus parcellaires et que nos conclusions ne peuvent être qu’hypothétiques.
L’annulation pure et simple d’une assemblée faute de participants est extrêmement rare : aucune mention n’a été relevée lors des années test de 1417 à 1447, et nous n’avons pratiquement pas rencontré d’exemples au fil des registres où le secrétaire indique explicitement que la réunion a été ajournée, sans que rien ne fut fait ou décidé par manque de présents 1976 . Ce faible nombre d’annulations est peut-être réel, à moins que les assemblées reportées ne soient pas systématiquement inscrites. C’est en effet ce que pourrait suggérer une phrase relevée lors du compte rendu du 29 juin 1427 : les conseillers « m’ont commandé 1977 que j’aille dire à monseigneur le bailli qu’ilz ont fait la meillieur diligence qu’ilz ont peu d’assembler des autres pour le fait de monseigneur le connestable, mès il n’est nul venu que eulx » 1978 . Cette plainte en forme d’excuse indique donc l’annulation faute de participants de plusieurs assemblées, or les registres consulaires ne font mention d’aucune réunion entre le 19 avril, date de la dernière assemblée tenue, et le 29 juin. Soit les conseillers trouvent un mensonge pour calmer l’impatience du bailli, soit ces assemblées n’ont pas été inscrites par le secrétaire, faute de participants suffisamment nombreux.
D’autres indices font penser que les assemblées annulées ou difficiles à réunir par manque de présents sont peut-être plus nombreuses qu’il n’y paraît. Le secrétaire évoque, à plusieurs reprises, l’existence d’amendes contre les absents pourtant convoqués nominativement : en 1425, les participants sont mandés « après le disner et sur peyne » 1979 ; lors d’une autre assemblée de 1425 l’amende est estimée à « un march d’argent » et les conseillers exigent des présents le serment de revenir le lendemain 1980 . Mais le recours à des amendes reste malgré tout anecdotique, des solutions plus propices à la bonne entente entre membres de l’élite et conseillers sont parfois mises en place. Ainsi en 1423, il est décidé de convoquer de nouveau une réunion pour que plus de personnes soient présentes « et entre deux les présens parleront aux autres absens et les induiront à faire leur devoir, et demain au matin ilz en feront response précise qu’ilz seront plus grant nombre » 1981 . La même solution est retenue lors d’une assemblée de 1426, pour ne pas trop retarder les débats 1982 .
Que révèlent les registres à propos de ces absences à partir de la seconde moitié du XVe siècle ? Une chose frappe immédiatement : les mesures de rétorsion contre les absents semblent se multiplier à partir des années 1480. Il est ainsi indiqué en 1496 que le mandeur convoquera des notables « jusques au nombre de deux cent et six sauf le plus, nommez et escriptz en ung roolle ou feuillet de papier auquel lesdites lectres de contrainctes sont actachées. » 1983 Ces mesures ne sont pas toujours très claires : en 1492, une assemblée est reportée au lendemain où devront venir « tous ceulx qui ont esté mandez sur double peine » 1984 , mais on ignore à combien se monte l’amende. D’ailleurs, son montant fluctue considérablement : « cent livres tournois » en 1484 tout comme en 1487 et 1489 1985 , « cinquante livres tournois » en 1488 1986 , « dix solz tournois » en 1496 1987 ; dix livres tournois en 1515 1988 ; cent solz en 1516 1989 . Il est possible que ces amendes ne soient pas réellement réclamées ou du moins que leur application ne soit pas très stricte, puisque François Dupré demande vigoureusement en 1514 aux présents, de faire « contraindre à paier une bonne amende » aux défaillants « et l’exécuter vertueusement sans personne espargnier sinon qu’il eust légitime excusacion » 1990 . La mollesse d’application de ces mesures serait en partie due aux liens qui unissent les membres de l’élite urbaine et les conseillers : un certain laxisme existerait pour faire payer les amendes, les seules véritables condamnations seraient verbales. En 1515, le procureur a beau « demander deffault contre les deffaillans et protester de les en faire pugnir et faire déclairer ladite paine par justice et des inconvéniens qui pourroient advenir à ladite ville par leur deffault et négligence » 1991 , rien n’est vraiment fait contre les absents 1992 .
Pourquoi prendre tant de mesures si elles ne sont pas appliquées, à quoi tient ce discours schizophrénique ? Une partie de la réponse peut nous être donnée si nous considérons le nombre moyen de participants fréquentant les assemblées lors de cette période.
Tranche de 10 ans | Nombre moyen de participants |
1460-1469 | 40 |
1470-1479 | 35 |
1480-1489 | 45 |
1490-1499 | 42 |
1500-1509 | 49 |
1510-1519 | 52 |
Ces chiffres restent globalement très réguliers, et ont même tendance à augmenter à la fin du siècle : on comprend mieux pourquoi les mesures pour lutter contre les absents restent sans réelle volonté d’application. Pourquoi l’absentéisme représente-t-il donc un problème si la fréquentation aux assemblées reste en moyenne constante ?
A partir des années 1460 le choix d’un nombre de personnes, puis l’indication des listes complètes des mandés à partir de la fin du siècle, permettent d’évaluer la différence qui existe entre le nombre des mandés et celui des présents aux assemblées. Si l’on considère les années test, on peut dresser un tableau des différents comportements dans le tableau suivant.
Années | Nombre de mandés | Nombre de présents | Proportion d’absentéistes |
1467 | 30 ou 40 18 |
14 17 |
54-65% 4% |
1477 | Pas d’indications à comparer | ||
1487 | 24 24 20 60 60 |
10 8 14 10 17 |
58% 66% 30% 83% 72% |
1497 1993 | 182 | ? | ? |
1507 | 134 30 98 |
60 4 45 |
55% 86% 46% |
1517 | 183 65 194 21 166 162 168 |
62 10 59 8 22 39 26 |
66% 84% 70% 61% 86% 76% 84% |
Les écarts entre mandés et présents sont impressionnants et augmentent au fil des années : il y a entre 25 et 35% d’absents en 1467, 62% en 1487 et 1507, et 75% en 1517. Cet absentéisme si fort nous a un peu surpris et par mesure de précaution, nous avons vérifié s’il était confirmé lors de grandes assemblées, prises au hasard dans les registres. Une seule assemblée en 1466 a été annulée parce qu’aucune des personnes mandées ne s’était présentée 1994 . En revanche dans toutes les assemblées que nous avons observées, il est rare que plus de la moitié des convoqués se déplacent : ainsi lors d’une assemblée en 1484 où sont convoquées 90 personnes côté Royaume et 94 personnes côté Empire, seules 122 se présentent effectivement 1995 ; en 1494 1996 , seuls 21 des 115 notables convoqués se rendent effectivement à l’assemblée prévue ; de même en 1514, les conseillers déplorent « que les notables et maistres des mestiers quant ilz sont mandé pour les affaires de la ville ilz ne viennent point et mesmement aujourdhuy où ilz ont esté mandez plus de deux cent et ilz ne sont pas cinquante comparans, qui est grant mesprins et désobéissance dont grans maulx et inconvéniens pourroient advenir à ladite ville et chose publicque d’icelle » 1997 .
Les listes des mandés sont utilisées de plus en plus régulièrement pour indiquer la différence entre présents et « défaillants » 1998 à partir des années 1490, une façon d’insister sur l’absentéisme de certains, qui est une préoccupation nouvelle 1999 . La lutte contre l’absentéisme s’engage : les convocations sont signifiées avec beaucoup de soin par les mandeurs de la ville, soit directement aux intéressés, soit à leur domicile à leur femme 2000 , afin qu’il leur soit impossible d’arguer d’une quelconque ignorance. C’est peut-être aussi d’ailleurs pour cela que la ville se dote de deux mandeurs : un seul homme ne peut plus se charger de tant de convocations si précises.
La prise en compte de l’absentéisme apparaît aussi dans des remarques que font les conseillers : 80 notables sont mandés pour une assemblée, « s’ilz ne viennent et au moyen de leur absence il advienne, que Dieu ne vueille, quelque inconvénient à ladite ville qu’il soit imputé esdits absents et non esdits comparans » 2001 . De nombreuses réunions sont reportées faute de nombre 2002 . Les participants semblent venir à la carte, sans considération véritable pour leur devoir 2003 : si la date ne leur convient pas, ils savent de toute façon que l’assemblée a des chances d’être reconvoquée à une date qui leur sera peut-être plus favorable. Cette attitude désinvolte ne surprend pas outre mesure, puisque les conseillers pratiquent eux-mêmes l’absentéisme lors des conseils du consulat, mais elle exaspère les présents qui ne manquent jamais de se plaindre des absents 2004 et se déchargent sur eux des conséquences néfastes que pourrait avoir leur attitude, cause de retard dans le traitement des affaires de la ville 2005 . Leur courroux est parfois d’ailleurs mis en scène : lors d’une assemblée en 1515, les présents demandent acte de leur comparution mais souhaitent aussi qu’il soit indiqué « qu’ils ont demoré actendans les autres depuis une heure jusques à quatre » 2006 . Les participants auraient donc attendu 3 heures durant les « deffaillans ». Pourquoi ? Cela peut signifier que les retards sont fréquents, les arrivées échelonnées, et qu’il n’y a donc pas une grande motivation pour venir. C’est aussi une attaque forte contre les absents, qui ont fait perdre leur temps aux présents pendant des heures, alors que tous exercent un métier.
L’enregistrement des présents est donc capital : le secrétaire met un signe près de leur nom dans ce but 2007 . Il semble que ce soit un C, peut-être pour « comparans » ; ils sont notés au début « en teste » 2008 puis rapidement la norme est de mettre ce C « au doz » 2009 de leur nom. En tête, le signe de présence est premier, symbole de l’importance du nombre des présents plus que de leur personne ; « au dos », le nom est premier, c’est l’individu en tant que tel qui compte, pas le fait qu’il soit une voix de plus dans une réunion. Cette manière de procéder nous renseigne sur les pratiques du secrétaire, qui prépare donc ses notes avant les assemblées, recopiant les listes des personnes supposées se présenter, afin qu’il n’ait plus qu’à cocher les présents le jour venu. Cette manière de noter la proportion de présents par rapport au nombre d’inscrits est habituelle dans les grandes assemblées : Ch. Soule montre que l’une des premières choses qui est faite lors des Etats généraux du XVe siècle, est la vérification des présents 2010 . Les participants doivent venir se manifester auprès du secrétaire pour que celui-ci les enregistre, comme le suggère cet incident le 22 avril 1515 : le secrétaire se plaint de l’attitude des notables « lesquelz l’en n’a peu rédiger par leurs noms et surnoms en escript à cause de ce qu’ilz ne venoient pas ensemble ne par ordre » 2011 . Ces hommes doivent s’inscrire auprès du secrétaire en début de réunion, selon un ordre bien établi, connu et reconnu par tous : il semble que cela concerne surtout les assemblées pour lesquelles un nombre de participants a été fixé, plutôt qu’une liste nominative.
Ces assemblées organisées avec soin par les conseillers, qui choisissent les participants et ferment les réunions à la population, semblent pourtant fonctionner avec difficulté puisque les mandés boudent de plus en plus les convocations des mandeurs. Si la proportion de présents par rapport aux mandés chute, la crise reste malgré tout dans l’ombre puisque la fréquentation reste globalement stable. Que cachent ces données ? Pourquoi les assemblées semblent-elles en crise ?
Cette assemblée est réunie pour évoquer la paix d’Arras avec la Bourgogne et le mariage bourguignon orchestré par Louis XI entre le dauphin et la fille de Marie de Bourgogne et de l’empereur d’Autriche Maximilien, Marguerite (qui n’a que deux ans).
1482, BB17 f26v-27.
R. Favreau, « Commune et gens du roi à La Rochelle (début XIIIe- début XVe), La ville au Moyen-âge, op. cit., p.424.
« Ont conclus de mander à demain matin plus grant nombre et sur peine », 1427, RCL2 p.225 ; « l’on mandera plus de gens pour ce qu’ilz sont trop petit nombre », 1427, RCL2 p.251.
« Ils ont ordonné que l’on remandera après disner le plus de gens aux Cordelliers », 1434, RCL2 p.381 ; « ils ont conclus d’être aujourd’ui à deux heures après midy ensemble en plus grant nombre », 1434, RCL2 p.392.
« Tous ceulx assemblez ont esté d’oppinion que avant que l’en puisse autres chose fere ne délibérer en ladite matière, laquelle estoit grande et de pois et touchoit ung chascun des habitans de ladite ville, l’en devroit mander et assembler pour ceste cause tous les maistres des mestiers et ung grant nombre des notables de ladite ville », 1467, BB10 f287v ; « pour mieulx conclure et appoincter sus, devront mander et assembler de rechief et promptement les dits maistres de mestiers et autres notables pour avoir sur ce leurs advis et consentements », 1467, BB10 f306v.
« Que l’en face mander à demain matin maistres des mestiers et autres notables gens de ladite ville en tant grant nombre que l’on pourra finer pour y concluyre et trouver le meileur remède que l’on pourra », 1447, RCL2 p.542.
« Tous ont dit et leur a semblé que lesdits conseillers devront fere mander tous les notables et maistres des mestiers de ladite ville et leur récité ce que dit est affin d’avoir leur consentement », 1487, BB19 f65.
C’est le cas pour une assemblée en 1427, pour les deux assemblées de 1434.
C’est le cas pour l’assemblée de 1447 et les deux assemblées de 1467.
En 1427 il s’agit de savoir comment amadouer le prince d’Orange qui menace la ville à cause d’une sombre histoire de vol de chevaux commis par des Lyonnais à son encontre ; en 1487 il faut déterminer qui se rendra devant le souverain pour réclamer le rétablissement des deux foires de Lyon qui ont été supprimées.
Autres exemples glanés dans les registres : le secrétaire indique qu’il « a semblé [aux présents] non estre nombre suffisant pour oppiner et délibérer sur la matière, laquelle leur sembloit estre de grant importance et conséquence, ont différé icelle délibération jusques à demain matin en plus grant nombre », 1468, BB15 f11.
« Pour ce qu’il n’y a point eu nombre de meistres de mestiers, l’on n’at riens fait, mais le ont continué jusque demain à matin et ont ordonné que l’on mande les absens », 1425, RCL2 p.155. « Pour ce qu’ilz n’estoient pas nombre ne de conseillers ne de maistre des mestiers, ilz n’ont ozé ouvrir unes autres lettres que ledit segnieur leur envoyoit jusques à demains qu’ilz se rassembleront en plus grand nombre », 1426, RCL2 p.194.
C’est le secrétaire qui parle.
1427, RCL2 p.233.
« Pour ce qu’ilz n’estoient point nombre souffisans de maistres des mestiers pour conclure, ilz ont ordonné que l’on mande après le disner et sur peyne tous les autres maistres de mestiers et lé présens ont promis de venir sans faulte », 1425, RCL2 p.140.
« Pour ce qu’il n’y a point eu nombre de meistres de mestiers, l’on n’at riens fait, mais le ont continué jusque demain à matin et ont ordonné que l’on mande les absens, sur poyne d’un march d’argent et que l’on facet jurer les présens de venir demain matin, sur ladicte poyne, lesqueulx dessuz nommez en ma main ont juré de demain retorné », 1425, RCL2 p.155.
1423, RCL2 p.66.
« Pour ce qu’il y a peu de ceulx du plat pais présens, lesqueulx comparissant, l’on a dit pourquoy l’on les avoit mandé, l’on a continué l’assemblée de ceulx de la ville et du pais à demain au matin et entre deux viendront ceulx qui ne sont point venus mandés, ausqueulx ceulx qui sont venus diront ce que l’on leur expose pour en venir plus délibérés », 1426, RCL2 p.164.
1494, BB22 f13.
1492, BB19 f266.
La seule allusion pour les années test a été trouvée en 1487 : le 15 juillet « furent mandez par le mandeur du consulat et Pierre Dioguet sergent royal par commandement de monseigneur le lieutenant et sur peine de cent livres tournois, conseillers vielx et nouveaux, notables et maistres des mestiers de ladite ville », 1487, BB19 f51. La même somme est demandée en 1484 et 1489 : 1484, BB15 f245v ; 1489, BB19 f123, f208, f279.
Les convoqués doivent comparaître « sur peine de cinquante livre tournois », 1488, BB19 f85v.
1496, BB22 f109v.
1515, BB33 f196-197.
1516, BB34 f190.
1514, BB33 f79v.
1515, BB33 f201v.
Son intervention rappelle beaucoup d’ailleurs celle qu’il a faite à la même époque contre l’absentéisme des conseillers au consulat.
Il existe la liste des mandés pour l’assemblée du 8 février, mais les présents ne sont pas cochés ; 1497, BB24 f74-75. Il est impossible de connaître les présents car leur liste ne figure pas dans le brouillon de cette année : BB23 f44v.
Le consulat a fait « mander les bourgeois, manans et habitans de ladite ville à la manière acoustumé, lesqueulx ja soyre que lesdits conseillers les actendoient jusques à onze heures devant au jour ne venirent point », 1466, BB10 f154v.
1484, BB15 f245v-246v.
1494, BB21 f29.
1514, BB33 f79.
« Desquelz notables cy devant nommez comparurent tous ceulx qui sont quottez C sur leurs noms et les autres furent deffaillans », 1494, BB21 f25-26v.
C’est peut-être aussi à mettre en relation avec une plus grande exactitude du secrétaire et le désir des présents d’être clairement identifiés.
« En après avoir ouy le rapport de Guillaume de la Balme et Jaques Coulland mandeurs au consulat, rapportans avoir mandé tous les devans nommez à leurs personne ou leurs domicilles audit hostel commun à heure de deux heures après mydi du jourdhuy, actendu que trois heures estoient passées ont procédé à dire leurs oppinions iceulx comparans, l’un après l’autre comme s’ensuyt », 1514, BB33 f122 ; les participants ont été mandés « tant à leurs personnes les ungs que autres, à leurs domicilles et personnes de leurs femmes ou serviteurs à la manière acoustumée », 1515, BB34 f110. Ont été mandés « tant à leur personnes les aucuns et les autres à leurs domicilles à la manière acostumée »,1516, BB34 f133.
1494, BB22 f3.
On mande pour une assemblée, des notables : « qu’ilz en soient tous advertiz et n’aient cause d’ignorance. Ledit jour de samedi par faulte de ce que lesdits notables ne viendrent en bon nombre fut continuer au jeudi ensuyvant », 1495, BB22 f51 ; on mande « les graduéz et notables nommez aux deux rolles sur ce faiz. Et pour ce que la plus grant part tant desdits conseillers gradués que notables ne sont comparuz, a esté remis à une heure après-midy », 1500, BB24 f264v ; « pour ce que mesdits sires les conseillers et maistres des mestiers ne sont venuz en nombre souffisant, ladite élection a esté différée et remise à une autre foys », 1500, BB24 f271 ; « pour ce qu’ilz ne sont venuz n’y a esté fait autre chose », 1512, BB28 f335v. Jean Bardin fait remarquer, lors de la réunion du 16 juin 1519, que « luy semble que l’on doit encores appeler les notables, pour ce que le nombre des comparans est tropt petit » : seuls onze notables ont répondu à l’appel des conseillers, 1519, BB37 f281v.
Il est très rare que des motifs d’absence soient donnés. Ils peuvent être tout à fait justifiés, comme en 1506 : « la plus grant partie des notables et maistres des mestiers combien que pour ce ilz fussent mandez, estoient absents de ladite ville pour cause de la peste que lors régnoit en icelle ville et les autres ne voulurent ou osèrent comparoir à ladite assemblée obstant et craignant la conservacion de ladite assemblée », 1506, BB25 f70v-73. Mais il arrive aussi que les raisons soient franchement désinvoltes comme en 1513 : « le jour d’yer, auquel jour furent mandez messires les notables de la ville, desquelz ne comparurent sinon sept ou huit obstant le temps de pluye qu’il feit yer ou par autres occupacions par quoy ladite assemblée fut continuée et remise au jourduy à l’eure présente », 1513, BB30 f278v.
Ils ne font qu’imiter l’attitude des conseillers face aux absences de certains consuls…
Assemblée avec 10 conseillers et seulement 14 notables : comme ils sont en « bien petit nombre, mesdits sires les conseillers ont protesté contre les absens affin qu’ilz ne puissent dire ne alléguer que le bail de ladite œuvre ont esté baillé et livré en leur absence et sans leur sceu », 1506, BB25 f81-v. « Ont protesté contre les absens non comparans de ce qu’ilz ne sont venuz et par faulte de nombre l’en ne peut déterminer desdites afferes ne autres de ladite ville, ains tient ausdits deffaillans et qu’ilz en soyent tenuz de tous dommaiges, inconvéniens et interetz que en pourroient advenir à ladite ville et communaulté, demandans acte », 1515, BB34 f27-30.
1515, BB34 f27-30.
« Desquelz notables cy devant nommez comparurent tous ceulx qui sont quottez C sur leurs noms et les autres furent deffaillans » 1494, BB21 f25-26v ; « comparurent tous ceulx qui sont quoctez C sur leur noms et les autres jacoit ce qu’ilz feussent tous mandez furent déffaillans », 1494, BB21 f29 ; « notables et maistres des mestiers de ceste ville nommez aux rolles, desquelz sont comparuz ceulx qui sont coctez par C », 1497, BB25 f111v, f117, f144v, f146v, f155 ; « desquelz sont comparus les personnes en lesquelles a esté mise la lectre C », 1503, BB24 f412v ; « ont fait mander aujourduy les nommez cy dessoubz, desquelz sont comparus les cotez à C », 1504, BB24 f458 ; « sont comparuz ceulx qui sont cotez à ceste lectre C sur leur nom », 1506, BB25 f22-26 ; « assemblée générale des notables, terriers et maistres des mestiers, desquelz sont comparus ceulx qui sont cotez au rolle par C », 1509, BB28 f116 ; « sont comparuz ceulx qui sont cotez par la lectre C », 1510, BB28 f188v-190.
« Desquelz sont comparuz les notables quotez en teste à C », 1492, BB19 f278.
« Mandez les notables et maistres des mestiers de ladite ville cy après nommez desquelz sont comparuz ceulx qui sont cotez par C au doz de leurs noms », 1506, BB25 f36 ; assemblée avec « tous les notables et maistres des mestiers représentans tout le corps de la ville et communaulté de Lyon cy après nommez, lesquelz sont comparuz ceulx qui sont coctez au doz par C », 1511, BB28 f301v-303v ; « desquelz sont comparuz ceulx qui sont cottez au doz par C », 1515, BB33 f309.
Cl. Soule, « Les pouvoirs des députés aux Etats généraux de France », Liber memorialis Sir Maurice Powicke, Commission internationale pour l’histoire des Assemblées d’Etat, Dublin, 1963, Louvain, 1965, p.76.
1515, BB33 250v.