2. Les buts des assemblées.

a) Le but officiel.

Après avoir vu l’organisation et la préparation des assemblées, pour mieux comprendre les motifs de leur convocation, il convient de s’interroger sur les problèmes qu’elles sont appelées à résoudre. Certes, les raisons de convoquer les assemblées sont toujours conjoncturelles, mais globalement nous avons pu déterminer six grands types de sujets de réunions : les impôts 2012 , la défense de la ville 2013 , le consulat et les privilèges urbains 2014 , les travaux édilitaires, le commerce. La dernière catégorie, intitulée « autres thèmes », concerne des évènements exceptionnels et uniques sur lesquels les conseillers demandent leur avis aux notables et maîtres des métiers.

Ordre du jour des assemblées (1417-1517).
Ordre du jour des assemblées (1417-1517).

Deux remarques générales peuvent être faites. D’une part trois sujets dominent : les impôts, la défense de la ville et les problèmes touchant le consulat et les privilèges urbains. D’autre part, chaque année un thème a tendance à dominer lors des assemblées sauf pour 1487, 1507 et 1517 où des assemblées sont convoquées pour diverses raisons.

Les conseillers consultent donc majoritairement les notables et les maîtres des métiers dès qu’il s’agit de trouver de l’argent, et donc qu’il est nécessaire de lever un impôt. L’impression générale qui ressort de ce type de convocation est que les caisses du consulat sont toujours vides, que ce soit pour financer des travaux en ville 2015 , organiser une entrée royale 2016 ou répondre à une demande d’argent royale 2017 , d’autant que le roi a toujours besoin de plus d’argent, généralement pour financer la guerre 2018 .

Par voie de conséquence il n’est pas étonnant que la défense de la ville soit aussi un sujet de préoccupation récurrent puisque les temps sont troublés, notamment dans la première moitié du siècle. C’est particulièrement le cas en 1417 où l’assemblée du 23 juillet est convoquée « pour voir comme l’on se gouvernera pour résister au Roy des Romains et au duc de Bourgogne, que l’on dit qui vuellent faire guerre à la ville de Lyon » 2019 .

Les problèmes afférents au consulat et aux privilèges urbains sont assez variés. Certains sont simples, tels le refus d’un nouveau conseiller de faire son serment 2020 ou l’élection en cours d’année d’un nouveau conseiller pour remplacer un consul décédé 2021  ; d’autres sujets sont plus complexes comme une possible réforme du consulat 2022 ou la demande d’un parlement à Lyon 2023 . Le thème le plus grave abordé concerne l’année 1497, puisqu’il donne lieu à cinq assemblées : les conseillers se trouvent accusés de malversations et de détournement de fonds, soumis à une enquête royale, obligés de prouver leur bonne foi. La tourmente dans laquelle ils sont pris, inquiète et intéresse grandement les participants : les uns, maîtres des métiers sont responsables de leur élection et donc potentiellement coupables d’un mauvais choix, et les autres, notables, sont soit des anciens, soit des futurs conseillers, et donc concernés au premier chef par de tels dangers. Il n’est pas étonnant que la grande majorité des réunions cette année-là concerne uniquement cette question et la manière pour les conseillers et la ville, de prouver une fois pour toutes leur probité : faut-il ou non donner à voir les papiers et les comptes de la ville pour se justifier, au risque de faire connaître quelques secrets à l’administration royale et de perdre ainsi une certaine indépendance ?

Notables et maîtres des métiers sont là pour donner leur avis en tant que contribuables lorsqu’ils s’agit des impôts, en tant qu’habitants de la ville s’il est question de sécurité urbaine, et comme potentiels conseillers quand le consulat et les privilèges urbains sont en jeu. Tous ces problèmes touchent donc directement les représentants de la population.

La catégorie « autres thèmes » recouvre des assemblées avec en majorité des sujets plus anecdotiques, réglés en l’espace d’une assemblée, comme l’attaque d’un notable un soir sur le pont de Saône 2024 , un problème dans l’administration de l’hôpital du pont du Rhône 2025 , un désaccord avec l’archevêque sur la manière de financer le Mystère de la Passion 2026 , ou l’annonce du mariage du roi 2027 . Seule exception en 1427, six assemblées traitent de l’épineux différend qui existe entre la ville de Lyon et le prince d’Orange, Louis de Chalon, à cause d’une histoire de vol de chevaux, prétexte pour ce prince à menacer la ville 2028 .

On notera pour conclure que plus la conjoncture est difficile et moins les sujets d’assemblées sont nombreux : en 1417, 1427 et 1434 l’état de guerre induit une double préoccupation, financer les armées du roi et assurer la défense de la ville ; en 1447, 1457 et 1467 les demandes royales d’aide ou de don sont difficiles à assumer alors que la ville, appauvrie et dépeuplée, commence seulement à retrouver la prospérité grâce aux foires. A partir des années 1477, la ville regagne richesse et renommée, les conseillers ne sont plus préoccupés par un seul sujet : ils ne gèrent plus la crise, mais toutes les composantes de la prospérité.

Notes
2012.

Nous avons classé dans cette catégorie toutes les réunions où le consulat explique qu’il a besoin d’argent et demande qu’on l’autorise à lever un impôt (que ce soit pour répondre à une demande royale d’argent ou pour financer des travaux en ville) ; mais cela concerne aussi toutes les réunions où les participants réfléchissent au montant de cet impôt (notamment lorsqu’il y a tentative de renégociation d’une aide due au roi) et aux modalités de sa levée (direct ou indirect ; montant de l’assiette ; choix des receveurs).

2013.

Cette catégorie regroupe toutes les réunions où il est question de l’organisation de la défense de la ville (rôle de chacun, importance des fortifications – notamment si elles doivent être remises en état), ou bien d’un péril qui menace la ville.

2014.

Dans cette catégorie nous avons rangé tous les problèmes qui concernent le consulat (souci avec un conseiller ; réélection pour remplacer un consul décédé ; attaques de la part de particuliers) ou les privilèges de la ville (problème de confirmation ; demande de nouveaux privilèges).

2015.

Assemblées pour faire des travaux sur les ponts de la ville (1477, 1507 et 1517) ; problème avec les galeries, c’est-à-dire les passages couverts que certains particuliers ont fait édifier devant leur habitation et qui empiètent sur la voie publique (1507).

2016.

Assemblées en 1434 et1507. En 1434 pour son joyeux avènement Charles VII reçut une vaisselle d’argent doré, douze plats et 24 écuelles du poids de cent marcs (A. Kleinclausz, op.cit., p.266).

2017.

Ces demandes donnent lieu à des assemblées toutes les années test sauf en 1497.

2018.

En 1417, 1427 et 1434 la ville fournit des aides pour le futur Charles VII afin de financer ses armées lors des guerres bourguignonnes,

2019.

L’archevêque de Lyon avait reçu la nouvelle du concile de Constance. En effet en avril 1417 le duc de Bourgogne, allié avec les Anglais, et le roi des Romains, Sigismond, entrent en révolte ouverte contre le roi de France : Lyon est alors directement menacée. « La situation de Lyon et du Dauphiné à l’égard de l’empire n’avait jamais été réglée officiellement ; l’empereur était toujours en théorie, le souverain du royaume d’Arles. Qu’il lui plût d’inféoder la ville à son allié bourguignon, à son vassal savoyard ou même de la rendre à l’Eglise, de toutes façons la commune était compromise » ; de plus les Lyonnais soupçonnent Amédée VIII de vouloir prendre la ville. A. Kleinclausz, Histoire de Lyon , op.cit ., p.246.

2020.

En 1434.

2021.

En 1507.

2022.

En 1487

2023.

En 1517.

2024.

En 1434.

2025.

En 1477.

2026.

En 1487.

2027.

En 1517.

2028.

Voir à ce sujet l’article de R. Mouterde, « Un épisode lyonnais de la fin de la guerre de Cent Ans… », op. cit., p.102-115.